Max Ernst

Peintre allemand, naturalisé américain, puis français (Brühl 1891-Paris 1976).

Une inspiration ouverte à tous les courants artistiques nouveaux

En 1909, Max Ernst commence des études de philosophie à l'université de Bonn ; il est attiré par la psychopathologie et l'art des aliénés. Il lit Freud, Max Stirner, Dostoïevski, Nietzsche, mais c'est la peinture qui devient sa raison de vivre. Ouvert à tous les courants nouveaux, une évolution rapide le mène de ses premières peintures des années 1909-1913, de style expressionniste, jusqu'au surréalisme. Dans l'intervalle se situe la période de la guerre : à la protestation de dada, antimilitariste, antibourgeoise, anticulturelle, Max Ernst prend une part active, et, grâce à lui, Cologne devient l'un des foyers actifs du mouvement. Cette période de négation est marquée par des œuvres importantes, qui manifestent l'influence de Paul Klee (Combat de poissons, 1917, collection de l'artiste), puis celle des machineries biologiques de Marcel Duchamp et de Picabia (le Rugissement des féroces soldats). En 1919, Ernst découvre la peinture métaphysique de De Chirico et de Carlo Carra ; en 1921, il devient l'ami de Paul Éluard, qui lui achète l'Éléphant Célèbes et Œdipus Rex (collections privées) . Alors qu'André Breton, axé sur des problèmes d'ordre littéraire, se demandait si une peinture surréaliste était possible, Max Ernst avait déjà ouvert les perspectives les plus fécondes en ce domaine, bifurquant soit vers un réalisme fantastique de rendu quasi photographique, déjà esquissé par De Chirico et repris plus tard par Magritte et Dali, soit, comme chez Arp, Miró et Masson, vers des transpositions morphologiques, vers des mondes autres, d'un onirisme accentué par le choix des titres.

Une production très riche servie par les techniques les plus variées

La production de l'artiste est de plus en plus riche ; sa vie n'est que création continue, et il suffit d'indiquer quelques repères biographiques. En 1934, Ernst passe l'été en Suisse chez Giacometti, ce qui réveille son intérêt pour la sculpture, une technique qu'il n'avait encore employée qu'épisodiquement. En 1938, il quitte le groupe surréaliste et habite avec Leonora Carrington à Saint-Martin-d'Ardèche. En 1941, il réussit à gagner New York, où il épouse Peggy Guggenheim. En 1943, il rencontre Dorothea Tanning, peintre surréaliste comme L. Carrington, et séjourne dans l'Arizona, où il réalise d'importantes sculptures. En 1953, il se fixe définitivement en France avec D. Tanning, qu'il a épousée. Il reçoit le grand prix de la Biennale de Venise en 1954 et est naturalisé français en 1958. De nombreuses rétrospectives font connaître son œuvre dans le monde entier.

Ce grand inventeur d'images joue soit sur l'extrême précision du représenté, soit sur des effets de flou, d'espaces et de formes suggérés appartenant au domaine du merveilleux, quand il ne combine pas les deux procédés. Les thèmes sont d'une grande diversité, accompagnés de titres qui en accentuent la résonance étrange, avec des nuances d'humour tournant parfois au noir, une fantaisie qui peut s'avérer cruelle. Certaines évocations reviennent avec insistance : la forêt proliférante, les oiseaux, les astres, les villes pétrifiées ; les limites s'abolissent entre les règnes ; l'homme lui-même devient hybride, bascule et voyage dans toutes les dimensions de l'univers : monde d'une grande originalité, même si des précédents en sont décelables chez certains peintres germaniques du passé, de Grünewald et d'Altdorfer à Caspar David Friedrich et à Böcklin.

Max Ernst traque l'imaginaire au moyen des techniques les plus variées, qu'il invente ou adapte avec la virtuosité qui lui est propre dans tous les domaines. Dès 1919, il construit de petits assemblages, proches des Merz de Schwitters, qu'il combine plus tard avec des peintures, comme dans Deux enfants sont menacés par un rossignol de 1924 (Museum of Modern Art, New York. En 1923, il fait des incursions dans le tableau-poème. Plus important dans son œuvre est cependant l'emploi du collage dès 1919, dans un esprit très différent de celui du cubisme : Ernst reprend les photomontages du dadaïsme berlinois (Raoul Hausmann, Hannah Höch) et, dans une recherche du merveilleux autant que de l'absurde, combine des images hétérogènes, donnant naissance à ces romans-collages que sont la Femme 100 têtes (1929) et Une semaine de bonté (1934). En 1925, le frottage lui permet d'utiliser, comme point de départ de son dessin, des empreintes de planches, de tissus, de cannages de chaise (Histoire naturelle, 1926). Le grattage constitue une autre utilisation des accidents dirigés du hasard : un peigne, une mince truelle, une lame de rasoir sont traînés dans la peinture encore fraîche, la toile pouvant être, comme le papier des frottages, appliquée sur des corps étrangers (ficelles le plus souvent). En 1939-1940, Ernst reprend la décalcomanie précédemment utilisée par Oscar Dominguez ; en 1942, avec une boîte de peinture percée et balancée au-dessus du tableau, il prélude au dripping dont firent grand usage Pollock et les artistes de New York. Mais aucun des moyens de la peinture traditionnelle ne lui échappe, de l'empâtement au glacis, de la calligraphie appliquée à la violence du geste, souvent combinés librement dans une même œuvre. Cette variété de techniques ne vise pas à la prouesse : elle ne sert qu'à mettre en jeu une étonnante faculté d'imagination, lui servir de tremplin, la canaliser vers des transpositions imprévisibles.

L'œuvre du sculpteur, peuplée de personnages malicieux et lunatiques, n'est pas moins attachante et reflète l'influence de ses plus proches amis, Arp et Giacometti. Enfin, d'un esprit très voisin, les écrits de Max Ernst ont été réunis dans le recueil Écritures (Gallimard, 1970).

Voir plus
  • 1929 La Femme 100 têtes, roman-collage de M. Ernst.
  • 1929 La Forêt pétrifiée, fusain de M. Ernst.