Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
A

Araignées (suite)

Il n’est pas exagéré de dire que l’on trouve des Araignées partout. Impossible de soulever les feuilles mortes dans une forêt, de retourner les pierres dans un champ sans en surprendre quelques-unes. Certaines installent leur toile dans les prairies, près du sol, comme les minuscules Érigones, d’autres établissent leur demeure en haut des herbes, comme Clubiona ou Chiracanthium ; les Thomises restent à l’affût sur les fleurs d’ombellifères. Là où abondent les Insectes volants, les Épeires, les Argiopes, les Tétragnathes tendent leur toile-piège géométrique. D’autres préfèrent le sol, et y creusent leur terrier : Mygales provençales, Lycose de Narbonne.

Les Dolomèdes se tiennent au bord de l’eau, et y plongent dès qu’elles repèrent alevin ou têtard. Franchement aquatique, l’Argyronète établit dans les mares sa cloche. Le long du littoral méditerranéen, Desidiopsis habite les anfractuosités des algues calcaires, qu’elle ferme d’un disque de soie imperméable, et évite ainsi d’être submergée par la marée ; Desis se trouve dans les Madrépores du Pacifique.

Des Araignées vivent en montagne, d’autres, dépigmentées et aveugles, sont cavernicoles.

Certaines affectionnent les habitations humaines ; dans nos pays tempérés, la Tégénaire installe sa toile dans l’angle d’un mur ou derrière un meuble ; Pholcus également, qui fait vibrer si curieusement sa toile quand on la frôle ; Zilla choisit plutôt les vitres de fenêtre pour placer la sienne ; d’autres s’établissent dans les interstices des murs. La grande Heteropoda regia fréquente les maisons des régions tropicales.


Morphologie et anatomie

Le corps, dont la longueur varie entre un à deux millimètres, par exemple chez les Érigones, et neuf centimètres chez les grosses Mygales brésiliennes, se compose de deux régions : le céphalothorax (ou prosome) et l’abdomen (ou opisthosome), reliés par un pédicule mince. L’abdomen ne montre aucune trace de segmentation extérieure, sauf chez les formes primitives d’Extrême-Orient, où il a douze segments ; le prosome résulte de la coalescence de sept segments embryonnaires.

L’avant du corps porte une paire de chélicères à deux articles : une base large contenant une glande venimeuse, et un crochet mobile parcouru par le canal venimeux, qui débouche très près de sa pointe. La position des chélicères permet de distinguer deux grands groupes : les Orthognathes, parmi lesquels se rangent les Mygales, ont les bases dans le prolongement du corps, donc horizontales, les crochets se rabattant vers le bas ; chez les Labidognathes, les bases des chélicères sont verticales et les crochets, dirigés vers le plan de symétrie, se croisent en se refermant.

Des yeux simples, ou ocelles — six ou huit en général —, apparaissent sur le dessus de la tête ; leur nombre et leur disposition sont utilisés en systématique. Leur rôle est assez limité dans le comportement des Araignées, aussi précis de nuit que de jour. L’univers sensoriel de ces Arthropodes est à dominante olfactive — ils peuvent émettre des odeurs et en détecter —, et surtout tactile : le corps et les pattes sont couverts de soies, parmi lesquelles les trichobothries, soies longues et complexes, jouent un rôle majeur dans la sensibilité aux vibrations. Un certain nombre d’Araignées peuvent produire des sons.

Sur la face ventrale, en arrière des chélicères, s’ouvre la bouche, limitée par une lèvre inférieure ; de chaque côté, la hanche des pédipalpes constitue une lame masticatrice. Chacun des deux pédipalpes, ou pattes-mâchoires, porte un palpe de cinq articles ; chez le mâle, le tarse est renflé et creusé d’un alvéole où s’insère le bulbe génital, qui joue le rôle d’organe copulateur.

Les quatre paires de pattes locomotrices possèdent sept articles et se terminent par deux griffes dentelées, auxquelles s’ajoute souvent une griffe simple inférieure, plus petite. Les pattes sont en général longues et égales ; celles de Pholcus sont particulièrement fines ; les Thomises doivent leur nom d’« Araignées-Crabes » à leur démarche latérale ; les Salticides ont des pattes postérieures sauteuses.

Ainsi, avec ses deux chélicères, ses deux pédipalpes et ses huit pattes ambulatoires, le céphalothorax des Araignées porte les six paires d’appendices que l’on retrouve chez tous les Arachnides.

Sur sa face ventrale, l’abdomen montre un certain nombre d’orifices spécialisés. Vers l’avant s’ouvre l’orifice génital ; toujours unique chez le mâle, il est, chez la femelle, soit unique, soit accompagné de deux orifices de fécondation. Chez les Araignées dites « entélégynes », une plaque ornementée recouvre l’orifice femelle ; elle manque chez les « haplogynes ».

Latéralement, quatre fentes donnent accès aux organes respiratoires ; chez beaucoup d’Araignées, les deux fentes antérieures communiquent avec des poumons, et les orifices postérieurs avec des trachées ; il arrive que ces derniers fusionnent en un orifice médian et postérieur. Certaines Araignées (Mygales, Pholcidés) ont quatre poumons et pas de trachées ; d’autres n’ont que des trachées et pas de poumons.

Six filières, parfois huit, considérées comme des appendices modifiés, occupent la région postérieure de l’abdomen, juste avant l’anus ; ce sont des tubercules, à l’extrémité desquels le microscope révèle des centaines de petits tubes, les fusules, par où s’écoule la soie. Chez les femelles du groupe des Cribellates, une filière supplémentaire apparaît en avant des autres, comme une plaque perforée (cribellum) ; dans ce cas, l’avant-dernier article des pattes postérieures porte une rangée de soies spéciales, formant une sorte de peigne, le calamistrum, utilisé pour extraire la soie émise par le cribellum.

L’appareil digestif comporte un œsophage fin menant à un jabot capable d’aspirer les aliments liquides. Les hanches des pédipalpes contiennent des glandes salivaires : dans l’abdomen, l’intestin émet des diverticules ramifiés, dont l’ensemble est parfois appelé hépatopancréas. L’excrétion est assurée par plusieurs systèmes, parmi lesquels les tubes de Malpighi, ramifiés, qui débouchent dans l’intestin moyen ; la guanine est la principale substance excrétée.

À la face dorsale de l’abdomen, le cœur apparaît comme un tube muni de deux à cinq paires d’ostioles ; le sang s’en échappe par une aorte antérieure et une aorte postérieure, puis gagne des lacunes avant de passer par les poumons et d’être de nouveau aspiré par le cœur.

Le système nerveux est condensé dans le prosome, autour de l’œsophage ; on y distingue une masse cérébrale qui innerve les yeux et les chélicères, et une masse sous-œsophagienne, d’où partent les nerfs des appendices et des organes abdominaux.