néolithisation
Ensemble des innovations (agriculture, élevage, céramique, etc.) apparaissant au néolithique, qui amènent un changement du mode de vie (passage, notamment, du stade de la prédation à celui de la production).
La néolithisation, passage du paléolithique au néolithique, représente un ensemble de modifications économiques et sociales parfois radicales, mais aussi très progressives.
Une accélération des acquis culturels humains
Pendant tout le paléolithique, les hommes connurent un mode de vie remarquablement stable fondé sur la cueillette, la chasse et la pêche. Leur organisation sociale ne variait guère, faite de petits groupes plus ou moins nomades, et leur industrie elle-même évoluait peu. Le biface, principal outil du paléolithique, a été progressivement affiné et diversifié, mais son usage est resté le même pendant plus d'un million d'années. Parfaitement intégré dans la nature, l'homme exploitait, à l'aide d'un matériel simple, un milieu naturel d'autant plus riche que la pression démographique était réduite. Découverte essentielle, le feu permit une maîtrise de l'environnement, illustration de l’accélération progressive du développement des techniques et de la vie sociale, spirituelle et culturelle de l’homme.
La néolithisation, moment capital de cette accélération, est l'ensemble des processus mis en œuvre au début de l'holocène (période succédant à la dernière glaciation), et qui ont abouti à une organisation de la société telle que nous la connaissons aujourd'hui.
Or, s'il est facile d'analyser les inventions techniques, il l'est beaucoup moins de cerner les mécanismes qui mettent en place une économie et des modes de relations sociales et intellectuelles nouveaux.
Le paléolithique final
Le contrôle des ressources alimentaires par l'homme ne s'est fait que très lentement. Ce n'est qu'à la fin de la période – quelques millénaires sur les milliers que compte l'ensemble du paléolithique – que l'accélération est manifeste.
La cueillette, la chasse et la pêche étaient des moyens efficaces de se procurer de la nourriture avec un minimum d'efforts. Peu nombreux, mobiles, n'occupant guère que les régions riches, les hommes du paléolithique se procuraient facilement ce dont ils avaient besoin.
Cependant, au paléolithique supérieur et final, on constate une modification de la situation : le grand nombre de sites connus illustre la forte croissance démographique, parallèle à l'amélioration climatique postglaciaire et aux innovations techniques.
Après la glaciation de Würm
Après la fin de la glaciation de Würm, vers − 10 000, l’amélioration climatique exceptionnelle ouvre d'immenses régions, riches en gibier et en produits de cueillette, à la colonisation humaine. On observe une véritable multiplication des armes de chasse et de pêche, notamment avec l'invention de l'arc, dont l'efficacité diminue le rôle de la collectivité dans la chasse au profit de celui de l'individu, ce qui va influer sur la taille des groupes.
La tendance générale est à la réduction de la dimension des outils (microlithisme) et à l'utilisation d'outils composites, c'est-à-dire formés de plusieurs pièces lithiques montées en série ; de nouvelles exigences technologiques apparaissent après une immense période de stabilité.
Les hommes du paléolithique final maîtrisent leurs activités avec un savoir-faire certain. La chasse se spécialise et devient saisonnière ; le territoire de chasse se réduit, d'autant qu'un intérêt certain est porté aux petites espèces et à l'intensification de la cueillette. De ce fait, le seuil de viabilité des groupes diminue, et ces derniers se limitent à une dizaine de personnes (famille nucléaire).
