Grèce : histoire de la Grèce antique
Résumé Si le relief morcelé ne compartimentait pas véritablement la Grèce, il s'opposait du moins à une circulation aisée ; en outre, la multiplication des « pays naturels », souvent minuscules, ne pouvait que renforcer le particularisme des cités.
xxie s. avant J.-C.-xiie s. avant J.-C. Après l’installation des premiers peuples indo-européens autour de l’an 2000 avant J.-C., la formation de la Grèce connaît une autre étape fondatrice avec la destruction de la civilisation mycénienne (→ art mycénien) et l’invasion dite « dorienne » vers le xiiesiècle (→ Doriens). xiie -ve s. avant J.-C. L'arrivée de ces « peuples de la mer » a notamment pour conséquence d’importants déplacements de populations vers l’Asie Mineure (→ Anatolie) ; c'est là sans doute (dans cette région à l'est de la mer Égée, et qui appartient aujourd'hui à la Turquie) que naissent les premières cités, embryons d'un système politique caractéristique. Ainsi, du viiie s. au vie s. avant J.-C., un vaste mouvement de colonisation entraîne la fondation de cités grecques sur le pourtour de la Méditerranée et des mers annexes, du Pont-Euxin (mer Noire) à l'est, jusqu'à ce qui est aujourd'hui l'Espagne à l'ouest. C'est seulement au vie s. qu'Athènes devient, et pendant deux siècles, le berceau de la démocratie, qui atteint son apogée au milieu du ves. sous Périclès. ive-iiie s. avant J.-C. Tandis qu’Athènes, après avoir imposé son hégémonie, est soumise par l’État aristocratique de Sparte (→ guerre du Péloponnèse), les cités grecques entrent en crise dès le ives., tombant sous la coupe de la monarchie macédonienne. iiie avant J.-C.-ive s. après J.-C. Après s’en être libérée en s’alliant aux Romains à la fin du iiiesiècle (→ Rome), la Grèce doit se soumettre à ces derniers jusqu’à son inclusion dans l’Empire byzantin.
Le sol ne permettait qu'une agriculture difficile : vigne et olivier prospéraient, mais toujours il fallut importer du blé, et cette nécessité fut une donnée constante de la politique des cités. Quant aux ressources du sous-sol, elles étaient médiocres.
Ainsi, les exigences économiques poussèrent les Grecs vers une mer toute proche, quoique redoutable. La Grèce antique, limitée par la mer Égée, l'Olympe et le golfe d'Ambracie, privée donc de la Macédoine et de l'Épire, intégrant difficilement la Thessalie, boisée et terrienne, avait une étendue inférieure de moitié à celle de la Grèce actuelle. Mais, très tôt, son rayonnement dépassa ces bornes étroites.
Dès les temps très anciens, des civilisations voisines régnaient sur les deux rives de la mer Égée. Par la suite, diverses phases de colonisation gagnèrent au monde grec la Sicile, l'Italie du Sud (→ Grande-Grèce) et la plus grande partie du pourtour de la Méditerranée – ce qui, du moins, ne relevait pas de la puissance phénicienne puis carthaginoise –, tandis que les pays voisins (Épire, Macédoine) s'intégraient progressivement à la civilisation hellénique (du grec Hellen, le mot « grec » est d'origine romaine).
Enfin, les monarchies hellénistiques, nées du démembrement de l'Empire d'Alexandre, renforcèrent l'hellénisation, que la conquête romaine étendit à tout l'Empire romain.
1. Premiers peuplements
Les premiers établissements humains connus remontent à près de 40 000 ans avant notre ère (en Épire, par exemple), mais peu d'établissements ont eu une occupation continue.
Les habitats restent rares au paléolithique. Le passage au néolithique s'accomplit entre le Ve et le IIIe millénaire, avec quelque retard par rapport à l'Orient.
1.1. Achéens
Au tournant des IIIe et IIe millénaires, les hommes, dans lesquels on s'accorde à reconnaître les premiers Grecs, arrivent des steppes situées entre mer Caspienne et mer Noire, ou des hauts plateaux anatoliens. Leur langue (encore parlée 34 siècles plus tard sous la forme évoluée du grec moderne) se rattache, sans contestation possible, à celle des Indo-Européens.
Pour en savoir plus, voir l'article Achéens.
1.2. Éoliens, Ioniens
Sous l'influence de grands courants migratoires, les sites se multiplient (notamment en Thessalie). La civilisation reste agricole et pastorale, la diffusion de l'obsidienne, que fournissait seule l'île de Milo, prouvant néanmoins que les relations maritimes étaient importantes dans les îles des Cyclades.
Vers l'an 3000 avant J.-C., d'autres envahisseurs auraient introduit l'usage du métal, colonisant les Cyclades. La société semble fonder sa hiérarchie : la découverte d'armes, d'objets décoratifs réservés à une élite implique l'existence d'une caste aristocratique.
