Esquimaux ou Eskimos
Groupe ethnologique estimé à 2 000 représentants en Asie sur les rives du détroit de Béring et à 50 000 répartis entre le Groenland, l’Alaska, la baie d’Hudson et le Labrador. Population des régions polaires, le groupe esquimau présente une remarquable homogénéité culturelle malgré l’étendue du territoire qu’il occupe et constitue une unité linguistique spécifique (subdivisions dialectales : le yupik et l’inupik).
La culture esquimau
La culture esquimau actuelle est l’aboutissement historique de la culture du Vieux Béring, de celle de Thulé (qui régna sur tout l’Arctique) et de celle de Dorset (restreinte à l’Arctique oriental).
De toutes les régions mentionnées plus haut, les Esquimaux n’habitent que les côtes, à l’exception de quelques tribus de l’Alaska qui vivent à l’intérieur des terres. Ils ne s’installent jamais sur les rives des mers fermées, car la superficie d’eau libre nécessaire à la chasse des mammifères marins y serait trop restreinte.
La pêche en eau douce et la chasse sur terre (caribous, animaux à fourrure) ne sont pratiquées qu’en été, tandis que l’hiver et le printemps sont consacrés à la chasse marine (phoques, morses, quelquefois baleines) : les Esquimaux, à l’exception de ceux du Groenland, ne connaissent pas la pêche de la morue. Dans les régions où les Blancs ont installé des postes de traite pour le commerce des fourrures, ils échangent les peaux des animaux capturés contre vivres, vêtements et objets domestiques, mais cela n’est aucunement leur ressource essentielle ; le gibier de terre est toujours un apport secondaire. L’élément vital est le phoque (ou le morse), qui fournit la nourriture des hommes et des chiens de trait, l’huile des lampes, l’ivoire dans lequel sont taillés les outils et les pointes de harpon, le cuir employé pour la fabrication des tentes, des kayaks et des bottes.
L’ivoire, les os de baleine et de caribou sont aussi les matières premières des créations artistiques : sculptures au couteau de quartz ou de silex ou à l’aide d’une lame d’acier, lorsqu’un contact a été établi avec les Blancs. Sur les défenses d’ivoire, divisées en plaquettes minces, des dessins gravés commémorent certains événements, telle une chasse particulièrement fructueuse ; ces gravures ainsi que les dessins sur peau de phoque constituent un langage graphique destiné aux populations voisines ne parlant pas la même langue (notamment les Naskapis de la péninsule Québec-Labrador qui s’aventurent parfois dans la toundra).
Si les activités estivales demeurent individuelles, celles de l’hiver nécessitent la coopération de plusieurs chasseurs. Il en résulte une alternance saisonnière de deux types d’habitat — variation qui se répercute à tous les niveaux de la réalité sociale : rapports de parenté, religion, régime de propriété et mode de répartition des produits.
L’organisation sociale de l’été
L’habitat d’été est la tente, construite à l’aide d’une armature de bois ou d’os de baleine recouverte de peaux de phoques cousues — le fil est fabriqué à partir des tendons de baleine, et l’aiguille avec des os de baleine. Ces tentes — qui restent isolées, dispersées durant toute la saison — sont facilement transportables, permettant ainsi de fréquents déplacements en fonction des nécessités de la chasse et de la pêche.
Chaque tente n’abrite qu’une seule famille restreinte — le couple et ses enfants, avec, parfois, un ascendant ou une veuve —, placée sous l’autorité paternelle. Bien que les fils adultes (en âge de chasser) aient un rôle aussi indispensable que celui de leur père, ce dernier exerce un droit de commandement sur eux ainsi que sur sa femme. Tout le gibier pris par un chasseur appartient à sa famille : celui-ci ne le consomme jamais avant d’être de retour à la tente, aussi éloigné soit-il.
Le culte religieux, privé en été, se réduit aux rites de mort et de naissance.
L’organisation sociale de l’hiver
À la tente individuelle isolée se substitue la « longue maison » d’hiver. Construite le plus souvent en bois, mais parfois aussi creusée dans la neige, elle abrite plusieurs familles — chacune disposant d’un compartiment particulier, quelquefois délimité par des cloisons. Tous les compartiments sont de taille égale ; quel que soit le nombre de leurs membres, toutes les familles sont des unités équivalentes.
Dans certaines régions, ces habitations sont regroupées autour d’une maison commune, le kashim, siège des réunions de l’ensemble du groupe et des cérémonies religieuses. Bien qu’actuellement le kashim ne se trouve plus partout, il est probable qu’auparavant il existait dans toutes les stations d’hiver.
À Angmagssalik (Groenland), le caractère communautaire de l’habitat est encore plus accentué : les maisons sont reliées par des couloirs, conférant ainsi à la station l’aspect d’une habitation unique.
Avec ce type d’habitat plurifamilial apparaissent des activités religieuses et une vie collective intenses ainsi que la cohésion d’un groupe social qui, l’été, s’atomisait.
La famille restreinte de l’été se fond dans un groupe plus large.
La terminologie de parenté reflète cette dualité : seuls les degrés de parenté proche sont distingués ; pour le reste, un même terme désigne les petits-enfants consanguins ou d’adoption ainsi que les enfants des neveux et des cousins de la génération des fils — il en est de même pour les grands-parents consanguins ou d’adoption et tous les individus de leur génération.
Les habitants de la longue maison sont nommés parents de maison : ce vocable exprime aussi bien la consanguinité que la parenté par alliance. Ces cohabitants étant des frères et sœurs ainsi que des descendants de frères et sœurs, l’interdit de mariage entre cousins germains permet de considérer la maison d’hiver comme l’unité exogame.
La maison est propriété collective des familles qui l’occupent. La propriété individuelle est restreinte aux vêtements, aux armes et aux amulettes. Chaque famille possède ses couvertures, son kayak, son traîneau et sa lampe à huile. Tous les autres objets usuels sont propriété communautaire.