Empire (second) (suite)
En politique intérieure, le bilan du régime est tenu le plus souvent pour négatif. Le second Empire a duré dix-huit ans, soit une génération politique. Est-ce à dire que le régime n’a su ni se renouveler ni s’adapter ? De fait, son évolution a été l’inverse de celle que l’histoire connaît le plus souvent : à une période de compression, au cours de laquelle l’opposition a été exilée ou réduite au silence, a succédé une phase de détente progressive, de telle sorte que l’on peut scinder le second Empire en deux périodes politiques fondamentalement originales. Au cours de la première, le régime s’apparente à une dictature de type moderne avec le regroupement de tous les pouvoirs en une seule personne, la suspension des garanties de la liberté individuelle, l’instauration d’un régime d’exception. En identifiant le régime à l’autorité du chef de l’État, elle a rendu la notion d’autorité personnelle suspecte pour longtemps. C’est d’elle que date la méfiance à l’égard de tout régime présidentiel. La contradiction entre l’adhésion massive du pays en mai 1870 et sa défection totale en septembre de la même année s’explique en partie lorsque l’on considère la chute du régime comme la sanction de la responsabilité du chef de l’État devant le peuple. En cherchant systématiquement le soutien du clergé, l’Empire autoritaire a réveillé l’anticléricalisme, qui, plus radical que jadis, est devenu une composante essentielle de l’univers politique. Dans la seconde période, la libéralisation a permis aux partis d’utiliser les formes désormais classiques du combat politique : l’opposition légale s’est fortifiée. Sans elle, l’explosion républicaine de 1870-71 n’aurait pu se produire. L’éveil politique s’explique aussi par l’apprentissage que fait alors la France du suffrage universel. La IIe République en avait énoncé le principe. Le second Empire, en donnant le temps de le voir fonctionner, a contribué largement à l’éducation de la démocratie.
C’est sans doute par l’essor qu’il a donné à la vie économique et sociale que le second Empire mérite le plus de retenir l’attention. On peut mépriser ce « régime des affaires », contester les choix retenus, les méthodes financières employées, mais non les résultats. Bien qu’à l’égard du monde ouvrier tout ou presque reste à faire, on distingue alors l’amorce d’une politique sociale. La création des grandes banques, des chemins de fer, des compagnies de navigation, les grands travaux urbains ont transformé le visage de la France.
M. T. et P. P.
➙ Bazaine (A.) / Bismarck (O. von) / Bourgeoisie / Cavour / France / Franco-allemande (guerre) / Internationales (les) / Italie / Mexique / Napoléon III / République (IIe) / Thiers (A.).
P. M. de la Gorce, Histoire du second Empire (Plon, 1894-1905 ; 7 vol.). / É. Ollivier, l’Empire libéral (Hachette, 1894-1909 ; 14 vol.). / J. Maurain, la Politique ecclésiastique du second Empire de 1852 à 1869 (Alcan, 1930). / G. Duveau, la Vie ouvrière en France sous le second Empire (Gallimard, 1946). / C. H. Pouthas, Démocratie et capitalisme, 1848-1860 (P. U. F., coll. « Peuples et civilisations », 1948). / M. Blanchard, le Second Empire (A. Colin, 1950). / H. Hauser, J. Maurain, P. Benaerts et F. L’Huillier, Du libéralisme à l’impérialisme, 1860-1878 (P. U. F., coll. « Peuples et civilisations », 1952). / G. Pradalié, le Second Empire (P. U. F., coll. « Que sais-je ? », 1957 ; 4e éd., 1969). / P. Pierrard, la Vie ouvrière à Lille sous le second Empire (Bloud et Gay, 1965). / G. Roux, Napoléon III (Flammarion, 1969). / A. Gérard, le Second Empire. Innovation et réaction (P. U. F., 1973). / A. Plessis, De la fête impériale au mur des Fédérés, 1852-1871 (Éd. du Seuil, 1973). / P. Guiral, la Vie quotidienne en France à l’âge d’or du capitalisme, 1852-1879 (Hachette, 1976).