C'est également pour permettre cette meilleure mobilisation de l'épargne que furent mises en oeuvre deux autres mesures importantes : atténuation des distinctions traditionnelles et réglementaires entre banques d'affaires et banques de dépôts, et publication des textes d'application de la loi du 29 novembre 1965 créant les comptes d'épargne à long terme.
Capitaux à long terme
La distorsion entre le volume important et croissant de l'épargne liquide et celui, très insuffisant, des moyens de financement des investissements à long terme a conduit peu à peu à mettre en cause la sacro-sainte et très rigide distinction entre banques d'affaires et banques de dépôts. Le retard de l'épargne consolidée constitue l'une des grandes inquiétudes du Ve plan ; bien que cette pénurie de capitaux à long terme ne soit pas propre à notre pays, elle est généralement moins aiguë dans la plupart des autres nations industrialisées, et parait, en partie du moins, imputable à certaines pratiques bancaires d'une prudence excessive et inconnues à l'étranger : en février, un décret est ainsi venu assouplir la distinction rigoureuse établie en 1941 et 1945 entre banques d'affaires et banques de dépôts. Ces dernières sont autorisées, depuis le mois de novembre, à détenir jusqu'à 20 % (au lieu de 10 % antérieurement) du capital des entreprises industrielles et commerciales. En réciproque, les banques d'affaires sont autorisées à recevoir des dépôts de la part des particuliers.
Crédit forfaitaire
C'est le 6 juin 1966 qu'un décret est venu préciser les conditions de fonctionnement des comptes d'épargne à long terme, ou plans d'épargne bloqués sur dix ans. Déjà, depuis le début de l'année, les taux d'intérêts avaient été réaménagés à ce même effet : orienter l'épargne vers les placements à long terme.
Toujours dans le souci de moderniser nos pratiques et de les rapprocher de celles qui sont en usage à l'étranger, le gouvernement a, au mois de décembre, fait siennes les conclusions d'un groupe d'experts chargés d'étudier nos méthodes de crédit à court terme : cette commission, présidée par H. Gilet, conseiller à la Cour des comptes, et constituée au mois de juin, devait, en effet, chaudement recommander de substituer à la formule traditionnelle — paperassière, lourde et onéreuse — de l'escompte sur traites la méthode anglo-saxonne de crédit forfaitaire et direct.
Cela devait notamment s'accompagner d'un réaménagement des règles de réescompte de la Banque de France, déjà amorcé par la liberté qui avait été rendue aux banques en avril 1966 de différencier et de fixer librement le coût des diverses opérations de crédit, ce qui a eu pour effet de permettre une diminution de 0,10 % du taux des crédits par caisse et d'augmenter de 0,25 % celui des effets commerciaux, tandis qu'une certaine concurrence était réintroduite dans les activités bancaires. Ainsi, la part de l'escompte commercial dans le total des crédits à court terme semble-t-elle devoir diminuer progressivement.
Les réserves obligatoires
Une certaine libéralisation du crédit résultait de la plupart des mesures prises ; elle impliquait logiquement un réaménagement des moyens par lesquels l'État contrôle les variations du volume du crédit. Cela était d'autant plus nécessaire que le Trésor public influence moins directement le marché des capitaux, du fait de la politique de désengagement poursuivie depuis 1963 tendant à laisser une plus grande autonomie à l'épargne.
Ce réaménagement devait également fournir, du même coup, l'occasion de s'inspirer, là encore, des techniques appliquées dans la plupart des pays étrangers : c'est ainsi que la technique des réserves obligatoires devait être introduite en France à la place du système du coefficient de trésorerie.
Un certain emballement de l'expansion des crédits à l'économie s'était manifesté au cours de l'année 1966 (+ 13,8 % d'octobre 1965 à octobre 1966), en raison de la reprise de l'activité économique et de la suppression, fin 1965, des mesures d'encadrement du crédit ; il rendait d'autant plus nécessaire cette reprise en main des mécanismes de contrôle. Les banques, désormais, remettront à la Banque de France une fraction déterminée du montant de leurs dépôts, variable selon la nature de ceux-ci. Cette stérilisation — les fonds remis ne seront pas rémunérés — réduit d'autant les liquidités des banques et limite ainsi leur faculté d'émettre de nouveaux crédits.