Ukraine (suite)
La Hongrie, soutenue par la Pologne, veut l’annexion pure et simple du pays. L’arbitrage de Vienne du 2 novembre 1938 lui donne les deux grandes villes, Oujgorod et Moukatchevo. Le gouvernement allemand a préservé un petit État autonome autour de la nouvelle capitale, Khoust, et semble vouloir en faire un centre d’agitation en Ukraine, un point de départ pour son expansion vers l’est. La Ruthénie s’organise dans le style totalitaire, avec son parti unique, l’Union nationale ukrainienne, qui a 90 p. 100 des voix aux élections de janvier 1939, et une milice armée, la setch. Le 14 mars 1939, Mgr Vološyn proclame l’indépendance de la Ruthénie. Mais il est trop tard. Dès le lendemain, la Hongrie envahit tout le pays et, le 16 mars, proclame son annexion. Elle impose une dure politique de magyarisation ; les élites ruthènes doivent s’enfuir en Slovaquie ou en Union soviétique, où les émigrés sont arrêtés pour espionnage.
Le sort de la Ruthénie en 1944-45
Après l’entrée en guerre de l’Union soviétique, des unités tchécoslovaques se forment sur place. Après novembre 1942, les Ruthènes libérés s’engagent dans les brigades du général Ludvík Svoboda, où ils forment une grande partie de l’effectif.
Dans ses relations avec le gouvernement tchécoslovaque en exil à Londres, l’U. R. S. S. n’élève aucune revendication sur la Ruthénie subcarpatique. En mai 1942, par un message d’Aleksandr Iefremovitch Bogomolov à Beneš, l’U. R. S. S. déclare vouloir restaurer les frontières tchécoslovaques d’avant Munich. Dans le traité d’amitié signé le 12 décembre 1943 par Beneš à Moscou, aucune allusion n’est faite à une possible révision des frontières.
Du 18 au 28 octobre 1944, les troupes soviétiques du quatrième front ukrainien libèrent la Ruthénie subcarpatique sans que soient engagées les brigades tchécoslovaques.
Des conseils populaires se forment avec les représentants des anciens partis, au niveau des communes et des cantons. Lorsque, le 27 octobre 1944, arrive à Khoust le délégué du gouvernement de Londres, F. Němec, les autorités soviétiques l’empêchent de prendre contact avec la population. En novembre, un congrès des comités populaires, de 600 membres, décide « de réunir l’Ukraine subcarpatique à sa mère patrie, la grande Ukraine soviétique, et de sortir des cadres de la Tchécoslovaquie ».
Le gouvernement Beneš ne désire pas entrer en conflit avec l’U. R. S. S., il cherche seulement à ajourner la décision finale après la fin du conflit. Dès avril 1945, dans son programme de gouvernement de Košice, il se déclare prêt à abandonner la Ruthénie.
Le 29 juin 1945, une délégation tchécoslovaque que dirige le président du conseil, Zdeněk Fierlinger, vient signer à Moscou le traité de cession de la Ruthénie à l’Ukraine. Désormais, l’ancienne Ruthénie formera en Ukraine « la région subcarpatique ».
B. M.
J. Mousset, les Villes de la Russie subcarpatique, 1919-1938. L’effort tchécoslovaque (Droz, 1939). / V. Markus, l’Incorporation de l’Ukraine subcarpatique à l’Ukraine soviétique, 1944-1945 (Dnipro, Bruxelles, 1957).