Samarkand (suite)
Ce n’est certes pas le décor qu’il faut chercher dans l’observatoire d’Uluğ Beg, petit-fils de Tīmūr Lang, grand astronome et auteur d’un zīdj (jeu de tables astronomiques) ; cette construction, sans rivale dans le monde entier à l’époque, témoigne surtout de l’intelligente conjonction des sciences du bâtisseur et de l’observateur des astres. Ce n’est pas lui non plus qui retiendra l’intérêt dans les édifices à hautes colonnes de bois posées sur une base rapportée qu’on trouve ici, comme dans tout le Turkestan, mais le souvenir tenace de la tente des souverains nomades. Partout ailleurs, le décor règne.
Sans doute ne déploie-t-il pas toujours autant de ressources, ne fait-il pas toujours montre d’autant de perfection qu’à la nécropole du Roi Vivant (Chāh-e Zendè), cette rue funéraire qui gravit la colline et est bordée de mausolées sous coupoles de formes variées, érigés de 1334 à 1450. Sur un des joyaux de cet ensemble (tombe de Tchutchuk Bika, 1371), la féerie colorée est réalisée par des mosaïques de faïence et de brique, par des carreaux émaillés, par des pièces moulées. C’est hors du Roi Vivant qu’a été érigé le symbole du siècle, le Gur-e Mir (tombeau du Conquérant), par l’architecte d’Ispahan Muḥammad ibn Maḥmūd (1404). La salle funéraire, en forme de croix inscrite dans un octogone, est surmontée d’un double dôme, l’un extérieur sur haut tambour (34 m de haut) pour donner la silhouette, l’autre intérieur (22 m) pour couvrir la salle. Le premier, à godrons et en encorbellement, est retenu par des tirants reliés à une pile centrale. Si le bleu turquoise, la couleur dominante de la ville, étincelle au soleil, les plaques de jaspe et d’albâtre rivalisent à l’intérieur avec les faïences (célèbre sarcophage de Tīmūr, en néphrite).
L’immense madrasa de Bībī Khānum, épouse chinoise de Tīmūr (1399), ordonne autour d’une cour centrale (80 × 70 m) une succession de cellules. Ses salles axiales sont couvertes non en iwān, mais en coupoles. Celle du sud, la plus vaste, sert de mosquée. On y accède par des arcs à moitié ruinés (hauts de 25 m et larges de 16), flanqués de tours qui font penser à quatre minarets d’angles. La place du Registān, centre de la vie jusqu’à la Révolution soviétique, est constituée par trois madrasa, l’une de 1420 (Uluğ Beg), les autres du xviie s. (Chir-Dār et Tillā Kāri), mais encore imprégnées des traditions antérieures. La madrasa Chir-Dār doit son nom aux deux lions en faïence sur lesquels repose le Soleil. Elle ouvre par un porche monumental et porte deux dômes côtelés. Son soubassement est en marbre, et ses murs sont revêtus de céramiques ; sa corniche en trois rangs de stalactites est du plus bel effet.
La ville moderne
Samarkand est aujourd’hui, après Tachkent, le premier centre culturel de l’Ouzbékistan. La culture russe s’y exprime par un théâtre et un opéra, et la culture nationale par un autre théâtre et un musée. L’université est placée sous le patronage du grand humaniste musulman Mīr ‘Alī Chīr Navā’ī (1440-1501).
J.-P. R.
➙ Ouzbékistan.
Les Mosquées de Samarcande (Libr. Arts et sciences, 1906). / F. Sarre, Denkmäler persischer Baukunst (Berlin, 1910). / Les Monuments historiques de l’Islam en U. R. S. S. (en russe, Tachkent, s. d.).