L'époque dite de l'helladique ancien (2600-1950 avant J.-C.) est marquée par une certaine expansion démographique. Certains sites (en Argolide) sont détruits, une poterie dite minyenne apparaît, ainsi que de nouvelles pratiques funéraires (tombes à « ciste »).
Difficiles à distinguer les uns des autres, Achéens, Éoliens, Ioniens forment alors les premiers peuples de la Grèce qui vont supplanter la civilisation crétoise avant l'arrivée des Doriens.
2. La civilisation mycénienne (2000-1100 avant J.-C.)
2.1. Le rayonnement crétois
Au début du IIe millénaire, le monde autour de la mer Égée est dominé par la Crète qui connaît une brillante civilisation dite « minoenne » (de Minos, souverain légendaire de la Crète). De leurs palais, les rois centralisent l'activité économique de leurs terroirs grâce à leur maîtrise de l'écriture ; leurs flottes sillonnent les mers, exportant en Égypte, en Syrie, et jusqu'aux îles Lipari des objets d'un art remarquable.
À partir du xvie s. avant J.-C., à Troie comme à Chypre, ou encore dans le Péloponnèse (→ Mycènes) se développent des centres de civilisation.
Au milieu du xve s. avant J.-C., les palais crétois sont détruits (sauf Cnossos) et les Mycéniens s'installent dans l'île, apprenant à écrire le grec selon un système syllabique.
Pour en savoir plus, voir les articles Crète, minoen.
2.2. De l'apogée au déclin
En Grèce proprement dite, de puissants royaumes s'organisent : dans le Péloponnèse, à Mycènes, Tirynthe, Pylos ; en Béotie, à Gla. Bien que chaque centre paraisse avoir eu une existence indépendante, le monde mycénien forme un tout. Sa remarquable unité économique est mise en évidence, en particulier, par la diffusion d'une rive à l'autre de la Méditerranée (de Rhodes, Milet, Chypre aux futures cités de Tarente et Sybaris dans le sud de l'Italie actuelle) d'une céramique « mycénienne ». L'ambre, l'obsidienne, l'étain et le cuivre – échangés contre les surplus de l'agriculture – faisaient l'objet d'un commerce à longue distance.
Pour en savoir plus, voir l'article art mycénien.
Le monde mycénien se désagrège lentement, une vague de destructions atteint la majorité des palais dès la fin du xiiie siècle avant J.-C. et provoque des migrations vers les îles du Dodécanèse et vers Chypre.
Invasions (→ Doriens, Peuples de la mer), conflits internes, catastrophes naturelles sont autant d'hypothèses qui expliqueraient la disparition de cette civilisation. La désintégration culturelle est accélérée par de nouvelles et graves destructions vers 1125-1100. L'unité du monde mycénien est rompue, et sa dynamique de croissance stoppée ; la Grèce n'est plus qu'un agrégat de petites entités disparates, affaiblies et repliées sur elles-mêmes.
3. Le Moyen Âge hellénique (du xiie au viiie s. avant J.-C.)
L'invasion dorienne ouvre une période obscure, connue surtout par les textes d'Homère et d'Hésiode. Les xiie et xie s. avant J.-C. montrent l'ampleur des changements. L'extrême dépopulation est encore accrue par de nouvelles migrations vers les côtes occidentales de l'Asie Mineure ; selon les calculs généralement admis des historiens, la Grèce pourrait avoir perdu alors les trois quarts de ses habitants.
Pendant cette période de recul, ces populations, si démunies qu'elles soient, innovent sur le plan technique. La céramique (maîtrisée surtout à Athènes et à Argos) utilise un tour plus rapide, la brosse multiple et le compas. De plus, les Grecs travaillent désormais le fer – resté très rare à l'époque mycénienne –, mais qui, dès le xie siècle, devient prépondérant.
Les populations subissent également de profondes mutations dans leur mode de vie (passage de l'agriculture à une économie plus largement pastorale) et dans leurs attitudes face à la mort : la crémation tend à devenir la règle, on n'inhume plus que les enfants et, peut-être, les gens sans importance. Ce sont ces populations qui jettent les bases de la nouvelle société grecque : celle de la cité.
3.1. La naissance des cités
C'est en Asie Mineure sans doute que se sont façonnées progressivement les nouveautés qui caractérisent l'hellénisme (c'est-à-dire la civilisation grecque antique). Les petites communautés, que l'invasion dorienne a dispersées, se regroupent selon des modes peu connus, en cités (polis) comprenant une agglomération urbaine et un territoire rural (khôra). La polis archaïque naît donc de la réunion (→ synœcisme) de villages suffisamment proches les uns des autres pour tirer parti d'une citadelle commune.
Déjà, dans ces unités politiques minuscules, des groupes sociaux se différencient : aux nobles, compagnons et pairs du principal d'entre eux (le basileus, roi) appartiennent la terre et ses troupeaux, unique source de richesse, et l'entrée au conseil du roi ; les petits paysans et les démiurges de métier artisanal ou libéral ne sont que de muets figurants dans l'assemblée, purement consultative, de l'agora ; les thêtes, journaliers misérables, et les esclaves sont exclus de la vie politique et de l'armée.