L'exemple natoufien
L'enracinement dans une région restreinte se consolide progressivement. L'exemple des Natoufiens au Proche-Orient, sans doute le groupe le mieux connu avant le néolithique, est caractéristique de ce phénomène. Leur culture (− 10500 à − 8200) s'étend d'Israël à la Syrie actuels. Les Natoufiens sont des chasseurs-cueilleurs ayant élargi leurs possibilités alimentaires : gazelles, oiseaux, poissons, tortues, céréales et légumes sauvages. S'ils ne sont pas à l'origine de la néolithisation, une partie de leur mode de vie l'annonce : sédentarisation partielle, réduction du territoire de chasse propre à chaque groupe (intensification de l'exploitation des ressources naturelles, liée à la croissance démographique), utilisation du matériel de broyage (transformation en farine de céréales sauvages), domestication du chien. Les Natoufiens construisent de petits hameaux faits de cases circulaires, et des fosses-silos. Les rites funéraires confirment cette identification à un territoire réduit. Le stockage des céréales sauvages aurait joué un grand rôle dans l'immobilisation du groupe.
Les Natoufiens ont donc une organisation double : les activités domestiques sédentaires se rapprochent du mode de vie néolithique, tandis que la recherche de la nourriture reste mobile, donc de type paléolithique. Il est possible que la raréfaction du gibier et des ressources en céréales sauvages autour des zones en cours de sédentarisation ait conduit à de nouvelles dispositions pour assurer une alimentation équilibrée.
Du prélèvement paléolithique à la production néolithique
Les sociétés de chasseurs-cueilleurs disparaissent plus ou moins rapidement au cours du néolithique, bien que la collecte, la chasse et la pêche subsistent. De nouvelles activités, essentiellement liées à une stratégie alimentaire différente, se développent.
La naissance de l’agriculture
La naissance de l'agriculture se confond avec la recherche de produits alimentaires nouveaux, ce qui comprend aussi les techniques permettant de les consommer, notamment la mouture et la cuisson. Mais les hommes se nourrissaient depuis longtemps de produits de la cueillette, en particulier de céréales sauvages (blé et orge au Proche-Orient, riz en Orient, mil et sorgho en Afrique sahélienne, maïs en Amérique). Le passage de la notion de cueillette à celle de culture implique un mode de pensée radicalement différent, et demande des connaissances précises : sélection des graines, semailles à une date précise, préparation du terrain en forme de champ, assolement, fumure, irrigation, stockage (greniers-silos), cuisine.
Des stades intermédiaires ont existé, en particulier, la protection des espèces végétales utiles, par la destruction des espèces nuisibles voisines, et de la sélection, consciente ou non, d'un certain type de plants.
Ainsi, la céréale sauvage se reproduit plus facilement quand ses graines se détachent aisément de l'épi. Or l'agriculteur a besoin de graines restant sur un épi solide et sur sa tige pour en récolter un maximum en un temps réduit. Il en va de même pour les légumineuses, dont le rôle est essentiel dès le début des pratiques agricoles. La sélection des caractères désirés, presque automatique, est certainement à l'origine de l'agriculture.
L’exemple du Croissant fertile
C'est au Proche-Orient que le mécanisme des origines de l'agriculture est le mieux connu. À partir de − 8000, en Syrie et en Palestine, des groupements humains se fixent, cultivent le blé et l'orge (qui y ont leur berceau sauvage) dans des zones relativement humides pour subvenir aux besoins d'une population plus importante que celle des groupes ayant conservé un mode de vie paléolithique. Progressivement, tout le Croissant fertile – de la Palestine à l'Anatolie et aux montagnes de l'ouest de l'Iran – voit s'implanter des villages agricoles ; l'irrigation permettra un peu plus tard la conquête des terres plus arides.
Les débuts de l’élevage
L'élevage participe de la même recherche d'aliments nouveaux que l'agriculture ; il consiste à faire se reproduire intentionnellement des animaux spécifiques en vue de leur valeur économique.
La chasse intensive de la fin du paléolithique, sur le territoire réduit de communautés en voie de sédentarisation, avait raréfié le gibier, et l'idée de le conserver sur pied avait fait son chemin. L'élevage, au début, fut sans doute nomade, et l'homme se pliait au rythme physiologique et saisonnier de ses animaux. Son intervention se limitait probablement à un abattage sélectif pour équilibrer le potentiel de reproduction du troupeau. Cette stratégie n'est déjà plus celle du simple chasseur. Cependant, le terme d'« élevage » ne sera utilisé qu'à partir du moment où l'homme agit sur la reproduction du troupeau.
