finalisme

Cet article est extrait de l'ouvrage Larousse « Dictionnaire de la philosophie ».


Substantif forgé au xxe s. à partir du syntagme « cause finale ».

Philosophie Générale, Épistémologie

Usage des causes finales comme fondements de l'explication de la nature des choses.

Chez Aristote, la cause finale n'est qu'une des quatre causes, qui concerne la forme achevée d'une génération (et qui, dans l'opération de l'art, peut aisément se confondre avec la cause formelle)(1). Mais, référée à la providence, la considération des causes finales des choses conduit à faire de toute explication finaliste une tautologie (selon laquelle la chose existe parce que son existence et sa nature correspondent aux fins du dessein divin). La critique de l'aristotélisme scolastique par les modernes conduira donc à considérer comme véritablement scientifique une attitude qui, s'interdisant le recours facile à cette finalité transcendante, borne ses principes explicatifs à l'immanence même de la chose expliquée. Le mécanisme moderne se présente alors comme l'opposé du finalisme.

Cependant, entre un réductionnisme mécanique, dans lequel il a lui-même versé, et l'abus du finalisme dans les explications physiques, dont il entend se garder, Leibniz considère que le recours aux causes finales est illégitime dans le détail de la physique mais indispensable pour donner aux êtres naturels un fondement métaphysique(2). On retrouve chez Kant une position assez proche : Kant considère en effet que si rien ne nous permet de déterminer, ni a priori ni empiriquement, l'existence d'une fin matérielle de la nature, en revanche nous avons besoin de postuler une telle finalité objective « lorsqu'il s'agit de juger un rapport de cause à effet que nous ne parvenons à considérer comme légal que si nous posons au fondement de la causalité de sa cause l'idée de l'effet comme condition de possibilité de cette causalité »(3). On opère alors une fusion de la causalité effective et de la causalité finale qui s'applique particulièrement aux êtres organisés qui possèdent une force formatrice et sont à eux-mêmes leur propre fin. Mais le finalisme n'est alors qu'une nécessité interne de notre jugement, et c'est en tant que l'homme est lui-même une fin qu'il soumet ultimement la nature à une causalité finale.

Le finalisme ainsi compris constitue une position qui dans une large mesure recoupe l'attitude actuelle de la philosophie naturelle : dans les sciences du vivant en effet il est tentant d'utiliser une préconception de l'état achevé d'une forme pour y rapporter tous ses états antérieurs. Le finalisme général devient dans ce cas un principe téléonomique interne aux processus de développement des êtres vivants. Mais, en prédéterminant la « perfection » d'un être pour l'utiliser comme principe explicatif de son devenir, le finalisme constituerait au fond le critère d'un changement de plan du discours (tout énoncé rapportant les êtres naturels à leur cause finale prise comme leur authentique principe cesserait par là d'appartenir à la seule science naturelle pour s'articuler à la métaphysique).

Laurent Gerbier

Notes bibliographiques

  • 1 ↑ Aristote, Physique, I, 3, tr. P. Pellegrin, GF, Paris, 2000, p. 128 sq.
  • 2 ↑ Leibniz, G.W., Discours de métaphysique, art. XIX, édition G. Le Roy, Vrin, Paris, 1988, p. 55-57.
  • 3 ↑ Kant, E., Critique de la faculté de juger, II, 1, § 63, tr. A. Philonenko, Vrin, Paris, 1974, p. 186.

→ cause, évolution, mécanisme, organisme