Journal de l'année Édition 1970 1970Éd. 1970

Chronique judiciaire

Feyzin : cinq condamnations de principe

Quatre ans après l'incendie et l'explosion qui, le 4 janvier 1966, à la raffinerie de Feyzin, ont provoqué la mort de 18 personnes et entraîné des blessures pour 84 autres, la chambre correctionnelle du tribunal de grande instance de Vienne (Isère) a eu à juger l'affaire. Cinq inculpés ont comparu devant elle : Bernard Delapalme, directeur général de la Société Rhône-Alpes, dont dépendait la raffinerie, Julien Berthelet, directeur de cette dernière, Robert Dechaumet, aide-opérateur, Edmond Fossey, agent de la sécurité, et André Pierret, chef du corps des sapeurs-pompiers de Lyon.

Le tribunal a prononcé contre eux des peines de prison avec sursis, d'ailleurs couvertes par l'amnistie. Il a retenu contre R. Dechaumet et E. Fossey la fausse manœuvre qui fut à l'origine du drame ; contre B. Delapalme l'absence d'une clôture pleine autour de l'usine, dont l'édification était pourtant exigée par le permis de construire — et qui aurait peut-être pu éviter qu'un automobiliste soit brûlé sur l'autoroute voisine. Il a reproché à J. Berthelet d'avoir ignoré les particularités et les insuffisances du réseau hydraulique destiné à combattre le feu, et au colonel Pierret son ignorance des risques présentés par un feu d'hydrocarbures alors qu'un contrat d'abonnement entre les pompiers de Lyon et la raffinerie mettait à la charge des premiers un contrôle annuel des installations et une évaluation des risques.

La condamnation du chef des sapeurs-pompiers, qui a eu une attitude fort courageuse et a été blessé en combattant le sinistre, a suscité des protestations.

Comme lui, trois des condamnés ont fait appel, car ils avaient demandé leur relaxe. « Un tel incendie ne pouvait être éteint », avaient-ils plaidé.

Guerini : 20 ans de réclusion

« C'est une injustice, je suis innocent. » Tel a été le cri de Barthélémy (alias Mémé) Guerini en s'entendant condamner à vingt ans de réclusion criminelle par la cour d'assises de Paris. Un peu plus tard, lorsque l'audience civile est ouverte, le condamné exprime une fois de plus son indignation : « Ah ! elle est belle, la France ! » Son frère Pascal et deux autres accusés, Henri Rossi et Dominique Poli, frappés de quinze ans de la même peine, ont lancé de semblables protestations. Seul, Marcel Filliot est acquitté. Ses déclarations à la police (rétractées par la suite) ont contribué à faire subodorer la culpabilité des Guerini dans l'assassinat de Claude Mandroyan, un jeune escroc puni pour avoir manqué de respect au clan...

L'affaire Markovic (suite)

En décembre 1969, François Marcantoni, seul inculpé de l'affaire Markovic (Journal de l'année 1968-69), obtient satisfaction ; sa troisième demande de liberté provisoire lui est accordée moyennant une caution de 60 000 francs que son ami, le comédien Alain Delon, s'est déclaré prêt à payer. Les magistrats, après un débat à huis dos, ont estimé que l'incarcération de l'ancien truand corse n'était « plus nécessaire à la manifestation de la vérité ». Quelle vérité ? on peut se le demander puisque le mystère qui a entouré l'assassinat du Yougoslave Stephan Markovic, en octobre 1968, n'a jamais été élucidé.

Jean-Marie Deveaux : un acquittement attendu

Prévisible depuis que l'intervention du garde des Sceaux avait entraîné un pourvoi dans l'intérêt de la justice et du condamné, l'acquittement de Jean-Marie Deveaux (Journal de l'année 1968-69) est prononcé, le 27 septembre, par la cour d'assises de Dijon, six ans, sept mois et vingt jours après le procès à l'issue duquel il avait été déclaré coupable de l'assassinat de la jeune Dominique Bessard et condamné à 20 ans de réclusion.

Plus que les débats et leur conclusion, c'est à la leçon qu'ils apportent que l'opinion s'est montrée sensible : un plus strict respect des règles et des principes du droit criminel aurait pu éviter l'erreur judiciaire dont Jean-Marie Deveaux fut victime. Un autre problème est soulevé incidemment par cette affaire. À quelle réparation peut prétendre un condamné après une mesure d'acquittement qui proclame l'injustice de sa condamnation ?