Pour tenter de dénouer la situation, Henry Kissinger et Le Duc Tho reprennent le chemin de Paris. Après un mois de laborieuses négociations, ils signent, le 13 juin 1973, avec leurs alliés respectifs, un nouvel accord visant à l'application réelle de ceux de janvier. La poursuite du déminage des côtes nord-vietnamiennes, la reprise des négociations économiques, l'arrêt des vols de reconnaissance sont les seules mesures concrètes décidées.
Mais l'essentiel, aux yeux des observateurs, reste que les États-Unis et la République démocratique du Viêt-nam ont réaffirmé leur volonté de paix et que Washington a imposé ces accords à Thieu.
Fin juin, l'appel à un respect strict du cessez-le-feu n'est pas encore entendu. Le Viêt-nam est entre la guerre et la paix. Les uns craignent qu'un nouveau conflit ne surgisse des cendres encore brûlantes de la deuxième guerre d'Indochine ; les autres pensent que peu à peu un consensus se crée entre les partenaires.
Cambodge
En revanche, les armes seules ont la parole au Cambodge. Dernier des trois pays d'Indochine à être entré dans la guerre, il reste au cours de toute cette année le lieu d'intenses bombardements et de batailles acharnées. Si les accords de Paris ont, en quelque sorte, fait tache d'huile au Laos (où les contacts n'avaient jamais été rompus entre les procommunistes, les neutralistes et la droite), il n'en est pas de même au Cambodge.
Entre les partisans du prince Sihanouk exilé à Pékin et le régime du maréchal Lon Nol soutenu par les États-Unis, aucun compromis, aucune discussion ne paraissent possibles.
Manifestement les Américains espéraient réussir à Phnom Penh ce qu'ils n'avait pas obtenu à Saigon : l'établissement d'un régime populaire qui, par son existence même, aurait mis en échec les membres du FUNK (partisans de Sihanouk). D'où le peu d'empressement de Nixon d'étendre les accords de Paris au Cambodge.
Alors que les maquisards remportent plusieurs victoires et se trouvent aux portes de la capitale, les B-52 effectuent à partir de janvier une série de raids meurtriers pour tenter de la dégager.
L'efficacité de ces raids n'empêche pas l'étau de se resserrer autour de Phnom Penh. Et cela d'autant plus que Lon Nol, qui, au début, avait été soutenu par une bonne partie des Cambodgiens, voit peu à peu sa popularité s'effriter et se révèle incapable de résoudre les problèmes politiques et économiques.
Le bombardement de son palais, le 17 mars, par un avion piloté par le gendre de Sihanouk et la visite des territoires libérés par le prince-président sont autant de coups portés à un régime dont la fragilité devient de plus en plus évidente. Ce n'est pas le remaniement ministériel auquel procède Lon Nol en avril qui retourne la situation en sa faveur.
Sihanouk a réussi à rassembler autour de son drapeau aussi bien ses partisans (non communistes) que les Khmers rouges (qu'il combattait jadis). Les uns et les autres contrôlent les points clefs du pays, et le prince exilé, fort de son droit et de ses victoires sur le terrain, refuse obstinément de négocier avec ses adversaires. Pour lui, le seul interlocuteur valable est Washington, ce qui revient à nier la validité même du régime de Lon Nol.
Les Américains se trouvent ainsi pris dans une situation contradictoire dans la mesure où ils ne peuvent pas déchoir ou ignorer leur allié. Lors des accords de juin, H. Kissinger a évoqué la possibilité de contacts diplomatiques, mais rien, à la fin de juin, n'est venu confirmer cette annonce.
Quoi qu'il en soit, l'opposition du Sénat et de la Chambre à la poursuite de la guerre au Cambodge (refus de voter les crédits pour les bombardements) se voit opposer le veto présidentiel.
Trente-trois ans de guerre
Les Français l'ont appelée la guerre d'Indochine, les Américains la guerre du Viêt-nam. La première s'est terminée à Genève en 1954, la seconde à Paris en 1973. Mais pour l'une comme pour l'autre il est difficile de fixer un commencement. C'est l'une des caractéristiques des guerres révolutionnaires : elles ne se déclarent pas ; elles naissent dans les maquis avant d'éclater au grand jour.
La résistance à la colonisation française n'a pas attendu la Seconde Guerre mondiale pour se manifester (Hô Chi Minh a créé le parti communiste indochinois en 1930), mais l'entrée du Japon sur la scène indochinoise précipite les événements. En mai 1941 se forme le Viêt-nam Doc Lap Dong Minh Hoi ou Viêt-minh. Son programme : l'indépendance. Des réseaux sont mis en place, des maquis se constituent.
Moins d'un mois après la capitulation japonaise, Hô Chi Minh proclame, le 2 septembre 1945, l'indépendance de la république démocratique du Viêt-nam. Tout le monde à Paris pense à la reconstitution de l'Empire, et personne ou presque ne saisit le sens de l'événement. Hô est prêt à composer et signe avec Jean Sainteny (délégué du haut commissaire) un accord reconnaissant la liberté du Viêt-nam dans le cadre de l'Union française. Paris interprète cette liberté dans le sens le plus étroit. Hô Chi Minh vient en France, mais la conférence de Fontainebleau (été 1946) ne fait que confirmer, malgré les apparences, le profond désaccord entre Paris et le Viêt-minh. Le bombardement de Haiphong (place forte du gouvernement viet-minh), en novembre 1946 par la marine française, met le feu aux poudres. C'est la guerre. Le 20 décembre, Hô lance un appel à la nation pour l'indépendance.
