La mode
Et maintenant, d'où va souffler le vent ?
La mode s'alanguit dans ses chiffons de soie couleur d'aurore. Les minijupes impudiques, les manteaux lèche-bottes, la révolution de l'ourlet, tout n'est aujourd'hui que cendres. Après tant de liberté, ce calme ressemble à l'ennui. Les gens de métier s'interrogent. « D'où va souffler le vent ? » se demande Bruno du Roselle, délégué général de la Fédération française du prêt-à-porter, dans son livre La crise de la mode. On guette à l'horizon l'orage ou le typhon. La haute couture et, à un autre niveau, le prêt-à-porter raffinent et peaufinent, faute de mieux. Les détails, les accessoires tiennent lieu d'invention.
Y a-t-il mieux à faire quand Saint-Laurent lui-même répète ses classiques, qui sont autant de leçons d'élégance et de bon sens ? Le seul vainqueur sur tous les fronts, c'est le pantalon. Il s'en vend 6 à 7 millions par an, sans compter les blue-jeans. C'était, à peu de chose près, l'uniforme de l'hiver, ajusté à la hanche, élargi à la cheville, allongé par des chaussures à semelle plate-forme ou des sabots avec un blouson bourru. Cette mode tranquille, on la regarde sans battements de cœur. Pourtant, elle change un peu, selon les lieux, Saint-Séverin et Saint-Ouen n'ont pas les mêmes ouailles... Mais il n'y a guère qu'une minorité pour faire passer sur le public féminin le frisson de la contestation. Cette minorité-là, qui pense haut et fort, va aux Puces décrocher des robes 1930, des boléros en marabout ou en singe ; à l'occasion, elle coupe une jupe dans un tapis de table, et elle exploite le folklore. Mode buissonnière, mode parallèle, il s'agit surtout d'un épiphénomène dont l'influence est limitée. La tentative de Jacques Estérel l'est peut-être moins : pour soustraire les femmes au « fascisme imposé par les technocrates dans le domaine du vêtement », il propose des patrons et des idées de couturier sous le titre « prêt-à-créer design ». Les femmes, dit-on, vont se montrer de plus en plus individualistes. Cela ne signifie pas qu'elles n'aient pas besoin de pilote...