Le Proche-Orient n'est pas le seul centre ancien de domestication : le Sahara égyptien a vu la domestication du bœuf, peut-être aussi tôt qu'au Proche-Orient ; l'Asie, celle de divers bovins, du porc, du mouton et de la chèvre ; l'Amérique andine, celle de l'alpaga et du lama.
L'accompagnement technique
L'arc et la flèche, inventés à la fin du paléolithique, ont joué un rôle essentiel au néolithique, où la chasse reste une activité fondamentale. Mais les autres inventions sont liées aux nouveaux modes de vie : matériel de broyage, hache polie, destinés au défrichement des forêts primaires ; abattage et taille du bois pour la construction des maisons, le chauffage, la cuisson des poteries et des aliments, la fabrication des manches d'outil, faucille, et surtout pour la poterie.
L'importance de la poterie
La poterie est une invention capitale, permettant à elle seule la généralisation du mode de vie néolithique ; elle facilite considérablement le stockage (graines, liquides, farine), ainsi que la cuisson à l’eau, base de la cuisine néolithique. La poterie a été inventée en différentes régions du monde : au Japon, il y a plus de 12 000 ans ; au Sahara, vers − 7500 ; au Proche-Orient, où elle ne s'impose vraiment que vers − 6000 ; et donc bien après les premières expériences de sédentarité, d'élevage et d'agriculture ; enfin, plus récemment, en Amérique du Sud.
Le rôle de la poterie est également culturel : son abondance, la variété des techniques de fabrication, des formes et des décors en font un élément fondamental de distinction entre les cultures ; bien souvent, celles-ci sont désignées par leur poterie, comme le rubané (céramique linéaire occidentale) ou le cardial (culture à céramique cardiale) en Europe.
La société
L'économie nouvelle implique une organisation sociale plus stricte afin d'assurer une meilleure solidarité à l'intérieur de groupes devenus beaucoup plus nombreux et entre eux.
Le fait le plus ancien est la sédentarisation, qui n'est pas une conséquence de l'agriculture car elle la précède.
Les premiers villages
En effet, la sédentarisation débute à l'époque des derniers chasseurs-cueilleurs paléolithiques. Dès le Xe millénaire existent en Palestine des protovillages, avec des cabanes rondes de 3 à 4 m de diamètre, et parfois plus, dont l'usage paraît diversifié (habitat principal et stockage).
Au néolithique précéramique, l'industrie du silex se dégage du microlithisme ; de véritables murs, ainsi que les divisions internes des cabanes rondes, apparaissent. À Jéricho, des constructions monumentales – tours, remparts – montrent déjà une maîtrise certaine.
Plus tard, le plan rectangulaire témoigne d'une organisation sociale plus complexe, où chaque famille dispose d'une habitation unique aux pièces spécialisées. N'ayant plus à se déplacer longuement, l'homme organise son espace de manière plus durable, et les villages regroupent des dizaines de maisons. L'exemple de Çatal Höyük, en Turquie, vers − 6000, est le plus significatif ; ce village (qui s’étendait, à son apogée, sur une douzaine d’hectares) a pu compter jusqu'à 5 000 habitants.
De nouveaux comportements sociaux
La sédentarisation est liée à de nouveaux comportements sociaux et économiques, et va de pair avec une spécialisation : éleveurs, agriculteurs, artisans, chasseurs. Certains se fixeront au village, d'autres parcourront le terroir.
Peu à peu, les groupes égalitaires, caractéristiques des chasseurs-cueilleurs, font place aux sociétés hiérarchisées, où certains individus joueront un rôle social plus important.
Les débuts de cette évolution sont difficiles à cerner au néolithique ancien : les premiers villages ne montrent pas d'exemples de hiérarchisation des maisons, tant au Proche-Orient que, plus tard, en Europe.