Au cours de ces années, le destin du Viêt-nam se joue à la fois militairement et politiquement. L'armée française, au début, n'a pas de mal à maintenir l'ordre ; Paris pense pouvoir rétablir la situation à son profit. Prenant peu à peu conscience que l'ère de la colonisation est passée en Asie, le gouvernement finit par reconnaître l'indépendance du Viêt-nam, mais sous la houlette de l'ex-empereur Bao-Daï, lequel ne tient et ne peut conserver son autorité qu'avec l'aide de l'armée française face à Hô Chi Minh et aux forces vietminh. Le partage du Viêt-nam est pour ainsi dire consommé ; le début de la guerre froide accentue encore cette division. Dans ce contexte, la France combat aux avant-postes du monde libre (Mao a pris le pouvoir en Chine en 1949). Mais sur le terrain l'armée française n'est pas préparée à la guerre révolutionnaire ; Cao Bang, Lang Son, Lao Kay marquent les premiers succès des maquisards de Giap.
Le général de Lattre prend le commandement du corps expéditionnaire et contre-attaque. En quelques mois, il reprend l'initiative et inflige de lourdes défaites au Viêt-minh. Les maquisards doivent se disperser. De Lattre mort, le Viêt-minh lance plusieurs grandes offensives. La bataille de Diên Bien Phu, où après plus de six mois de résistance les meilleurs éléments du corps expéditionnaire capitulent, marque la fin de la guerre. La conférence de Genève (mai-juillet 1954) officialise le partage du Viêt-nam de part et d'autre du 17e parallèle, mais des élections générales sont prévues dans un délai de deux ans pour la réunification.
À peine paraphés, les accords de Genève sont déjà caducs. Les Américains, qui refusent de les signer, sont décidés à faire du Sud Viêt-nam un bastion de l'anticommunisme en Asie. Ils imposent à Bao-Daï un président du Conseil formé par leurs soins, Ngô Dinh Diem, un catholique intransigeant. En 1955, Diem proclame la république, refuse les élections pour la réunification, et exerce avec sa famille et l'aide des Américains une dictature qui durera près de dix ans. Dans les rizières et les forêts la lutte reprend. Des notables, des paysans gagnent les maquis pour fuir les prisons de Diem. Les premières escarmouches ont lieu dès 1957 et, en 1960, se crée le Front national de libération. Parallèlement, les effectifs des conseillers militaires US se gonflent ; peu à peu un véritable corps expéditionnaire se constitue. Le 1er novembre 1963, Diem est assassiné dans son palais, avec la complicité des Américains.
Au niveau politique, pendant deux ans, généraux et colonels se succèdent à Saigon avant que le général Thieu, qui a la confiance des États-Unis, ne s'empare du pouvoir. Sur le terrain, c'est la guerre à outrance. L'épisode des vedettes américaines coulées dans le golfe du Tonkin en août 1964 sert de prétexte aux États-Unis pour lancer les premiers raids sur le Nord Viêt-nam, suivis, en février 1965, de bombardements réguliers. Au sud, les vastes opérations déclenchées par le commandement américain se heurtent a des maquis toujours plus nombreux, renforcés par des éléments nord-vietnamiens.
L'offensive du Têt, lancée fin janvier par le Front, porte un coup sévère aux Américains et à leurs alliés ; la victoire militaire qu'ils escomptaient leur paraît désormais impossible. Le 31 mars, le président Johnson, en révélant qu'il ne se représentera pas a la présidence, annonce la fin des bombardements sur le Nord Viêt-nam et se déclare prêt à ouvrir des pourparlers avec les autorités d'Hanoi. Le 13 mai s'ouvre la conférence de Paris, avec les Nord-Vietnamiens et les Américains, auxquels viendront se joindre, huit mois plus tard, les représentants de Saigon et du FNL.
Nixon, élu président des États-Unis en novembre 1968, se présente comme l'homme de la paix, mais il ne renonce pas à obtenir par d'autres moyens ce que ses prédécesseurs ont cherché en vain : une certaine victoire militaire. Il met en œuvre un programme de vietnamisation. La guerre s'étend au Cambodge (avril 1970), puis au Laos (février 1971). Mais ni les bombardements au sud, ni la reprise des raids au nord ne font céder le Front et ses alliés. Dans la coulisse, Henry Kissinger négocie l'accord du 27 janvier.
Moyen-Orient : impasse diplomatique et terrorisme
L'impasse diplomatique dans le conflit israélo-arabe demeure totale. Le rapport des forces, dans le domaine militaire, est largement en faveur d'Israël. Le gouvernement de Jérusalem, d'une part, poursuit et développe son implantation dans les territoires occupés et, de l'autre, déploie des efforts particuliers dans la lutte contre le terrorisme et les organisations de commandos palestiniens.