Les enquêteurs ne tardent guère à être frappés de stupéfaction par les déclarations du plaignant. Selon lui, les deux garçons, Pascal, trois ans, et Gabriel, six ans, ont été enlevés par des ravisseurs, qui se sont emparés aussi d'une statuette magique : « La chambre des enfants était le lieu central où la statuette parlait. Si on la plaçait ailleurs, elle restait muette... Je perdais alors mon seul moyen de communication avec l'invisible. » En fait, la statuette mystique (dont les voleurs, dit le mage, voulaient se servir comme monnaie d'échange pour obtenir de lui le secret des mystères de Plutarque) a été sculptée par un ancien élève des Beaux-Arts. Celui-ci, avec quelques disciples, vivent dans l'ashram du Swâmi, dont l'épouse (Josiane pour l'état civil) est parée du titre de prêtresse Alféola.

Les déclarations contradictoires et souvent extravagantes de Maurice Gérard achèvent de persuader la police qu'il ment quand il dit avoir reçu une demande de rançon. Mais que sont devenus les enfants ? Toutes les hypothèses sont envisagées, depuis l'enlèvement publicitaire jusqu'au crime. Des pelotons de gendarmerie fouillent les bois et les souterrains des environs. Des escouades de policiers interrogent les habitants du village. En vain !

C'est pourtant sous l'inculpation de défaut de soins à enfants que le grand prêtre et son épouse sont finalement inculpés et écroués à Metz. On n'a pu relever contre eux d'autre charge que celle-là... Elle est mince par rapport à la gravité des présomptions. Outre la disparition des deux garçonnets, elle concerne le sort d'un autre enfant du couple Gérard qui, d'après un médecin parisien, serait né en 1963 et dont on n'aurait plus entendu parler.

Les psychiatres ont déclaré que le mage et sa femme sont des fous dangereux et qu'ils doivent être internés. Mais cela n'a pas mis fin au mystère le plus inquiétant, celui de la disparition des deux bambins.

Froissy : 14 débiles mentaux périssent dans un incendie

Une fois de plus, le grave problème que pose en France la pénurie de centres d'accueil pour les jeunes déficients mentaux a été rappelé à l'attention par une tragédie. Au mois de novembre 1968, à Froissy, dans l'Oise, 14 débiles profonds, âgés de quatre à treize ans, trouvent une mort atroce dans l'incendie du château de la Source — une institution privée qui n'a reçu ni l'agrément de la Sécurité sociale ni celui de la Direction départementale de la Santé. L'installation laisse beaucoup à désirer, notamment sur le plan de la sécurité : un escalier de secours est commandé, mais n'avait pas encore été réalisé ; les sauveteurs n'ont pas le plan du château et ignorent où se trouvent les postes d'eau. De plus, dans la chambre du deuxième étage où le feu a pris, les enfants sont enfermés à clé ; unique moyen de laisser seuls ces jeunes enfants privés de raison.

Cependant, les parents des victimes prennent pour la plupart la défense du couple qui dirige l'institution, les Rokowski, dont le dévouement n'est pas niable. Et surtout, ils portent l'accusation sur le véritable terrain : « À qui la faute s'il n'existe pas d'autres établissements pour les débiles profonds ? À qui la faute si, en ce domaine, les besoins, hélas ! sans cesse croissants, ne sont satisfaits qu'à 10 p. 100 ? À qui la faute si les tarifs demandés par l'administration sont si lourds que les parents préfèrent s'adresser à des institutions semblables à la Source, où les prix de pension sont plus abordables ? » Une fois de plus, c'est à travers une tragédie qu'un grave problème se trouve posé devant l'opinion.

La Caravelle Ajaccio-Nice : 95 morts

Deux catastrophes ont endeuillé le début et la fin des vacances 1968.

La première a été le déraillement du Paris-Marseille, le 1er juillet 1968. Une quinzaine de kilomètres avant l'arrivée à Lyon, le train, qui roule à 120 km/h, se coupe en deux en pleine ligne droite. Tandis que la locomotive et sept voitures poursuivent leur course pour s'arrêter sans dommage 500 m plus loin, le reste du convoi se couche sur la voie. De la ferraille, on retire 5 morts et 76 blessés. Le décalage d'une roue sur son essieu — incident technique très rare — était à l'origine du drame.