De même, l'art rupestre saharien ne met en valeur les différences sociales qu'à l'extrême fin de la période.
Au VIe millénaire, l'apparition de bâtiments exceptionnels – demeure de chef, maison commune, sanctuaire – est certainement liée au développement de l'agriculture. Mais à cette époque la néolithisation est achevée, ou en voie de l'être, au Proche-Orient.
De nouveaux éléments culturels
Plus probante est l'apparition de nouveaux éléments culturels, dont le rôle pourrait être essentiel dans la naissance du néolithique.
Les hommes du paléolithique montraient déjà un sens religieux tout entier tourné vers la nature, et qui ne semble pas faire référence à des divinités. On pouvait exalter, comme en Europe occidentale dans l'art pariétal (ou rupestre), des couples animaux (cheval-renne ; aurochs-bison) sans qu'il y ait de dieu animal. La représentation humaine était rare, à l'exception des vénus, statuettes en ivoire ou en pierre tendre du paléolithique supérieur.
Mais au Proche-Orient apparaissent vers − 8000 des statuettes représentant surtout des femmes et des taureaux, à un moment où l'agriculture en est à ses premiers balbutiements et où la céramique est absente. À Mureybet (Syrie), où l'élevage n'apparaît que vers − 7000, des crânes de taureaux sauvages sont scellés dans les murs des maisons.
La relation entre la femme et le taureau, c'est-à-dire l'alliance de la fécondité et de la force, ne constituerait sans doute pas les prémices idéologiques de l'agriculture et de l'élevage ; ce thème est en effet partout présent au Proche-Orient, dans des contextes culturels différents, et l'une de ses représentations les plus spectaculaires est la femme de Çatal Höyük accouchant sur un trône, entourée de panthères ; liée aussi au taureau, elle symbolise la vie et la mort, la bienveillance et la destruction. Ce thème sera classique en Mésopotamie et en Grèce préhellénique.
Les communautés néolithiques – premières sociétés paysannes – ont développé des idées religieuses orientées vers les préoccupations agraires : culte de la fertilité et de la régénération annuelle de la végétation, culte des morts et de l'identité communautaire dans le terroir. Ce sont là les origines des religions modernes.
Les causes et les mécanismes de la néolithisation
La néolithisation est-elle d'origine économique, sociale ou culturelle ? Longtemps les historiens ont cru que l'invention de l'agriculture et de l'élevage définissait le phénomène, mais on sait aujourd'hui qu'il n'en est rien.
La théorie des oasis
Selon cette théorie, l'origine de la néolithisation, au Proche-Orient, serait à rechercher dans une oscillation climatique aride qui aurait contraint les animaux et les hommes à se rapprocher de l'eau.
La domestication aurait été facilitée par ce côtoiement. Il s'agirait donc d'une pression écologique négative, conduisant à une économie nouvelle. Cette théorie n'a pas été confirmée par les faits, puisque les conditions climatiques étaient bonnes à l'époque et que les premières manifestations de la néolithisation n'ont pas été économiques, mais sociales et culturelles.
Les activités économiques
La sédentarisation ainsi que de nouveaux comportements intellectuels ont largement précédé l'agriculture et l'élevage. Cela est valable tant au Proche-Orient qu'au Japon et au Sahara. Les nouvelles activités économiques seraient donc plutôt une conséquence de la néolithisation. Elle serait en outre à la base de l'apparition progressive de l'agriculture et de l'élevage, de la familiarité toujours plus grande des hommes avec les plantes et les animaux, qui a conduit à de nouveaux rapports avec la nature.
Les facteurs sociaux et culturels
La sédentarisation, antérieure au néolithique, est fondamentale puisqu'elle débute dans un milieu où le mode de vie est fondé sur la chasse et la cueillette. Mais la croissance démographique ne va jouer un rôle essentiel que lorsque la néolithisation est pleinement engagée – c'est-à-dire au moment où une initiative humaine décide de consacrer un maximum d'énergie à certaines plantes (céréales, légumineuses) et à certains animaux (chèvre, mouton, porc, bœuf).
