adaptation

Cet article est extrait de l'ouvrage Larousse « Dictionnaire de la philosophie ».


Du latin médiéval adaptatio (de ad, « à », et aptare, « ajuster »), « action d'adapter, d'approprier ou d'ajuster ».

Biologie

Capacité des organismes vivants (individus ou espèces) à répondre aux contraintes liées aux conditions et modifications de leur environnement à ajuster leur fonctionnement ou celui d'une de leurs composantes aux variations de leur milieu.

En physiologie, adaptation est synonyme d'accommodation et désigne la capacité de régulation d'un organisme en réponse à des modifications du milieu. Cette adaptation n'entraîne que des modifications dites phénotypiques.

Les modifications génotypiques sont de deux ordres :
– l'adaptation organique, qui concerne des individus ;
– l'adaptation biotique, comprenant un ensemble taxinomique défini (espèce, genre, etc.).

Les hypothèses transformistes se sont évertuées à appréhender les mécanismes de l'adaptation, car ceux-ci constituaient une des clés de la compréhension des phénomènes évolutifs.

Chez Lamarck (1744-1829), le besoin est créateur d'organes. Des modifications du milieu peuvent engendrer des transformations morphologiques, transmises grâce à l'hérédité conservatrice. Ce qui fait dire au néolamarckien Anthony (1874-1941) que le transformisme de Lamarck « a pris pour point de départ l'évidence de l'adaptation »(1) (1930).

Cette évidence sera âprement discutée par le darwinisme et par le mutationnisme, qui laissent une place au hasard et à la sélection naturelle pour expliquer l'évolution et qui refusent un certain finalisme adaptatif.

Cuénot (1866-1951) propose le terme de « préadaptation » et signale l'existence chez les organismes de caractères non apparents, qui ne vont se développer que dans des conditions particulières où le milieu sera modifié. Cette hypothèse sera reprise par Goldschmidt(2) en 1940 et réapparaîtra en 1982 avec Gould et Vrba(3), sous le terme d'« exaptation ».

La question du finalisme du concept d'adaptation naît du terme même, fruit du regard de l'homme sur la nature.

Cédric Crémière

Notes bibliographiques

  • 1 ↑ Anthony, R., « De la valeur en tant que théorie des théories de l'évolution », première leçon du cours d'anatomie comparée du Muséum, 2 mai 1930.
  • 2 ↑ Goldschmidt, R., The Material Basis of Evolution, Yale University Press, New Haven.
  • 3 ↑ Gould, S. J., Vrba, E. S., « Exaptation. A Missing Term in the Science of Form », Paleobiology, 8, pp. 4-15.
  • Voir aussi : Anthony, R., Le Déterminisme et l'adaptation morphologiques en biologie animale, Doin, Paris, 1923.
  • Gasc, J.-P., « À propos du concept d'adaptation », in Inform. sci. soc. 16 (5), pp. 567-580.
  • Gayon, J., « La préadaptation selon Cuénot (1866-1951) », in Bull. soc. zool. fr., 1995, 120 (4) : 335-346.
  • Laurent, G., La Naissance du transformisme. Lamarck entre Linné et Darwin, Vuibert-Adapt, Paris, 2001.
  • Rose, M. R., Lauder, G. V., Adaptation, Academic Press, San Diego, etc., 1996.

→ darwinisme, finalisme, régulation

Le terme d'« adaptation » constitue une réponse au problème de la permanence ou non d'une structure ou d'une fonction dans un environnement variable : l'adaptation est l'ajustement du même à l'autre pour rester le même. Ce problème général se décompose, en biologie, au moins en trois : jusqu'où une structure est-elle capable de varier pour exercer la même fonction (adaptation réciproque d'une structure et d'une fonction, adaptation d'une différence de degré à une différence de nature, recherche du point limite auquel une certaine élasticité se rompt) ? Lorsqu'une action ou une fonction cellulaire met en jeu plusieurs composants, le problème de l'adaptation devient celui d'une gestion des priorités : quelle priorité donner à certaines parties d'une structure pour que la totalité de la fonction puisse être remplie, ou comment hiérarchiser certaines priorités partielles pour que la priorité totale de la survie l'emporte (permanence ou survie du tout par rapport aux parties) ? Enfin, l'adaptation est-elle réversible ou irréversible, et suffit-elle à expliquer la diversité des espèces vivantes existantes ?

