Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
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Testament (Ancien et Nouveau) (suite)

L’histoire sacerdotale. L’exil en Babylonie (587-538) fut, pour les Juifs expatriés, une rupture et un renouvellement. Dans les circonstances toutes nouvelles où Israël se trouve placé, le clergé de Jérusalem déporté à Babylone rallume le flambeau de l’espérance. S’inspirant du cadre du Yahviste, il refait une présentation de l’histoire qui met en évidence le caractère transcendant de Yahvé et la réalité de sa présence au sein de son peuple. Malgré les apparences, Israël vit toujours sous le signe des promesses divines : la libération de l’esclavage d’Égypte peut se répéter. Profondément légaliste, l’auteur sacerdotal rattache aux événements majeurs de l’histoire les institutions religieuses de la communauté : le sabbat à la création (Genèse, i), la circoncision à Abraham (Genèse, xvii), la Pâque à la sortie d’Égypte (Exode, xii).


Le livre aux cinq volumes

La composition finale du Pentateuque sera l’œuvre d’un ou de plusieurs rédacteurs, qui s’efforceront d’harmoniser et de synthétiser les quatre écrits antérieurs, sans doute au temps d’Esdras dans la première moitié du ive s. On a comparé le Pentateuque à « une cathédrale où se rencontrent des éléments de style différents [...] voire des matériaux empruntés à des édifices païens. Peu importe la multiplicité des styles, le sanctuaire ne perd pas son unité d’inspiration. Les cinq livres de la Loi orchestrent un thème central, l’élection d’Israël. On comprend pourquoi le peuple juif ne cesse de chercher dans la Torah la raison de son existence et le mystère de sa destinée » (Charles Hauret).


L’historiographie deutéronomiste

L’influence deutéronomiste ne doit pas être limitée aux textes législatifs et théologiques consignés dans le Pentateuque : elle est à l’origine d’un très important mouvement littéraire, qui produira les premiers livres historiques d’Israël. À la fin de l’époque royale et durant l’Exil, les scribes de cette école (car il faut bien parler d’une école) entreprennent de mettre en forme une histoire du peuple hébreu, de la conquête de Canaan à la fin des deux royaumes. Les rédacteurs ont à leur disposition les traditions relatives à Josué et à la conquête, la littérature hagiographique sur les anciens prophètes, les chroniques des rois de Juda et d’Israël tenues par les scribes de la cour. Ils colligent les textes, les liant entre eux par un schéma-cadre religieux : la fidélité à Yahvé est la condition de la prospérité du peuple, l’infidélité, source de malheur. Nous retrouvons là une des idées maîtresses du Deutéronome. Ainsi se forment les livres de Josué, des Juges, de Samuel et des Rois, qui font suite aux récits du Pentateuque.

• Le livre de Josué décrit la conquête du pays de Canaan sous le commandement de Josué, successeur de Moïse. On sait que cette conquête fut plus complexe que ne le dit l’auteur (v. Hébreux). Le tableau qu’il en donne est idéalisé : l’épopée de la sortie d’Égypte se continue dans cette marche victorieuse, où Yahvé intervient miraculeusement en faveur de son peuple.

• Le livre des Juges, qui retrace la période qui suit la conquête, rapporte les faits et gestes de personnages appelés « Juges » et dont le rôle était moins de rendre la justice que de délivrer les tribus des dangers qui les menaçaient. On retrouve dans sa composition le rythme à quatre temps caractéristique de la théologie deutéronomiste : désobéissance, châtiment, appel à Yahvé, envoi d’un héros libérateur. À l’intérieur de ce cadre, dont la chronologie est très imprécise, l’auteur a placé les éléments fournis par la tradition. Ceux-ci sont très variés : souvenirs historiques, récits étiologiques ou folkloriques, histoires gravitant autour des sanctuaires... Il est difficile, avec ces seuls éléments, d’écrire une histoire suivie de la période des Juges. Pour le narrateur, ces héros du passé ont valeur d’exemple, et, par eux, il a voulu rappeler à ses contemporains les traits distinctifs d’Israël.

• Les livres de Samuel couvrent la période qui va des origines de la monarchie israélite à la fin du règne de David. Trois personnages dominent les deux ouvrages : Samuel, le dernier des Juges, Saül, le premier roi, et David, fondateur de l’État hébreu. Mais c’est la figure de David qui l’emporte. Après les tristes expériences faites dans la deuxième période monarchique et les ruines qui en furent la conséquence, on regarde vers le passé. Dans la galerie des ancêtres, David, roi idéal et idéalisé, vient prendre place à côté de Moïse. Avec la prophétie de Nathan (II Samuel, vii) « Je te donnerai un nom grand comme les plus grands de la terre [...]. Je maintiendrai après toi le lignage issu de tes entrailles [...]. Ton trône sera affermi à jamais [...] », l’aube de la grande espérance messianique s’est levée sur le peuple juif. Le Nouveau Testament fera de Jésus un « fils de David ».

• Les livres des Rois sont constitués par l’histoire du règne de Salomon et l’histoire parallèle des deux royaumes après le schisme de Jéroboam en 931. Les histoires des prophètes Élie et Élisée forment une digression dans cet ensemble, où se côtoient éléments historiques, légendaires et hagiographiques. Pour être compris, les deux livres des Rois doivent être lus dans l’esprit où ils ont été composés, comme une histoire du salut où la désespérance n’a pas de place. La permanence de la lignée davidique est le garant de la stabilité des promesses de Yahvé. La fin de l’œuvre est moins la conclusion d’une histoire passée qu’une ouverture sur l’avenir. La grâce accordée à Joiakin (II Rois, xxv, 27 à 30), dernier successeur de David, projette sur l’avenir une lueur d’espérance.


Les écrits prophétiques

Homme de parole et d’action, le prophète n’est pas un scribe rédigeant un message de Yahvé à son peuple. On classe communément les prophètes en deux catégories : prophètes « orateurs » et prophètes « écrivains ». Cette distinction est artificielle, car, chez les prophètes classiques, dont les écrits sont consignés dans la Bible, le message fut avant tout oral, même si certains d’entre eux furent amenés par les circonstances à écrire quelques-uns de leurs oracles. En réalité, les livres attribués aux prophètes sont le résultat du travail de disciples qui ont fixé par écrit les paroles du maître : travail soumis évidemment à la fidélité, mais aussi au pouvoir transformateur de la mémoire. Ces recueils ont été grossis dans les générations suivantes par des auteurs anonymes qui ont poursuivi l’œuvre du prophète, plaçant sous son autorité les relectures et les réflexions qui prolongeaient et actualisaient le message primitif. Au cas classique du deuxième et du troisième Isaïe peuvent être ajoutés des exemples pris chez Amos, Michée, Sophonie et Zacharie.

Le rôle des prophètes dans le développement de la religion d’Israël a été immense. Ils furent les guides auxquels le peuple juif doit le meilleur de lui-même. Leur action a déterminé les lignes maîtresses qui distinguent la pensée religieuse de l’Ancien Testament.