Les sociétés de chasseurs-cueilleurs, tout comme les premières sociétés paysannes, sont égalitaires, et quand les tensions internes deviennent trop fortes, le groupe essaime.
Or, au Proche-Orient, cela ne se produit pas ; le groupe a trouvé une solution aux éventuelles contradictions en créant de nouveaux rapports sociaux, et l'exploitation du milieu naturel par le biais de l'agriculture serait une de ces réponses.
La possible domination de la nature par l'homme
L'économie néolithique conduit à la division du travail et à l'économie de production ; cette mutation va progressivement modifier l'organisation sociale du groupe. D'ailleurs, l'évolution de la maison, qui de la case ronde passe à la maison rectangulaire à plan complexe et celle du village, qui évolue vers un groupe de maisons identiques et une hiérarchisation de l'habitat, épouse celle de l'économie.
L'importance du changement culturel se produisant au Proche-Orient, dans un milieu favorable, vers − 8000, est indéniable. La néolithisation aurait pour origine une initiative réfléchie de l'homme de la fin du paléolithique, qui prend peu à peu conscience de ses capacités à dominer la nature, alors même que celle-ci est sans doute encore capable de le nourrir, malgré un début de croissance démographique. Le changement de cap religieux, bien cerné au Proche-Orient, est la plus claire illustration du rôle de ces multiples facteurs spirituels.
Un phénomène lent et souvent partiel
Chacun des motifs évoqués peut être considéré comme une cause et une conséquence des mécanismes de la néolithisation. L'archéologie montre que celle-ci a été lente et souvent partielle : l'homme a pris ce qui lui convenait en manipulant les milieux végétal et animal par une succession de choix opportunistes.
Quelques exemples sont particulièrement probants : la céramique est bien plus ancienne au Japon et au Sahara central qu'au Proche-Orient ; au Japon comme au Sahara, l'agriculture est très nettement postérieure à la céramique, alors que c'est le contraire au Proche-Orient et en Amérique ; dans la vallée du Nil et au Sahara égyptien, l'élevage est antérieur à l'agriculture.
La chronologie de la néolithisation (invention, puis diffusion) illustre l'impossibilité de définir un processus unique d'apparition du néolithique.
Les centres de néolithisation
Si le natoufien n'est pas la première phase de la néolithisation au Proche-Orient, il présente déjà certains éléments caractéristiques, notamment l'habitat et le matériel de broyage.
Un peu plus tard apparaissent la pointe de flèche (transformation de la chasse) et les premières figurines féminines (nouveauté idéologique).
Au néolithique précéramique naissent les principaux éléments de la néolithisation dans trois régions : la plaine de Damas, le moyen Euphrate et la vallée du Jourdain.
À Mureybet, vers − 8000, il existe un village de maisons rondes accolées les unes aux autres, avec des toits en terrasse. L'agriculture n'est pas encore pratiquée, mais les céréales sauvages sont déjà utilisées. Seuls les gros mammifères sont chassés, et la pêche n'est plus pratiquée. La stratégie alimentaire diffère donc de celle du natoufien, où le milieu était exploité de manière indifférenciée.
À Tell Aswad, près de Damas, une véritable agriculture (blé, pois, lentilles, orge) existe dès − 7800, alors que le blé sauvage ne pousse pas autour du village, ce qui démontre une invention extérieure. Dans la région, l'agriculture (− 8000 à − 7000) est donc antérieure à l'élevage (− 7000 à − 6000), sauf au Zagros.
La céramique se généralise vers − 6000, alors que la néolithisation est achevée, même si certains groupes sont moins avancés que d'autres.
Le Sahara égyptien
Les habitants de la vallée du Nil, vers − 10 000, sont des chasseurs-cueilleurs. À l'époque, le Sahara, où s'achève une longue période aride, est vide ; il commence à se peupler vers −8000, à partir de la vallée, où la néolithisation débute, vers − 7000, par l'élevage bovin.
