L'internationalisation du capital est jusqu'à présent apparue comme le seul palliatif possible. C'est dans cette optique, d'ailleurs, que la Compagnie financière de Suez s'est rapprochée du groupe d'assurances américain Ina Corp., qui est devenu l'un de ses principaux actionnaires par l'achat de 10 % de son capital au groupe Saint-Gobain - Pont-à-Mousson, pour plus de 30 millions de dollars.
Les situations spéciales continuent d'échapper à l'influence déprimante de l'ensemble de la cote et soutiennent seules l'intérêt. Ainsi en est-il, en ce second semestre 1970, des Produits chimiques et raffineries de Berre. Amorcées dans le cadre de la restructuration et de la réorganisation du groupe Saint-Gobain – Pont-à-Mousson, les négociations en cours avec le groupe Royal Dutch-Shell aboutiront effectivement à la cession au groupe anglo-hollandais des intérêts détenus dans les filiales communes Shell Berre. La hausse de Mokta retient l'attention à la veille de l'offre publique d'échange faite aux actionnaires par la société Le Nickel, qui renforce ainsi sa position, déjà solidement établie, de premier groupe minier français.
Les ciments eux-mêmes connaissent les feux de l'actualité, après qu'eut été confirmée l'intention de mettre fin à l'association Lambert-Lafarge. Déjà amorcée depuis un certain temps, la restructuration de ce secteur se poursuit par le désistement de Lambert, puis, quelques mois plus tard, par le rapprochement des Ciments français et de Poliet et Chausson.
Les hauts et bas de Perrier, l'avance rapide de Cofimer, la chute des cours de Poclain, l'attrait des introductions boursières nouvelles — Facom, Cogefimo, Novafer, etc. — constituent ainsi les taches de lumière égayant la grisaille quotidienne.
Insensible aux événements politiques qui secouent le monde arabe, la Bourse pratique la politique du wait and see, tandis que se discutent budget 1971 et VIe Plan et que se multiplient émissions obligataires — emprunts du Crédit foncier de France, de Michelin, du GIS — et augmentations de capital.
La réalisation même de ces opérations est cependant là pour prouver que la Bourse joue, fort bien, son rôle de collecteur de capitaux au profit de l'industrie et des entreprises publiques. Favorisés par la cherté des taux d'intérêt (de 8 % à 9 %), les placements obligataires connaissent un essor sensible avec une mention spéciale pour les emprunts convertibles. Quelque 26 milliards de francs auront été ainsi drainés en 1970 par les diverses émissions de valeurs mobilières (contre 20 en 1969 et 14 en 1968), les traditionnels appels des sociétés industrielles côtoyant les émissions des sociétés de type nouveau comme les sociétés de financement des télécommunications, dont l'impact s'est montré très rapidement perceptible au niveau des carnets de commandes des fabricants d'équipements téléphoniques.
Une timide reprise se manifeste quand le ministre de l'Économie et des Finances, en plus d'une nouvelle diminution à 7 % du taux de l'escompte, annonce à l'Assemblée nationale le 20 octobre 1970 que le moment est arrivé de « revenir sur l'ensemble des restrictions quantitatives connues sous le nom d'encadrement du crédit ». Ce n'est là toutefois que feu de paille, car la Bourse, déçue par le maintien du contrôle des changes, reste sur ses positions.
Parti des États-Unis, le mouvement de détente des taux se propage pourtant rapidement en cette fin d'année. La Belgique et le Japon, imitant la France, abaissent leur taux d'escompte fin octobre, les États-Unis font de même à deux reprises, puis l'Allemagne. Conséquence immédiate, l'indice Dow Jones des valeurs industrielles refranchit le niveau de 800 au début de décembre, tandis que s'élargit le volume des échanges : plus de 92 millions de titres échangés pendant la première semaine de décembre, chiffre record dans les annales de Wall Street.
La passivité de Paris n'en est que plus déconcertante. Elle se prolonge néanmoins jusqu'à la fin de l'année, la courbe représentative de l'évolution de l'indice général demeurant à peu près horizontale.