Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
S

Samarkand (suite)

Ce n’est certes pas le décor qu’il faut chercher dans l’observatoire d’Uluğ Beg, petit-fils de Tīmūr Lang, grand astronome et auteur d’un zīdj (jeu de tables astronomiques) ; cette construction, sans rivale dans le monde entier à l’époque, témoigne surtout de l’intelligente conjonction des sciences du bâtisseur et de l’observateur des astres. Ce n’est pas lui non plus qui retiendra l’intérêt dans les édifices à hautes colonnes de bois posées sur une base rapportée qu’on trouve ici, comme dans tout le Turkestan, mais le souvenir tenace de la tente des souverains nomades. Partout ailleurs, le décor règne.

Sans doute ne déploie-t-il pas toujours autant de ressources, ne fait-il pas toujours montre d’autant de perfection qu’à la nécropole du Roi Vivant (Chāh-e Zendè), cette rue funéraire qui gravit la colline et est bordée de mausolées sous coupoles de formes variées, érigés de 1334 à 1450. Sur un des joyaux de cet ensemble (tombe de Tchutchuk Bika, 1371), la féerie colorée est réalisée par des mosaïques de faïence et de brique, par des carreaux émaillés, par des pièces moulées. C’est hors du Roi Vivant qu’a été érigé le symbole du siècle, le Gur-e Mir (tombeau du Conquérant), par l’architecte d’Ispahan Muḥammad ibn Maḥmūd (1404). La salle funéraire, en forme de croix inscrite dans un octogone, est surmontée d’un double dôme, l’un extérieur sur haut tambour (34 m de haut) pour donner la silhouette, l’autre intérieur (22 m) pour couvrir la salle. Le premier, à godrons et en encorbellement, est retenu par des tirants reliés à une pile centrale. Si le bleu turquoise, la couleur dominante de la ville, étincelle au soleil, les plaques de jaspe et d’albâtre rivalisent à l’intérieur avec les faïences (célèbre sarcophage de Tīmūr, en néphrite).

L’immense madrasa de Bībī Khānum, épouse chinoise de Tīmūr (1399), ordonne autour d’une cour centrale (80 × 70 m) une succession de cellules. Ses salles axiales sont couvertes non en iwān, mais en coupoles. Celle du sud, la plus vaste, sert de mosquée. On y accède par des arcs à moitié ruinés (hauts de 25 m et larges de 16), flanqués de tours qui font penser à quatre minarets d’angles. La place du Registān, centre de la vie jusqu’à la Révolution soviétique, est constituée par trois madrasa, l’une de 1420 (Uluğ Beg), les autres du xviie s. (Chir-Dār et Tillā Kāri), mais encore imprégnées des traditions antérieures. La madrasa Chir-Dār doit son nom aux deux lions en faïence sur lesquels repose le Soleil. Elle ouvre par un porche monumental et porte deux dômes côtelés. Son soubassement est en marbre, et ses murs sont revêtus de céramiques ; sa corniche en trois rangs de stalactites est du plus bel effet.


La ville moderne

Samarkand est aujourd’hui, après Tachkent, le premier centre culturel de l’Ouzbékistan. La culture russe s’y exprime par un théâtre et un opéra, et la culture nationale par un autre théâtre et un musée. L’université est placée sous le patronage du grand humaniste musulman Mīr ‘Alī Chīr Navā’ī (1440-1501).

J.-P. R.

➙ Ouzbékistan.

 Les Mosquées de Samarcande (Libr. Arts et sciences, 1906). / F. Sarre, Denkmäler persischer Baukunst (Berlin, 1910). / Les Monuments historiques de l’Islam en U. R. S. S. (en russe, Tachkent, s. d.).

Sambin (Hugues)

Architecte, décorateur et sculpteur français (Gray 1518 - Dijon v. 1601).


Sambin a été pour la Bourgogne un chef d’école, comme l’ont été pour l’Île-de-France Du Cerceau* et pour le Languedoc Nicolas Bachelier. Architecte, il a construit l’hôtel du gouverneur impérial de Besançon*, aujourd’hui palais de justice. On lui doit aussi la belle clôture de la salle des pas perdus du palais de justice de Dijon*, exécutée en 1573, et la porte sculptée de la salle des Archives, passée au musée des Beaux-Arts. Ornemaniste, Sambin dirigea la décoration de la ville de Dijon pour la « joyeuse entrée » du nouveau gouverneur, Claude de Lorraine, le 31 décembre 1550. En 1564, c’est pour l’entrée solennelle de Charles IX qu’il disposera, sur le trajet du cortège, « divers mistères et figures ». Sculpteur, il a « taillé » le beau Jugement dernier du portail de Saint-Michel de Dijon.

Menuisier sculpteur, il a donné des pièces qui comptent au nombre des monuments de l’art du meuble de la Renaissance. Le Louvre possède de lui une petite armoire à deux vantaux entièrement sculptés, encadrés de trois termes engainés ; le musée de Dijon, une table aux deux supports sculptés d’un aigle accosté de deux figures chimériques à buste de femme sortant d’un corps de feuillages ; le musée de Besançon, la table et le cabinet du gouverneur Ferdinand Gauthiot d’Ancier. Le style de ces meubles se caractérise par une exubérance ornementale qui ne laisse aucune pause entre les éléments d’échelle différente et par de puissantes figures dont le réalisme ne redoute pas le prosaïsme, mais présente un caractère d’énergie exceptionnel. Tout se passe comme si le maître, associant des motifs sans parenté, n’avait eu pour dessein que de mettre en valeur la qualité du travail, brillante en effet.

Un curieux album qu’il publia chez Jean Durant, à Lyon, en 1572, éclaire cette personnalité vigoureuse et sans mesure : Œuvre de la diversité des termes dont on use en architecture offre trente-six figures engainées, alternativement masculines et féminines, les premières affectant la simplicité de l’antique et les dernières une complication portée à l’extrême. L’impétuosité du style de Sambin a donné lieu à la légende qui fit de lui le disciple de Michel-Ange. En fait, certaines de ses œuvres s’apparentent à l’art du Génois Galeazzo Alessi (1512-1572), qui fut, lui, un des épigones du grand maître. Par ailleurs, Sambin, établi à Dijon, n’a pas été sans connaître et étudier le chef-d’œuvre de Claus Sluter*, le célèbre « Puits de Moïse » de la chartreuse de Champmol. Il semble qu’il en ait reçu l’influence ; mais celle d’Alessi n’est pas moins patente, ajoutant la surabondance à l’autorité.

En ses dernières années, le maître, mêlé aux factions de la Ligue, dut fuir Dijon, restée royaliste, et s’établir en Franche-Comté. La paix rétablie, il revint en Bourgogne, participa même en 1600 à l’élection du maire de Dijon. Il s’éteignit peu après.

G. J.