L'agriculture (blé, orge) n'apparaît que vers − 6100. Des villages sont attestés à la même époque. Dans la vallée, en retard par rapport au Sahara, l'agriculture n'apparaît pas avant − 4000.
L'économie de production et les nouvelles structures sociales y ont été le fait, au moins en partie, des pasteurs du désert occidental, contraints de quitter le Sahara en voie de désertification.
Le Sahara central
Dans les montagnes du Sahara central s'installe, vers − 7500, un centre autonome de néolithisation. La céramique, le matériel de broyage, la hache polie et l'arc y sont déjà présents, ce qui implique une origine plus ancienne. La chasse, la pêche et la cueillette sont les activités principales. L'agriculture pourrait débuter dès cette époque, en revanche, l'élevage n'apparaît pas avant le Ve millénaire. Mais on ignore s'il s'agit d'une domestication locale – le bœuf sauvage existe, mais pas la chèvre, ni le mouton – ou d'une importation en provenance du Sahara oriental.
L'Afrique du Nord et le reste du Sahara connaîtront une néolithisation progressive, qui sera plus tardive au Sahel. Plus au sud, il existe d'autres foyers de néolithisation, en particulier autour du golfe de Guinée et au Soudan. L'Afrique australe et orientale ne connaîtra l'agriculture et surtout l'élevage que vers le début de notre ère, en même temps que le métal.
L'Europe
La néolithisation de l'Europe, de la Grèce à l'Atlantique, est liée à une diffusion d'idées et à une colonisation. Dans le premier cas, il y a acculturation progressive de groupes qui perdent lentement leur identité ; dans le second cas, les colons néolithiques réduisent, sous la pression démographique, les territoires des derniers chasseurs.
L'idée d'une colonisation-invasion massive et rapide n'a plus cours aujourd'hui ; l'acquisition des caractères du néolithique ne s'est pas faite d'un bloc, et les échanges entre premiers fermiers et derniers chasseurs ont dû être nombreux. Ainsi, dans le midi de la France, le mouton est présent avant la poterie et l'agriculture. Ailleurs, la céramique a parfois précédé les nouvelles activités économiques.
Quoi qu'il en soit, l'apparition de l'agriculture et de l'élevage marque en Europe un retard sur la néolithisation au Proche-Orient ; il faudra plusieurs millénaires avant que les îles Britanniques et la Scandinavie ne soient touchées. Cela représente une lente migration des idées et des hommes, d'environ 25 km par génération, selon deux axes – l'un méditerranéen, l'autre danubien – et qui a réduit peu à peu la part des derniers chasseurs, avant leur disparition définitive.
Le premier néolithique européen comprend donc une société égalitaire, peu différenciée, et une agriculture itinérante.
Le néolithique ancien de la Méditerranée occidentale est caractérisé par sa céramique cardiale. Les influences néolithiques ont longé les côtes, acculturant peu à peu les groupes de chasseurs. La progression se poursuit le long de l'Atlantique jusqu'à la Vendée. La colonisation a probablement été moins importante que la diffusion des idées dans des groupes pratiquant de manière intensive la chasse et la récolte des légumineuses.
L'économie s'adapte aux biotopes méditerranéens, qu'elle dégrade rapidement. L'agriculture débute vers − 4900 en Provence, mais l'élevage du mouton est présent sur le littoral français dès − 6000.
L'Extrême-Orient
La Chine a vécu une néolithisation précoce, encore mal connue. Cette immense région possède une grande variété de climats, qui a permis toutes les combinaisons d'expériences. La Chine du Nord, autour de la vallée du fleuve Jaune, a cultivé le millet dès − 5500. Le porc, la poule, le chien sont domestiqués ; par contre, le bœuf et le mouton ne jouent qu'un rôle mineur. Au sud, la culture du riz est presque aussi ancienne : le village de Hemudu est daté de − 5000 à − 4700 environ.
