Architecture
Vers une création collective
L'architecture est en crise. Le nouveau monde industriel lui ouvre des perspectives vertigineuses ; le triomphe des matériaux et des techniques de pointe offre des ressources inépuisables aux recherches de formes nouvelles. Mais l'essor industriel n'a pas marqué seulement les techniques : transformant profondément les conditions de travail, il impose à une profession trop longtemps figée dans ses règles traditionnelles une sérieuse reconversion.
L'Ordre en question
En France, les discussions sur la profession se cristallisent autour du rapport préparé pour le Premier ministre par un ancien préfet, devenu directeur d'une société de promotion immobilière, René Paira. Son étude révèle surtout des préoccupations assez contradictoires : nécessité de s'adapter aux nouvelles structures industrielles, tout en se protégeant contre la concurrence croissante des autres professions du bâtiment. Quelques propositions nouvelles : création d'équipes pluridisciplinaires, augmentation du nombre des architectes (qui passerait de 8 000 à 20 000), institution d'une garantie architecturale ; cela tout en assurant le maintien de l'ordre des architectes. Mais ce dernier point alimente une violente controverse : la loi de 1940 instituant l'Ordre apparaît périmée, 70 % de la construction échappant dès maintenant aux architectes. La plus grande partie est confiée aux bureaux d'études d'ingénieurs, auxquels la déontologie interdit aux architectes de s'associer. Résultat pratique : nombre d'ateliers ont choisi de se placer aux limites de la légalité, en s'associant à d'autres professions, dans le cadre de groupements d'intérêt économiques, de coopératives ou de bureaux d'études.
Cette nouvelle définition du rôle de l'architecte préoccupe les responsables ; le ministère des Affaires culturelles met en place une commission de la recherche architecturale ; le Cercle d'études architecturales lance une enquête sur le rôle des différents participants à l'acte de construire. Leurs premières conclusions laissent entrevoir sous un nouvel éclairage le rôle de l'architecte, compte tenu de la nécessité d'associer tous les intéressés, du financier à l'utilisateur, à toutes les phases de la construction, depuis la conception jusqu'à la réalisation.
Il y a peu de temps encore, ces détails étaient réservés aux initiés. Maintenant, l'homme de la rue est invité à s'y associer. Thème dominant du colloque de Cannes : l'association des usagers. Elle requiert, au départ, la vulgarisation des données de l'architecture pour leur permettre de juger et de choisir. L'architecte Joseph Belmont publie à cette intention un livre au titre significatif : l'Architecture, création collective.
Triomphe du plastique
Mais l'événement architectural de l'année est la préparation de l'Exposition universelle d'Osaka, placée sous le thème de Progrès et harmonie pour l'humanité. Elle regroupe 72 pays et coûte six fois plus cher que l'Exposition de Montréal de 1967. C'est la consécration du Japonais Kenzo Tange, nommé architecte en chef de l'exposition. Le plastique y triomphe sous toutes ses formes : étiré, moulé, injecté ou gonflé en alvéoles, en godrons, en sphères, en cylindres ou en feuilles, des couleurs les plus violentes aux teintes les plus tendres.
Le pavillon du groupe Fuji est composé de 16 poutres de vinyle recouvertes de caoutchouc synthétique d'un jaune agressif. Le pavillon américain pousse jusqu'au bout la logique de ce matériau idéal pour le temporaire et les grandes surfaces : seul affleure à ras de sol un gigantesque toit oblong en fibre de verre recouvert de vinyle gonflé d'air ; c'est le plus grand toit d'une seule portée jamais construit ; il peut recouvrir un terrain de football.
Quant au pavillon français, il se borne à trois sphères chapeautées de tôle galvanisée, peintes en blanc. Pour des raisons techniques et budgétaires, la maquette des architectes Jean Le Couteur et Denis Sloan, qui prévoyait trois bulles de plastiques gonflables, n'a pas été réalisée.
Construction sur mesure
Marquant le triomphe de l'industrialisation, les plastiques gonflables sont devenus l'un des principaux matériaux de construction : de faible poids par rapport au volume utile, rapidement mis en place, ils couvrent déjà des silos et des centres commerciaux aux États-Unis, des entrepôts au Groenland, des piscines et des terrains de sports dans le monde entier. En France, après les meubles gonflables de Quasar et de Bernard Quentin, le créateur Hans Walter Müller prépare pour la Fondation Maeght, à Saint-Paul-de-Vence, un théâtre orange et blanc de 1 000 places, en chlorure de vinyle stratifié par une armature de Nylon, gonflable en dix minutes.