Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
A

Aragon (Louis) (suite)

Ce poème, l’un de ceux qui forment le recueil Persécuté persécuteur, a deux conséquences, la première de provoquer une instruction judiciaire, la seconde de consommer la rupture de l’auteur avec le surréalisme. André Breton, tentant de défendre son ami, a distingué le sujet, qui n’est, selon lui, que « secondaire » et « de circonstance », et l’esthétique, qui seule compte, ce qui revient à dire qu’un poète ne s’engage qu’en poésie. Aragon refusera cette distinction. Mais son adieu au surréalisme n’est pas reniement. Il a reconnu le bénéfice tiré de cette période, tant pour la liberté de l’esprit que pour celle du style : « Il est indiscutable que mon langage ne serait pas ce qu’il est s’il n’était sorti du surréalisme. »

Pendant ses douze ans passés sous la férule d’André Breton, Aragon a publié, en poésie, le Mouvement perpétuel (1926), la Grande Gaîté (1929), Persécuté persécuteur (1931), et, en prose, Une vague de rêves (1924), le Paysan de Paris (1926), Traité du style (1928). Cette dernière œuvre atteste une parfaite maîtrise de l’écriture, qui est bien « surréaliste », mais sans la tension attentive des proses de Breton. Nulle économie de mots chez Aragon, dont le langage pécherait plutôt par prodigalité. On pourrait dire que la démarche de son esprit n’est pas « verticale », montée de l’inconscient pour se formuler en paroles volontiers ésotériques, mais « horizontale », ne se passant pas de communication claire avec le plus grand nombre. Le personnage de Hugo l’a constamment fasciné, dont il admire « l’obéissance surprenante à l’histoire », et, en cela, l’auteur des Misérables est son modèle.

Aragon est venu tout naturellement au roman. Il était fatal que son itinéraire l’amenât où l’art rencontre la société et l’histoire. Le voici qui, dès 1934, entreprend (avec les Cloches de Bâle, puis les Beaux Quartiers), sous le titre général du « Monde réel », une série de onze romans, dont six composent la série des Communistes (1949-1951). À plusieurs reprises, Aragon est revenu sur le sens révolutionnaire de ces vastes fresques, peuplées et inachevées comme la vie même. Il les veut une peinture, une explication, mais aussi un acte, par lequel l’évolution historique, inévitablement poussée vers un socialisme universel, sera servie et, dans une certaine mesure, hâtée. Quoi qu’il en soit, Aragon a donné, en tant que romancier, son chef-d’œuvre dans le roman historique, la Semaine sainte (1958), qui se passe sous les Cent-Jours. Son personnage principal est le peintre Géricault, dont on pourrait croire qu’il a prêté à ce récit foisonnant, plein de cavalcades, de hussards, de nuées sinistres et de visages convulsés, sa propre imagerie.

Événement nouveau, dans l’itinéraire d’Aragon, mais non pas inattendu : le retour en force de la poésie, délaissée depuis 1934, année de Hourra l’Oural, jusqu’en 1941. Poésie toute différente de celle de sa jeunesse, réconciliée, sans sujétion, avec la prosodie classique. Tous ceux qui ont vécu les sombres heures de l’occupation se souviennent de ces petits livres comme le Crève-Cœur, le Cantique à Elsa, les Yeux d’Elsa, Brocéliande, le Musée Grévin, écrit sous le pseudonyme de François la Colère (1943). C’était, pour déplorer les malheurs présents et invectiver l’oppresseur, une voix montée du fond des âges.

Sur son grand orgue aux cent registres, le poète imitait — comme Ravel imite Couperin, sans pastiche — les rythmes courts de Charles d’Orléans :
La Loire emporte mes pensées
Avec les voitures versées
Et les armes désamorcées
Et les larmes mal effacées
Ô ma France, ô ma délaissée
J’ai traversé le pont de Cé...
(Cantique à Elsa.)
Ou encore les grondements, et jusqu’aux adjectifs, de Hugo :
J’écris dans la chiourme énorme qui murmure
(le Musée Grévin).

Ce retour au rythme et à la rime, s’ajoutant aux circonstances, a donné à Aragon poète l’audience que n’avaient point reçue ses écrits de jeunesse, en vers libres. Le révolutionnaire, répondant en cela aux conseils de Maïakovski, trouvait l’oreille d’un peuple resté peut-être plus qu’aucun autre attaché à une « culture » séculaire, et dont la pérennité a résisté à toutes les secousses politiques. « À fréquenter Cligès, Yvain, Lancelot, Perceval ou Tristan, il me semble bien moins m’écarter de mon temps qu’à lire les ouvrages d’André Gide, de Drieu La Rochelle ou de Jean Giono. »

Ce n’est pas qu’Aragon ignore la grande interrogation que notre temps porte sur la littérature. Ses derniers livres témoignent de sa réflexion sur une vie de gestes décisifs ou ambigus (son élection à l’académie Goncourt, puis sa démission), et sur le geste suprême, l’écriture, saisie dans des manifestations déjà anciennes (Collages, 1965 ; les Aventures de Télémaque, 1966), dans le déroulement de ses romans récents (la Mise à mort, 1965 ; Blanche ou l’Oubli, 1967 ; Théâtre/Roman, 1974) ou dans sa rencontre avec les arts plastiques (Henri Matisse, roman, 1971). S’il a vu disparaître deux éléments essentiels, quoique à des titres divers, de sa vie et de son œuvre, Elsa (en 1970) et les Lettres françaises (en 1972), Aragon, par-delà ses outrances et ses raffinements, se définit avant tout par la fidélité.

J. R.

➙ Dada / Surréalisme.

 C. Roy, Aragon (Seghers, coll. « Poètes d’aujourd’hui », 1945). / P. de Lescure, Aragon romancier (Gallimard, 1960). / R. Garaudy, l’Itinéraire d’Aragon (Gallimard, 1961). / G. Sadoul, Aragon (Seghers, coll. « Poètes d’aujourd’hui », 1967). / Aragon (l’Arc, Aix-en-Provence, 1973). / P. Daix, Aragon, une vie à changer (Éd. du Seuil, 1975).

Araignées

Animaux articulés de la classe des Arachnides*, caractérisés par leur céphalothorax relié à l’abdomen par un pédicule étroit, leurs chélicères venimeuses, leurs longues pattes et leurs filières postérieures qui émettent la soie.



Un groupe présent partout

L’ensemble des Araignées forme l’ordre des Aranéides, très homogène aux points de vue morphologique et anatomique, mais de biologie extrêmement variée, tant par les divers usages de la soie que par les modalités du comportement lors de la reproduction.