La néolithisation s'étend, au Japon, sur une très grande période. Dès − 10 000, les chasseurs-cueilleurs se sédentarisent et fabriquent la poterie la plus ancienne du monde.
L'outillage lithique comprend, outre une tradition paléolithique, la hache polie, le matériel de broyage, l'hameçon et le poids de filet. L'arc date de − 9000, au moment où le microlithe est abandonné. Les premières cultures (sarrasin, courge, légumineuses, mûrier) datent de − 4600.
Les espèces domestiques ont été importées de Chine, ainsi que le riz, cultivé vers − 1400 seulement.
Les Amériques
La néolithisation y est un phénomène parfaitement autonome. Les milieux écologiques y sont encore plus variés que dans l'Ancien Monde. Ainsi, au Pérou, la domestication des plantes débute sur les hautes terres avec le haricot et la courge. Le maïs apparaît vers − 5500, la pomme de terre plus tard encore ; la domestication de l'alpaga et du lama se fait vers − 4500 et va jouer un rôle essentiel.
Mais, dans un premier temps, le mode de vie ne change guère : les hommes continuent à suivre les déplacements saisonniers des animaux. Sur le littoral, la sédentarisation est antérieure à l'économie néolithique ; l'économie agropastorale ne prédomine que vers − 2500. La céramique, qui apparaît à cette époque, joue un rôle plus modeste que dans l'Ancien Monde.
Au Mexique, la culture du maïs débute vers − 5700, et le coton est connu vers − 5000. Cependant, dans le bassin de Mexico, où les ressources naturelles sont accessibles toute l'année dans une même zone, la sédentarité date de − 6000, et précède largement l'agriculture.
Aux origines du monde actuel
La néolithisation se produit dans diverses régions du globe : Proche-Orient, Extrême-Orient, Sahara, Amériques. Des centres secondaires ont existé, à des époques très variées, et ont pu bénéficier d'expériences antérieures.
La néolithisation, qui s'étend sur des milliers d'années, est à la fois l'invention du néolithique et sa diffusion. Ce terme désigne en fait un niveau dans l'évolution de la société humaine, malgré les écarts chronologiques et la variété des formes. On comprend qu'il ne puisse être univoque, comme le montre l'importance des caractères partiels réversibles (première invention de la poterie sans lendemain au Proche-Orient, vers − 8000) ou atypiques, par exemple la disparition du néolithique au Sahara pour une raison de même nature que celle qui a provoqué son apparition : une crise climatique, humide au début et aride à la fin.
Mais le résultat de la néolithisation est identique : la croissance économique et démographique ainsi que les processus mentaux ont entraîné des modes de vie et des besoins nouveaux. Deux facteurs sont essentiels : l'un matériel – l'économie de production –, l'autre mental – le souci constant d'innover qui anime l'homme et qui fait suite à sa volonté de se situer désormais au centre de la nature, et non plus immergé en elle.
Le mouvement est allé en s'accélérant : l'invention de la ville, de l'État, de l'écriture, des grandes religions, de la guerre et de la métallurgie en découle directement. Enfin, la néolithisation a provoqué la première crise écologique de la Terre : la déforestation, attestée très tôt par l'archéologie, conduisit à une dégradation des sols dans nombre de régions, et à des modifications climatiques encore mal évaluées.
La néolithisation a-t-elle été une « révolution », comme l'a écrit le préhistorien britannique Gordon Childe ? Le terme a été encensé, puis banni. Mais les transformations ont véritablement été radicales, même si elles ont pris dans certains cas des millénaires – ce qui, tout compte fait, n'est qu'un bref instant à l'échelle des temps préhistoriques (→ préhistoire).
Après la fin de la dernière glaciation, celle de Würm, une multitude d'inventions techniques et de comportements nouveaux ont provoqué une rupture définitive entre l'homme du paléolithique et celui du néolithique, même si le mode de vie antérieur ne disparaît pas totalement. La rupture est en fait celle de l'homme avec la nature, dans laquelle il se fondait jusque-là.