Les évêques commençaient par stigmatiser l'antisémitisme : « L'antisémitisme est un héritage du monde païen, mais il s'est encore renforcé en climat chrétien par des arguments pseudo-théologiques. Le juif mérite notre attention et notre estime, souvent notre admiration, parfois certes notre critique amicale et fraternelle, mais toujours notre amour. » Les évêques proclament ensuite qu'il « est faux d'opposer judaïsme et christianisme comme religion de crainte et religion d'amour. » L'article fondamental de la foi juive, le Chema Israël, commence par : « Tu aimeras l'Éternel de tout ton cœur... », et se poursuit par l'amour du prochain.

Après avoir longuement exhorté les fidèles à acquérir « une connaissance vraie et vivante de la tradition juive », les évêques consacrèrent un long paragraphe au problème de l'État d'Israël, justifiant, dans l'ordre de la foi, le retour des Juifs en Terre sainte et le tenant pour légitime, sans pour autant oublier le problème de « ceux qui, à la suite de conflits locaux résultant de ce retour, sont actuellement victimes de graves situations d'injustice ».

Ce texte, auquel le grand rabbin de France se déclara « extrêmement sensible », constitue le plus important tournant jamais enregistré dans les relations judéo-chrétiennes. Il va bien au-delà de la déclaration conciliante faite lors de Vatican II. Il lave notamment les juifs de l'accusation de déicide.

Culture

Une des particularités de l'année aura été l'intérêt manifesté au sein des communautés juives pour les problèmes de l'économie générale et leurs rapports avec les valeurs traditionnelles.

C'est ainsi que, sous l'égide des consistoires, un colloque porta tout entier sur ce thème, et une équipe de travail fut constituée sous la direction d'économistes juifs réputés, notamment Lionel Stoleru. D'autre part, un grand débat avec Herman Kahn fut également organisé par le Consistoire de Paris.

Une autre tendance se manifesta au sein de la jeunesse : celle qui consiste à utiliser diverses formes d'art comme mode d'expression de leur identité juive. On vit se créer ou se développer plusieurs chorales et groupes théâtraux, notamment à Nancy. Il en fut de même aux États-Unis ; outre la représentation d'une œuvre d'avant-garde, Le Kaddisch d'Allen Ginsberg, on y assista à une triomphale tournée du Théâtre juif de Roumanie, la dernière des grandes troupes de théâtre juif subsistant en Europe orientale.

À Genève également, le centre communautaire créa une œuvre originale : Gloria Sephardica. Au cinéma, plusieurs films à thème juif défrayèrent la chronique, comme le discutable Complexe de Portnoy, ou sensibilisèrent l'opinion à de nouvelles dimensions de l'existence juive : Pic et Pic et Colégram, film de Rachel Weinberg, et Une larme dans l'océan, film d'Henri Glaeser tiré du célèbre roman de Manès Sperber.

Enfin, au sein d'une abondante moisson littéraire, les livres les plus remarqués furent : un roman d'Arnold Mandel, Le périple ; un essai d'Albert Cohen, Ô vous, frères humains ; et un essai d'Hannah Arendt, De l'antisémitisme.

Les musulmans

Perceptible depuis plusieurs années déjà, la poussée de renouveau islamique se manifeste plus fortement au cours de cette année, surtout dans les pays arabes. Il s'agit d'un mouvement de retour à l'islam le plus traditionaliste, refusant tout accommodement moderniste. Le phénomène est à la fois religieux et politique, comme toujours dans le monde musulman, étranger à toute idée de distinction du temporel et du spirituel.

Kadhafi

La Libye, celle du jeune et bouillant colonel Kadhafi, donne l'exemple. La réaction traditionaliste musulmane, qui s'y est affirmée depuis le renversement de la monarchie senoussite, prend plus de force. Dans son souci de revenir au respect intégral du Coran, le colonel-président n'hésite pas à rétablir le vieux principe médiéval selon lequel tout voleur doit avoir la main coupée. Après avoir prohibé l'usage de l'alcool pour tous les ressortissants libyens, le gouvernement en vient même à interdire l'importation de boissons alcoolisées par les représentations diplomatiques. On ne boit plus que des jus de fruits au cours des réceptions dans les ambassades !