Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
E

Empire (second) (suite)

Le second Empire s’est engagé dans cette nouvelle guerre avec une armée aussi mal préparée que possible, devant un ennemi suréquipé et aguerri de longue date. Dès les premiers jours des hostilités (août 1870), les armées allemandes forcent nos frontières en Alsace à Frœschwiller, et en Lorraine à Forbach. Le ministère Ollivier démissionne. Celui qui lui succède, plus autoritaire avec Cousin-Montauban, comte de Palikao (1796-1878), n’est pas plus heureux. Le 20 août, Bazaine se laisse bloquer dans Metz avec le meilleur des troupes françaises. Napoléon III et les troupes commandées par Mac-Mahon, qui se portaient à leur secours, sont cernés par deux armées allemandes à Sedan. Napoléon III capitule (2 sept.). Lorsque la nouvelle en est connue à Paris, le régime s’effondre sans résistance. Le Corps législatif s’efface devant la volonté populaire. Le 4 septembre, le peuple parisien envahit le Palais-Bourbon. Gambetta fait acclamer la déchéance de Napoléon III, retenu prisonnier. À l’Hôtel de Ville, les députés républicains de Paris, sous la pression de l’opinion, se constituent en gouvernement provisoire de la République, qu’ils viennent de proclamer.

L’armée du second Empire

Haute stature des Cent Gardes à Saint-Cloud ou aux Tuileries, silhouette martiale du zouave de l’Alma, du cuirassier de Reichshoffen ou du marsouin de Bazeilles, c’est sous le signe de cette imagerie d’Épinal, dont la Garde impériale, ressuscitée en 1854, constituait le plus brillant symbole, que l’armée française du second Empire est entrée dans la légende. En réalité, elle se présente comme une héritière directe de celle de Louis-Philippe, dont elle a d’abord conservé toutes les structures. La loi de 1832, dont le maréchal Soult (1769-1851) avait été l’instigateur, donnait à la France une armée de métier : la durée du service y était de sept ans, et le contingent annuellement appelé s’élevait seulement à 80 000 hommes. Cet effectif était alors suffisant, et la sélection s’opérait par la voie du tirage au sort ; mais les jeunes gens qui avaient tiré un mauvais numéro pouvaient, s’ils étaient assez fortunés pour payer 1 000 francs, s’acheter un remplaçant. Ces derniers étaient fréquemment conduits à signer un second contrat à l’expiration du premier, si bien qu’ils restaient sous les drapeaux une quinzaine d’années, vingt-cinq ans même s’ils étaient devenus sous-officiers. La loi de 1855 aggrava ces conditions de recrutement en substituant au remplacement le paiement d’une somme assez élevée (environ 2 500 F), versée à une Caisse de dotation destinée à favoriser les engagements grâce à des primes convenables. Malheureusement, le gouvernement fut conduit à puiser dans cette caisse pour financer ses campagnes. Cette situation ne fut cependant pas alarmante tant que les guerres n’exigèrent pas d’effectifs importants : la campagne d’Italie réclama seulement 120 000 hommes, le Mexique 38 000 ; la Crimée seule fut plus coûteuse, puisqu’il fallut engager peu à peu 310 000 hommes et que la maladie et le combat en tuèrent plus de 93 000.

Tout changea en 1870, car il fallut affronter des forces atteignant 1 200 000 hommes, et l’absence de réservistes nombreux et instruits se fit cruellement sentir. En dépit du renfort de l’armée d’Afrique et des troupes de marine, en glanant tous les hommes qui avaient été rendus à la vie civile et pouvaient encore reprendre les armes, on ne put opposer que 525 000 hommes à l’adversaire. Telle fut la cause profonde de la défaite française, et la loi Niel, adoptée en 1868 au lendemain de Sadowa, n’avait apporté que des remèdes insuffisants et trop tardifs. Elle avait bien ramené le service de sept à cinq ans pour augmenter le nombre des réservistes, et surtout elle avait imposé à tous les dispensés d’appartenir à la garde nationale mobile. Cette dernière n’aurait toutefois valu que dans la mesure où les hommes auraient été instruits et encadrés : rien ne fut fait dans ce sens, faute surtout de crédits, et les 450 000 mobiles qui furent levés pendant la guerre franco-allemande tinrent difficilement tête aux solides unités de la confédération germanique.

L’armée de métier, qui fut engloutie à Metz et à Sedan, rachetait-elle par sa valeur son infériorité numérique ? Certes, la troupe et les cadres subalternes avaient d’indéniables qualités d’allant, de discipline et d’endurance, mais le haut commandement et les états-majors avaient perdu la pratique des opérations d’envergure. Les campagnes de Crimée (1854-1855) et d’Italie (1859) avaient laissé croire que l’improvisation suffirait toujours. Qu’il s’agisse de tactique, de logistique et surtout de stratégie, l’ignorance était grande, et la confusion dans laquelle se fit la mobilisation de juillet 1870 annonçait déjà les erreurs du mois d’août.

L’armement n’était cependant pas défectueux. Le fusil Chassepot, très supérieur au fusil allemand, était entré en service dès 1866, et le canon mitrailleuse de Reffye, expérimenté en 1867-68, pouvait débiter une gerbe de 25 balles à quelques centaines de mètres. L’artillerie était moins bien dotée, car les pièces françaises en bronze de 4 et de 12, entrées en service après 1858, ne portaient qu’à 2 500 m : elles furent aussitôt surclassées par les canons Krupp en acier, qui tiraient à 3 000 m (v. artilerie). Il faut enfin souligner que l’organisation des services, intendance, santé, artillerie, laissait terriblement à désirer. Dans ce domaine aussi, les campagnes d’Italie et du Mexique n’avaient guère éveillé l’intérêt des cadres sur les besoins logistiques d’une armée moderne sur un théâtre d’opérations européen. « Armée vaillante, désintéressée..., mais vieillie et alourdie », écrira le duc d’Aumale après la défaite. Cette armée fut submergée par le nombre et par le rigoureux mécanisme d’une stratégie souple mais efficace.

P. R.


Bilan du second Empire

Le second Empire, à l’image du premier, a ainsi succombé à une défaite extérieure. Le 4 septembre, le peuple ne fait que tirer les conséquences de Sedan. Il est donc permis de juger le régime d’abord sur sa politique extérieure. Napoléon III voulait substituer à l’Europe des traités de Vienne un continent redessiné selon les vues françaises, mais il n’a pas su imposer les moyens militaires d’une telle politique. En 1870, la France se trouve certes agrandie de Nice et de la Savoie, mais l’Alsace et la Lorraine sont occupées, et une longue période de rivalité s’ouvre entre l’Allemagne et la France. Elle va être un handicap sérieux pour le développement de l’Europe occidentale. Hors d’Europe, en Afrique, au Proche-Orient et en Extrême-Orient, l’action du second Empire portera de nombreux fruits, que récoltera la IIIe République.