À la première question, la physiologie répond par les notions de milieu intérieur(1), d'homéostasie (W. B. Cannon [1871-1945]), de régulation, mais aussi d'accommodation, d'acclimatation, de naturalisation ou de spécialisation. Callosités, réflexes, accoutumance, immunité et même cicatrisation en sont quelques-unes des modalités. À la deuxième question, l'organisme répond aussi par la régulation, comprise non plus comme un équilibre, mais comme le choix actif d'un ordre des priorités. Quant à la troisième question, elle a reçu au cours de l'histoire trois types de solutions. Le fixisme (Linné [1707-1778], Buffon [1707-1788], Cuvier [1769-1832]) s'appuie sur la Bible et sur Aristote pour affirmer que toutes les espèces ont été créées par Dieu. Cette immuabilité est à l'origine du classement des organismes en règnes, classes, ordres, genres, espèces et variétés. Mais le fixisme, pour rester cohérent, refuse d'accorder une importance théorique aux anomalies de la nature ou aux techniques d'hybridation. La découverte d'états intermédiaires entre deux espèces accrédite peu à peu l'idée de leur évolution. Deux théories transformistes rivales, celle de Lamarck, puis celle de Darwin, s'opposent au fixisme. Lamarck (1744-1829) affirme que la diversité des espèces s'explique par la tendance des êtres vivants à se compliquer, que vient perturber l'influence des circonstances, lorsque les variations du milieu produisent de nouveaux besoins, qui causent de nouvelles actions, pouvant elles-mêmes être fixées en habitudes, lesquelles, possédées par les deux parents, sont transmises aux générations suivantes(2). Ainsi, les modifications du milieu, par l'intermédiaire des besoins, produisent des transformations morphologiques, héréditairement transmises. En d'autres termes, jamais employés par Lamarck, l'adaptation et l'hérédité des caractères acquis sont les deux causes de l'évolution(3). Au milieu du xxe s., l'affaire Lyssenko (du nom du biologiste qui impose en URSS, avec le soutien du pouvoir politique, la théorie fausse d'après laquelle une variation du milieu détermine une modification de l'hérédité) rend biologiquement et politiquement suspecte toute référence à Lamarck et aux idées d'adaptation et d'hérédité des caractères acquis. S'opposant à Lamarck, Darwin (1809-1882) postule l'existence d'une évolution par sélection naturelle. Il ne s'agit plus d'une adaptation des individus ni même d'une espèce aux nouvelles conditions de l'environnement, mais d'une « sélection » entre les individus capables de survivre dans ce milieu modifié et ceux qui ne le sont plus, condamnés à mourir. En étudiant la dynamique des fréquences géniques au sein d'une population d'individus, la génétique des populations utilise pleinement ce concept de sélection.

La naissance de la biologie moléculaire marque le renversement de perspective qui fait passer du paradigme de l'adaptation à celui de la sélection. Comment l'organisme s'adapte-t-il aux variations très brutales de son environnement nutritif ? Comme le colibacille ne consomme pas tout de suite le lactose en présence duquel il est mis, les biologistes supposent d'abord que l'enzyme responsable de cette opération doit être fabriqué par l'organisme d'après la forme du sucre qu'il doit digérer et, pendant un demi-siècle, nomment ce processus « adaptation enzymatique ». En 1953, J. Monod et quelques autres savants demandent que le terme d'« induction enzymatique » soit substitué à celui d'adaptation, mais la communauté scientifique croit encore qu'il existe un lien de causalité directe entre la forme du sucre et celle de l'enzyme chargé de le dégrader. Ce n'est qu'à la fin des années 1950 que les célèbres expériences d'A. Pardee, Fr. Jacob et Monod établissent le rôle « sélectif » du lactose, puisque sa présence sélectionne le processus (très finement régulé) qui va permettre à l'organisme de le digérer.

Le problème essentiel du concept d'adaptation tient au finalisme qu'il présuppose, à l'opposé de l'analytique réductionniste de toute explication scientifique. En reprenant la distinction immunologique de N. Jerne entre instruction (causalité directe) et sélection (causalité indirecte), le concept d'adaptation ne peut plus être soutenu au sens d'une instruction (du milieu à l'organisme), mais subsiste, au sein du concept de régulation, comme sélection de la meilleure réponse à une situation imposée.

Nicolas Aumonier

Notes bibliographiques

  • 1 ↑ Bernard, Cl., Introduction à l'étude de la médecine expérimentale, 1865, II, 3.
  • 2 ↑ Lamarck, J.-B. (de), Philosophie zoologique, 1809, Garnier-Flammarion, Paris, 1994, 236-237.
  • 3 ↑ Ibid., 216-217.
  • Voir aussi : Cannon, W. B., The Wisdom of the Body (1932), « La Sagesse du corps », 1946.
  • Cohn, M., Monod, J., Pollock, M. R., Spiegelman, S., Stanier, R. Y., « Terminology of Enzyme Formation », Nature, 172, 12 décembre 1953, p. 1096.
  • Cuénot, L., l'Adaptation, Paris, 1925.
  • Darwin, C., l'Origine des espèces au moyen de la sélection naturelle ou la préservation des races favorisées dans la lutte pour la vie (1859), trad. fr. Garnier-Flammarion, Paris, 1992.
  • Gayon, J., « La préadaptation selon Cuénot (1866-1951) » in Bulletin de la Société zoologique française, 1995, 120 (4), pp. 335-346.
  • Gayon, J., article « Sélection », in Canto-Sperber, M., Dictionnaire d'éthique et de philosophie morale (1996), PUF, Paris, 2001.
  • Gilson, E., D'Aristote à Darwin et retour, Vrin, Paris, 1971.
  • Jerne, N. K., « Antibodies and Learning : Selection versus Instruction », The Neurosciences. A study program, G. C. Quarton, T. Melnechuk & F.O. Schmitt (éd.), The Rockefeller University Press, New York, 1967.
  • Karström, H., « Enzymatische Adaptation bei Mikroorganismen », Ergebnisse der Enzymforschung, 7, 1938, pp. 350-376.
  • Pardee, A. B., Jacob, Fr., & Monod, J., « The Genetic Control and Cytoplasmic Expression of “Inducibility” in the Synthesis of β-galactosidase by E. coli », Journal of Molecular Biology, 1, 1959, pp. 165-178.
  • Rose, M. R., Lauder, G. V. (éd.), Adaptation, Academic Press, San Diego, 1996.

→ darwinisme, finalisme, régulation