En décembre 1969, l'Assemblée nationale sénégalaise adopte à l'unanimité une nouvelle constitution. Soumis à un référendum populaire en février, le texte est adopté à une majorité de 99,97 %.

Le système présidentiel est assoupli, mais il s'agit d'une simple réforme qui n'implique pas le retour au parlementarisme tel qu'il existait avant l'éviction de Mamadou Dia, en décembre 1962. Senghor a médité sur les méfaits du bicéphalisme et tient à conserver le contrôle total des affaires de l'État.

C'est le président de la République qui nomme le Premier ministre et celui-ci n'est responsable que devant lui. L'Assemblée nationale ne dispose que d'un simple droit de contrôle qui peut s'exercer par le mécanisme de la question de censure et non par celui de la question de confiance. D'autre part, le domaine réservé du chef de l'État est considérablement étendu.

Abdou Diouf, haut fonctionnaire âgé de trente-cinq ans, qui a déjà exercé des responsabilités ministérielles, devient Premier ministre. Grand commis connu pour sa loyauté à l'égard du chef de l'État, il représente la jeune technocratie sénégalaise. Sa nomination et le remaniement de l'équipe gouvernementale qui' l'accompagne soulignent combien les vieux leaders de la génération de l'indépendance sont disposés à faire une place à leurs cadets ; les deux tiers des portefeuilles sont détenus par des hommes de trente-cinq à quarante ans.

Comme dans le ministère précédent, le président de la République s'occupe directement de la Défense et des forces armées. L. Senghor, qui, grâce au loyalisme des militaires, a restauré l'ordre en maintes circonstances (Journal de l'année 1968-69), tient à garder la haute main sur la Défense nationale.

Le malaise paysan

Économiquement, la situation reste mauvaise. La dernière récolte d'arachides est la plus faible enregistrée depuis quatorze ans : 600 000 t d'arachides coques seront commercialisées ; le plan quadriennal prévoyait un tonnage de 1 100 000 t.

Cette chute brutale s'explique par la désaffection des masses rurales à l'égard d'un produit qui constitue la seule source importante d'exportation. Le prix payé au paysan est très faible, en dépit de cours mondiaux relativement élevés. Les estimations officielles les moins pessimistes font état d'un revenu annuel moyen de 6 700 francs CFA pour le paysan sénégalais (soit 134 F).

L'échec du système coopératif a contribué à rendre impopulaire la culture des arachides. En excluant de ce secteur de l'économie tous les commerçants et toutes les sociétés qui contrôlaient la traite pendant la période coloniale (dans l'intention de mettre un terme à certains abus), le gouvernement a livré le paysannat à l'arbitraire aveugle d'une machine étatique.

La part de l'arachide et des produits dérivés (huile, tourteaux, etc.) est trop importante pour que L. Senghor ne procède pas à une profonde réorganisation des coopératives. Le rétablissement de la confiance en milieu paysan est à ce prix.

Aux frontières méridionales

Comme la Tunisie et le Maroc pendant la guerre d'Algérie, le Sénégal sert aujourd'hui de terre d'asile à des nationalistes ou à des réfugiés fuyant certaines zones de combat. La lutte engagée en Guinée-Bissau par les maquisards du Parti africain pour l'indépendance de la Guinée et des îles du Cap-Vert (PAIGC) contre le gouvernement de Lisbonne, a de douloureux prolongements en territoire sénégalais.

En novembre et décembre 1969, les forces portugaises ayant bombardé le village sénégalais de Samine, les autorités de Dakar saisissent à deux reprises le Conseil de sécurité de l'ONU, qui « condamne avec sévérité » le Portugal.

Simultanément, le Sénégal renforce son dispositif de sécurité sur la frontière sénégalo-guinéenne, tandis qu'il maintient de discrets contacts avec les dirigeants portugais. La mise en place de plusieurs compagnies de l'armée sénégalaise dans la région de Ziguinchor, puis dans celle de Velingara limite beaucoup les possibilités d'action des maquisards guinéens. D'ailleurs, le foyer dont disposait, à Ziguinchor, le PAIGC est fermé en avril et seuls les hommes désarmés sont admis en territoire sénégalais.