Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
W

Wilson (Thomas Woodrow)

Homme d’État américain (Staunton, Virginie, 1856 - Washington 1924).



La montée au pouvoir

Parmi ses ancêtres figurent des Anglais, des Écossais et des Irlandais. Son père, un pasteur presbytérien, et sa mère, elle-même fille de pasteur, ont imprégné son enfance d’une atmosphère religieuse : l’homme est un agent de Dieu ; il doit réaliser la mission divine pour laquelle il a été désigné, n’accepter aucun compromis avec le mal et se soumettre sans réticences aux lois morales. « La politique, écrira Wilson, est une guerre où s’affrontent les causes ; c’est une joute de principes. »

Le jeune Woodrow fait ses études supérieures à l’université de Princeton, puis se spécialise dans le droit à l’université de Virginie. Inscrit au barreau, il ouvre, en 1882, un cabinet à Atlanta, en Géorgie. Les clients sont peu nombreux, et le travail juridique ne passionne pas Wilson. Il décide de reprendre ses études, cette fois-ci à Johns Hopkins (Baltimore), une université dans laquelle enseignent alors des maîtres de grande réputation et où il est le condisciple de Frederick Jackson Turner. En 1885, il soutient sa thèse de science politique sur « le gouvernement par le Congrès » (Congressional Government. A Study in American Politics). Sa carrière d’enseignant commence à Bryn Mawr College en Pennsylvanie (1885-1888) et se poursuit à la Wesleyan University de Middletown dans le Connecticut (1888-1890), où il enseigne l’histoire ; il entre ensuite à Princeton pour devenir professeur de jurisprudence et d’économie politique. Ses cours sont largement suivis ; sa réputation universitaire s’étend à toute la côte est. Il publie des articles et des livres sur le système politique et l’histoire des États-Unis. En 1902, il accède à la présidence de l’université de Princeton.

Wilson s’emploie immédiatement à réformer certains aspects de la vie universitaire. Il collecte des fonds importants auprès des anciens élèves et les utilise pour améliorer l’encadrement pédagogique ou réorganiser les cycles d’études. Lorsqu’il cherche à bouleverser le fonctionnement des clubs traditionnels des étudiants, il se heurte à de farouches résistances. Il passe désormais pour le champion de la démocratie dans l’université. À une époque où le mouvement progressiste renouvelle la vie politique et s’efforce de réduire les inégalités économiques et de pallier les injustices sociales, Wilson ne tarde pas à acquérir la célébrité. Les démocrates du New Jersey songent à en tirer parti : un jeune professeur, libéral mais point extrémiste, dépourvu d’expérience politique, ne devrait pas rester sourd aux conseils des professionnels de la « machine » et serait un remarquable porte-drapeau.

Après avoir fréquenté pendant plus de trois ans des hommes d’affaires, des banquiers et des journalistes, las de combattre sans succès les conservateurs de Princeton, Wilson franchit le pas en 1910. Il se présente à l’élection du gouverneur du New Jersey et la remporte. Dès lors, son objectif prioritaire est de se débarrasser des puissants intérêts qui l’ont poussé et soutenu. Il se considère élu « sans engagements d’aucune sorte ». Il dénonce les « boss » et leur influence néfaste, fait passer les principes avant les hommes, défend l’intérêt général contre les intérêts spéciaux.

Dans le New Jersey, il promulgue des réformes importantes : une loi électorale, la répression de la corruption, l’assurance contre les accidents du travail, la réglementation des services publics.

Au sein du parti démocrate, privé du pouvoir depuis 1897, il est l’homme providentiel. Réconcilié avec William Jennings Bryan (1860-1925), l’ancien candidat des démocrates et des populistes, Wilson se porte candidat à la Maison-Blanche en 1912. Son programme, rédigé par un jeune avocat, Louis Brandeis (1856-1941), se résume en une formule : la nouvelle liberté. Il exprime les revendications de la classe moyenne : les trusts pratiquent une concurrence déloyale et ruinent ceux qui tentent leur chance dans le commerce ou l’industrie ; il faut supprimer les abus, et non la libre entreprise. Or, soutiennent Brandeis et Wilson, les trusts sont si puissants que les détruire, c’est rendre le pouvoir au peuple. Le retour à l’Amérique d’hier sauvera l’Amérique d’aujourd’hui.

Face au président W. H. Taft, qui est un partisan déterminé de l’immobilisme, au socialiste Eugene Victor Debs (1855-1926), qui fait peur, au progressiste Theodore Roosevelt*, qui a rompu avec le parti républicain et songe à renforcer le gouvernement fédéral pour contrôler — et non pour anéantir — les trusts, Wilson se situe dans le juste milieu. Profitant de la division de ses adversaires, il accède, avec environ 40 p. 100 des suffrages, à la magistrature suprême. Pour la première fois depuis la guerre de Sécession, un sudiste entre à la Maison-Blanche.


Le président des États-Unis

Wilson commence par appliquer son programme réformiste. Il fait abaisser le tarif douanier (Underwood Tariff Act, 1913), met en vigueur l’amendement sur l’impôt sur le revenu, crée un système fédéral de réserve qui assainit quelque peu les pratiques bancaires. Une nouvelle législation antitrust donne des satisfactions au monde du travail et réglemente la concurrence illicite (Clayton Antitrust Act, 1914). En 1914, les réformes sont, semble-t-il, terminées. Il faut la perspective de l’élection présidentielle de 1916 pour qu’elles reprennent : le système bancaire est modifié en faveur des fermiers ; les employés fédéraux bénéficient d’assurances contre les accidents, et leur journée de travail est limitée à huit heures ; le travail des enfants est très sévèrement contrôlé. Si audacieux que soient les changements, tous les maux de la société américaine n’ont pas été supprimés. Les femmes, encore privées du droit de vote, les Noirs, soumis à la plus rigoureuse des ségrégations, les ouvriers spécialisés, dont le gouvernement fédéral se désintéresse, voilà les oublis les plus criants que les progressistes radicaux ne manquent pas de rappeler. La croisade, pour employer le vocabulaire wilsonien, a pourtant réussi en partie, et, face aux républicains, qui ont refait leur unité, Wilson parvient à obtenir sa réélection.