Commentant cette situation dans une interview à la télévision, le cardinal Alfrink déclare : « Beaucoup se demanderont : Qu'avons-nous encore à voir avec l'Église ? C'est cela qui est tragique. » Et, en effet, les observateurs constatent qu'une fraction des catholiques, naguère les plus actifs et les plus avancés, se détache en silence de l'Église.

Suisse

Le débat sur la révision de la Constitution fédérale se termine, le 19 septembre 1972, par l'abrogation des dispositions d'exception contre les Jésuites. Depuis 1874, interdiction était faite à ces derniers d'être reçus en Suisse et d'y exercer quelque action que ce soit « dans l'Église et dans l'École ». Cette mesure avait été prise à la suite de luttes religieuses opposant, en 1844, le canton d'Argovie au canton de Lucerne qui avait confié aux Jésuites la responsabilité de l'enseignement. Ce qui n'empêchait pas 80 jésuites environ de vivre dans la Confédération helvétique, d'y diriger des foyers pour jeunes gens, de collaborer à la radio, à la télévision et à divers journaux, et d'y établir plusieurs aumôneries universitaires.

Synode

Lors du débat au Parlement, pourtant, quatre députés se prononcent contre l'abrogation. Ils déclarent notamment que la Société de Jésus est une « société politico-religieuse dangereuse dont les règles contreviennent à la Constitution suisse ».

En attendant la ratification par référendum du vote du Parlement, quelques manifestations montrent que l'hostilité de certains cercles à l'activité des Jésuites n'est pas tout à fait éteinte.

L'opinion catholique suisse, il est vrai, ne s'en préoccupe guère. Elle s'intéresse surtout à l'ouverture, le 23 septembre, des travaux du Synode 72, vaste délibération de type démocratique sur l'avenir de la foi et de l'Église, qui doit se poursuivre durant trois ans.

Espagne

Aucune amélioration n'est perceptible dans les rapports entre l'Église et l'État. Un incident en passe de devenir traditionnel le montre bien. En décembre, la commission « Justice et Paix » de l'épiscopat publie, comme chaque année, une analyse sévère de la situation politique et sociale du pays ; et, en riposte, dans son discours du jour de l'an, le général Franco incite à demi-mot l'Église à rester sur son propre terrain.

Autonomie

Plus nettement encore, dans un discours prononcé le 8 décembre, l'amiral Carrero Blanco, vice-président du gouvernement, accuse l'Église d'ingratitude et rappelle que, depuis 1939, l'État a dépensé quelque 300 milliards de pesetas pour elle. Il répond ainsi, sans le dire, à une Déclaration collective adoptée six jours plus tôt par l'assemblée de l'épiscopat. Celle-ci revendique la liberté pour l'Église et reconnaît, à l'inverse, l'autonomie dont jouit la communauté politique. En application de ces principes, l'épiscopat demande à nouveau la révision du concordat de 1953, met en question le caractère confessionnel de l'État espagnol, se déclare prêt à renoncer aux privilèges traditionnels de l'Église, et souhaite que les ecclésiastiques ne participent plus aux institutions politiques de la nation. Mais les négociations sur la révision du concordat, engagées depuis plusieurs années, restent au point mort.

Amérique latine

Ce sont toujours les mêmes problèmes que rencontrent les Églises du continent latin. Certains de leurs éléments, au Brésil ou en Argentine par exemple, sont en lutte ouverte contre des régimes conservateurs. La déclaration de 16 évêques de l'Ouest brésilien publiée en septembre 1972 est caractéristique à cet égard : « On arrête et on incarcère arbitrairement, les lois sont méprisées, surtout en ce qui concerne les droits des étudiants, des travailleurs et des paysans. Le climat de suspicion et d'insécurité personnelle en vient à être de plus en plus insupportable. La majorité du peuple brésilien n'a aucune participation au progrès économique, les paysans sont les otages de la politique cupide des grands propriétaires fonciers. » Les évêques de São Paulo et du Nord publient des déclarations analogues. Le 15 mars, enfin, c'est la conférence nationale des évêques qui publie un plaidoyer pour le respect des droits de l'homme. Et Mgr Helder Camara, archevêque de Recife, dénonce à la fois, en termes très vifs, dans des conférences prononcées en Italie, ce qu'il nomme l'impasse du monde capitaliste et les graves distorsions dans les superpuissances socialistes.