Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
Z

Zola (Émile) (suite)

En 1843, les Zola s’installent à Aix-en-Provence ; François Zola, après de multiples démarches, va réaliser le projet déjà ancien d’un barrage de retenue des eaux dans la gorge des Infernets et d’un canal destiné à alimenter en eau la ville d’Aix. Louis et Henriette Aubert rejoignent leurs enfants en mars 1845. La même année, le jeune Émile Zola voyage à Paris avec sa mère ; ils feront un nouveau séjour à Paris en juillet-août 1846. Le 27 mars 1847, François Zola meurt à Marseille des complications d’une pneumonie qui l’a saisi sur le chantier du canal. Sa veuve, spoliée par d’habiles hommes d’affaires, se débattra sans succès, pendant plus de dix ans, dans le règlement des affaires de la Société du canal Zola. La famille connaîtra désormais la gêne matérielle.

Tandis qu’à Paris la monarchie de Juillet s’effondre et qu’après quatre ans la IIe République disparaît à son tour à la suite du coup d’État du 2 décembre 1851, le jeune Émile Zola, à Aix, est d’abord élève de la pension Notre-Dame, où il a pour camarades Marius Roux et Philippe Solari, puis, à partir d’octobre 1852, du collège Bourbon, où il est entré en huitième comme pensionnaire. En 1853, il entre en sixième comme demi-pensionnaire. L’année suivante, il va voir défiler sur le cours Mirabeau les troupes qui partent pour la Crimée. Au collège Bourbon, il a pour amis Paul Cézanne, fils du banquier Louis Cézanne, et Jean-Baptistin Baille, fils d’un aubergiste, tous deux plus avancés que lui d’une classe. En quatrième et en troisième, dans la section latin-sciences, il remporte des succès scolaires en toutes matières. Il lit Hugo et Musset, écrit des vers, un roman sur les croisades, une comédie en trois actes et en vers, Enfoncé le pion ! Ces textes ont disparu. Ensuite il joue de la clarinette dans la fanfare du collège, participe aux processions de la Fête-Dieu, va voir les drames et les opéras romantiques, fait de mémorables parties de nage et de chasse dans la campagne aixoise avec ses deux amis : les souvenirs de cette période abondent dans les Nouveaux Contes à Ninon et dans l’Œuvre.

Mais, en novembre 1857, Henriette Aubert, sa grand-mère, meurt. Aix est de plus en plus inhospitalière pour les Zola. Émilie Zola part pour Paris à la recherche de protections dans son interminable procès. En février 1858, elle appelle à ses côtés son père et son fils. La période aixoise est terminée, non sans déchirement pour l’adolescent, qui abandonne ses amis et un paysage aimé.


1858-1861

À Paris, Émile Zola entre en seconde au lycée Saint-Louis grâce à la recommandation d’un ami de son père, Me Labot. Le dépaysement est peu favorable à ses travaux scolaires. Émile échange de longues lettres avec Cézanne et Baille, et écrit des vers. L’été venu, il part pour Aix, où il passe plusieurs semaines. Au retour, en octobre, il est atteint d’une fièvre typhoïde. En 1859, il est élève de rhétorique au lycée Saint-Louis. La Provence, journal d’Aix, publie le poème qu’il a écrit à la mémoire de son père, le Canal Zola. En août, Émile échoue au baccalauréat. Après de nouvelles vacances à Aix, il abandonne ses études. Son grand-père Louis Aubert meurt en 1860. Le jeune homme mène une vie pauvre, oisive et insouciante. D’avril à juin 1860, il travaille comme employé à l’Administration des docks, puis retourne à la bohème. Il compose un long poème, Paolo, et continue une correspondance suivie avec Cézanne et Baille. L’hiver de 1860-61 est difficile. Zola connaît des moments de misère, physique et morale, qu’aggrave une malheureuse aventure avec une prostituée dont on ne connaît que le prénom, Berthe, et qui a servi de modèle pour le personnage de Laurence dans la Confession de Claude. Il lit Molière et Montaigne, écrit un poème, l’Aérienne, inspiré, semble-t-il, par le souvenir d’une idylle vécue à Aix pendant l’été de 1860. Il visite le Salon avec Cézanne. Il cherche en vain un emploi. Des centaines de vers écrits depuis 1858, il ne nous reste aujourd’hui que quelques poèmes.


1862-1868

Les anciennes relations de son père le tirent d’affaires une fois de plus. M. Boudet, membre de l’Académie de médecine, le fait entrer le 1er février 1862 chez l’éditeur Louis Hachette comme commis, d’abord au bureau des expéditions, puis au bureau de la publicité, dont il deviendra l’année suivante le responsable. Cet emploi lui permettra de concilier les nécessités de la vie quotidienne et les exigences de sa vocation littéraire. Pendant l’été, Zola écrit trois des futurs Contes à Ninon. Le 31 octobre 1862, il est naturalisé français. Ayant tiré au sort un bon numéro et, au surplus, étant fils de veuve, il ne fera pas de service militaire.

En 1863, il se détourne des vers sur le conseil, dit-on, de Louis Hachette. Il publie deux Contes à Ninette dans la Revue du mois (avr. et oct.) et des articles de critique dans le Journal populaire de Lille (déc. 1863-64). Il lit Stendhal et Flaubert, et affirme sa sympathie littéraire pour le réalisme. Il prépare pour un rédacteur de la Revue de l’Instruction publique le compte rendu des « Conférences de la rue de la Paix » sur Lesage, Shakespeare, Aristophane, La Bruyère, Michelet, Molière, etc. En décembre 1864 paraît son premier livre, les Contes à Ninon (chez Hetzel), où se côtoient des légendes candides, des visions fantastiques, une nouvelle sur le thème de la partie de campagne et un conte satirique de plus longue haleine.

En 1865, Zola rencontre Gabrielle Alexandrine Meley, qui devient sa maîtresse et qu’il épousera le 31 mai 1870. Il découvre les Goncourt avec Germinie Lacerteux, lit Taine et Balzac, reçoit le jeudi soir, dans son logement du 142, boulevard Montparnasse, ses amis aixois, Cézanne, Baille, Marius Roux, le sculpteur Philippe Solari. Son emploi chez Hachette, ses Contes à Ninon l’ont fait connaître dans les milieux de la presse et des lettres. Il collabore au Petit Journal, au Salut public de Lyon, au Figaro. Sa doctrine littéraire mûrit. Il définit l’œuvre d’art, dans ses articles, comme « un coin de la nature vu à travers un tempérament ». Il réclame « qu’on applique à la scène cet amour d’analyse et de psychologie que nous donne en ce moment une génération nouvelle de romanciers » (le Salut public, 25 juin 1865). Il écrit la Laide, comédie en un acte en prose, puis Madeleine, drame en trois actes en prose : ces deux pièces, refusées par les directeurs de théâtre malgré l’appui d’Adolphe Belot, resteront longtemps inédites. Mais en novembre paraît son premier roman, la Confession de Claude, roman d’un amour bafoué où passe le souvenir de Berthe et qu’il préparait depuis 1862.