Aménagement du territoire
Régionalisation par étapes
Avec le général de Gaulle, la régionalisation a été la principale victime du référendum du 27 avril 1969.
Une question mal posée, où la réforme des régions était maladroitement liée à celle du Sénat, un débat politisé à l'extrême ont abouti à ce résultat paradoxal : le rejet, par la majorité du pays, d'un bouleversement des structures permettant de « mettre fin à cent cinquante ans de centralisation abusive » et correspondant aux vœux de la plupart des Français.
Le gouvernement, échaudé par cet échec, a choisi la prudence. « Sans précipitation, mais sans lenteur », telle a été la devise retenue par le Premier ministre, Jacques Chaban-Delmas. Le maire de Bordeaux sait que la régionalisation constitue l'une des pièces maîtresses de la nouvelle société qu'il rêve de bâtir. Mais il ne veut pas aller trop vite, de peur de capoter à nouveau.
C'est pourquoi, choisissant de façon symbolique la tribune du Sénat pour s'exprimer pour la première fois sur ce sujet, il annonce le 4 décembre 1969 des expériences de « décentralisation accentuée » : elles pourront être effectuées dans certaines régions qui le désireront, et seront accompagnées d'études et d'une « très large consultation de tous les intéressés ».
Une réforme globale
Devant le Mouvement national des élus locaux, le 14 février 1970, le Premier ministre précise sa pensée : la réforme régionale, déclare-t-il en substance, ne devra pas mettre en cause l'existence des départements, mais les compléter. Réforme des régions, des départements et des communes doit, en effet, former un tout. « Il s'agit d'une réforme globale qui doit littéralement débloquer la société française ».
Si le programme est vaste, l'échéancier est prudent. Le 13 avril, le Premier ministre installe à Matignon un groupe de travail, comprenant des représentants des ministères intéressés (Intérieur, Finances, Aménagement du territoire) et dirigé par un ancien préfet non conformiste, Pierre Chaussade.
Il a pour mission de coordonner les expériences de décentralisation régionale et de déconcentration administrative (par le transfert de certaines attributions des administrations centrales aux départements notamment). Mais la remise des textes élaborés devant le Parlement est renvoyée au lendemain des élections municipales de mars 1971.
En attendant, le drapeau de la régionalisation est brandi, dans le pays, par deux mouvements qui, dès décembre 1969, réclament une relance active du projet :
– Présidé par Edgard Pisani, ancien ministre du général de Gaulle, le Conseil national des économies régionales (CNER) regroupe les comités d'expansion. À son 23e Congrès de Deauville, il formule des propositions audacieuses : assemblée territoriale élue au suffrage universel direct et flanquée d'un conseil consultatif, représentant les forces socioprofessionnelles ; élection, dans une phase ultérieure, d'un exécutif régional ; découpage de la France en une dizaine de grandes régions « à l'échelle européenne » ; et, enfin, réalisation parallèle de la réforme régionale et de la réforme communale, car, estime le rapport d'ouverture, « pour que l'édifice France puisse supporter un nouvel étage, il faut renforcer solidement les fondations ».
– La procédure et les objectifs du Mouvement national pour la décentralisation et la réforme régionale (MNDR) sont quelque peu différents. Présidé par Louis Joxe, lui aussi ancien ministre de la Ve République, mais resté dans les rangs de la majorité, il a reçu l'adhésion de 150 parlementaires, de l'UDR aux socialistes. Pour son délégué général, Joseph Martray, « l'essentiel est de construire la plate-forme la plus large possible, afin de réunir le plus grand nombre d'élus et de responsables autour de l'idée de régionalisation ». Première initiative du MNDR, une large consultation est lancée le 15 avril sur le difficile problème de la dimension régionale.
Les mêmes questions
Pressé par les uns, ralenti par les autres, préoccupé par la perspective des élections municipales en 1971 et législatives en 1973, le Gouvernement avance cahin-caha. Le 14 avril, J. Chaban-Delmas annonce le prochain dépôt d'un projet de loi autorisant des expériences de régionalisation, qui débuteront en janvier 1971, dans plusieurs régions tests. Ce faisant, le Premier ministre reprend toutes les grandes questions qui avaient été posées à la veille du référendum et dont la solution ne paraît pas avoir beaucoup avancé.