Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
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Testament (Ancien et Nouveau) (suite)

Vers l’an 200, un maître d’école, Jésus ben Sira, recueille à l’instar de l’auteur du livre des Proverbes les maximes des anciens sages, qu’il étoffe d’observations psychologiques et morales, fruits de ses réflexions et de son expérience. Il termine son œuvre par une galerie de portraits des ancêtres, illustrations de la sagesse en action dans l’histoire du peuple de Dieu. L’ouvrage que les modernes appellent le Siracide, du nom de son auteur, porte dans la tradition chrétienne celui d’Ecclésiastique.

Parmi les livres sapientiaux, le Cantique des cantiques occupe une place à part. Ce recueil de poèmes chante l’amour du Bien-Aimé et de la Bien-Aimée, qui se rencontrent et se perdent, se cherchent et se retrouvent. La tradition juive a vu dans cette idylle le symbole de l’amour de Yahvé pour Israël et celui du peuple pour son Dieu. La tradition chrétienne reprendra ce thème. Dans le Nouveau Testament, l’allégorie deviendra celle des noces du Christ avec son Église. Des mystiques comme Thérèse d’Avila et Jean de la Croix emprunteront le langage du Cantique pour chanter l’union de l’âme fidèle avec son Dieu.

Le livre des Psaumes est le recueil des chants liturgiques d’Israël. Sa composition s’étale sur une longue période. Le noyau du psautier remonte à l’époque monarchique, sans doute au temps de David. Certains psaumes portent la marque des souffrances de l’Exil et de la joie du retour. Mais la période la plus féconde sera l’époque où, dans le Temple restauré, s’épanouit le culte de Yahvé et où les sages empruntent le genre lyrique pour transmettre leur enseignement. Vers l’an 200, sur la base de collections particulières, on réunit en un seul recueil les 150 psaumes. On peut distinguer dans le psautier plusieurs genres : les hymnes, ou prières de louanges ; les chants d’actions de grâces, c’est-à-dire de remerciements à Dieu ; les hymnes de supplications individuelles ou collectives ; les psaumes didactiques apparentés à la littérature sapientielle, dont ils abordent les sujets. Les psaumes dits « royaux », tout en se rattachant à divers genres, ont un thème commun, la personne du roi : prières, actions de grâces pour le roi, chant pour un mariage royal, etc. Nombre de ces psaumes royaux seront interprétés par la tradition dans un sens messianique. Issus du culte du Temple, les Psaumes ne perdent rien de leur valeur lorsque ce cadre cultuel disparaît. Ils tiendront une grande place dans la liturgie de la Synagogue. L’Église chrétienne les intégrera sans changement dans sa prière officielle, et le Coran les inclura dans le développement de la Révélation.


La synthèse historique du Chroniste

Au début de la période grecque, un peu avant 300, un scribe d’Israël entreprend une œuvre historique qui se présente comme une réinterprétation théologique du passé du peuple juif, depuis les origines jusqu’à l’époque perse. Elle double en partie et prolonge l’histoire deutéronomique, qui allait de Josué à l’Exil. L’ensemble de l’œuvre comprend les livres des Chroniques, le livre d’Esdras et le livre de Néhémie.

Le genre historique n’a jamais été cultivé en Israël dans le seul dessein de satisfaire la curiosité intellectuelle. Il s’agit moins de présenter un tableau exact du passé que de montrer la main de Yahvé dans la vie de son peuple et, par là, de susciter la foi et l’obéissance à ses préceptes. Après l’Exil, cette conception de l’histoire aboutit au récit didactique et moralisant. Ce n’est pas que l’intention historique soit absente de l’œuvre du Chroniste (on l’appelle ainsi du titre de la première partie de son œuvre). Mais, en faisant l’histoire des origines à Néhémie, celui-ci veut justifier les fondements de la vie juive : la Loi, telle qu’elle est fixée dans le Pentateuque ; le Temple, avec son culte et son clergé ; l’espérance nationale, axée sur le Messie davidique. Si les anciens historiens deutéronomistes faisaient de la théologie à partir de l’histoire, il arrive au Chroniste de faire de l’histoire à partir de la théologie (Edmond Jacob). C’est dans cette perspective nouvelle que les deux livres des Chroniques racontent l’histoire d’Israël des origines à la fin de la monarchie. À leur suite, les livres d’Esdras et de Néhémie font revivre les événements du retour de l’Exil, la reconstruction du Temple et l’organisation de la communauté juive retournée en Palestine. Mais il ne faut pas s’y méprendre, le Chroniste veut faire de l’histoire : il ne cite pas moins de quatorze sources d’information, et il ne faudrait pas conclure que son travail n’a rien à offrir à l’historien. Disons, pour une interprétation correcte de son œuvre, que c’est une histoire « engagée ».


Les récits d’édification

L’Exil et la dispersion en terre étrangère, en mettant Israël en contact avec le milieu païen, l’obligent à élargir ses perspectives. Les prophètes de l’époque mettent l’accent sur le règne universel de Yahvé ; les portes de la communauté juive commencent à s’ouvrir aux étrangers. Parallèlement au courant nationaliste et particulariste, durci par un réflexe d’autodéfense, s’affirme un mouvement de pensée universaliste.

Cet universalisme s’affirme dans le livre de Ruth (v. 450), dont le genre littéraire est proche de la nouvelle ou du conte bâtis à partir de lointaines traditions. L’histoire de Ruth la Moabite, qui épouse Booz, un Israélite, et qui, par ce mariage, devient l’ancêtre de David, est à la fois une attaque contre le courant nationaliste et racial en même temps qu’un appel à un libéralisme, un « œcuménisme » qui a du mal à s’affirmer.

C’est dans la même optique qu’il faut lire le livre de Jonas. Le personnage principal de l’histoire n’a de commun que le nom avec le prophète Jonas, qui vivait au viiie s. Le livre est un récit d’imagination bâti sur des reconstructions historiques très fantaisistes, et son héros est un prophète à qui sa désobéissance et son entêtement valent de multiples et romanesques mésaventures. Mais cela n’est qu’une façade. En fait, le livre prêche un universalisme étonnamment ouvert, comme le montrent et la conversion (imaginaire) de Ninive, la grande cité païenne, et le discours final de Yahvé (chap. iv). Jonas, prophète récalcitrant, est le type du Juif chauvin qui veut réserver au seul Israël les bienfaits de Dieu.