La tradition grecque donne la date des premiers jeux Olympiques (776) comme marquant le début du fonctionnement normal des cités, et c'est effectivement dès la première moitié du viiie siècle avant J.-C. que s'organisent ces États qui, si primitifs soient-ils, témoignent déjà des fonctions embryonnaires de la cité.
En effet, dès ses débuts, la cité grecque possède ses caractéristiques propres : une prééminence reconnue du facteur politique, un partage des responsabilités entre les citoyens, plus ou moins égaux devant les instances délibératives et exécutives de l'État ; et par conséquent l'accès aux charges et aux honneurs de la cité. Les Grecs, par opposition au reste du monde ancien, ont pleine conscience de l'unité profonde d'un système qui reste original dans l'histoire.
3.2. Religion
Une civilisation commune s'étend sur l'émiettement territorial.
Peu à peu, elle a unifié les divinités primitives et dans une conception qui mêle le monde des dieux et la société des hommes, le panthéon hellénique hiérarchise des dieux aux attributions diverses. Hors de la péninsule, les groupes grecs tendent vers une cohésion religieuse (culte d'Apollon Délien pour les Ioniens insulaires, sanctuaires ionien du cap Mycale et dorien de Cnide).
La religion entre dans le processus de structuration de la communauté (entre 900 et 800 avant J.-C.) et les offrandes commencent à affluer sur le site des futurs grands centres religieux de la Grèce : ceux de Samos, de Pérachora et d'Argos (voués à Héra) ; ceux d'Érétrie en Eubée, de Thermon en Étolie, de Délos et de Delphes (voués à Apollon), mais aussi d'Olympie et de Dodone (voués à Zeus) sont parmi les plus anciens sanctuaires.
Le développement de ces cultes communs – qui deviennent bientôt ceux de la divinité protectrice de la cité – traduit bien le progrès de l'idée communautaire.
Pour en savoir plus, voir les articles mythologie grecque, religions de la Grèce antique.
3.3. Écriture
L'écriture alphabétique est acquise par les Grecs pendant cette même période. Empruntée aux Phéniciens, elle modifie profondément les « fonctions de la mémoire » dans la cité. L'écriture accompagne et facilite la formation de l'État et le développement de ses institutions : un des textes de décret les plus archaïques qui ait été conservé (viie s.) provient de Drêros, en Crète ; il porte déjà la formule « la cité a décidé ».
Pour en savoir plus, voir les articles écriture, grec.
4. Les temps archaïques (du viiie au début du ve s. avant J.-C.)
4.1. Des mutations socio-économiques et politiques
Au cours de cette époque « archaïque », dont le nom, emprunté à l'archéologie, évoque les prémices de l'art grec, la vie rurale et patriarcale primitive évolue en une économie plus diversifiée. Cette transformation sociale s'accompagne d'un changement politique : à la royauté telle que l'évoquent les œuvres d'Homère se substitue un régime aristocratique, suivi parfois d'une victoire de la démocratie sur l'oligarchie.
Les cités d'Asie Mineure connaissent les premières cette évolution. Dès le viiie s. avant J.-C., dans cette région, l'aristocratie confisque le pouvoir, le plus souvent par un démembrement progressif des prérogatives royales, devenues des magistratures annuelles (archonte, roi et polémarque à Athènes au début du viie s.). La boulê, l'ancien conseil de l'époque royale, formée désormais de magistrats libérés de leur charge, dirige la cité sans véritable contrôle de l'assemblée du peuple, l'ecclésia (ekklêsia). Ainsi, une minorité de privilégiés par la naissance et la fortune – les eupatrides – possèdent la terre et l'autorité.
4.2. La colonisation grecque autour de la Méditerranée
Du viiie au vie s. avant J.-C., un vaste mouvement de colonisation entraîne la fondation de cités grecques sur le pourtour de la Méditerranée et des mers annexes, du Pont-Euxin (mer Noire) jusqu'à ce qui est aujourd'hui l'Espagne.
Cette émigration est d'abord provoquée par des crises agraires qui s'accompagnent de troubles sociaux, puis par le désir d'établir des liens commerciaux nouveaux. Ainsi, la cité de Milet essaime sur les côtes de la Propontide (mer de Marmara) et du Pont-Euxin, et Massalia (→ Marseille) multiplie les postes d'échanges sur la côte gauloise et même vers l'intérieur des terres à proximité du Rhône, en plein pays barbare.
La colonisation grecque, en modifiant les rapports économiques traditionnels, provoque dans les cités oligarchiques un double mécontentement : des non-nobles, enrichis par le commerce et l'artisanat, réclament des droits politiques, tandis que les journaliers – les petits paysans, ruinés par l'arrivée massive de blé à bas prix, obligés d'abandonner leurs terres à leurs créanciers – désirent une révolution sociale.
4.3. Les premières réformes
Des législateurs, tels Solon à Athènes et Pittacos à Mytilène (début du vie s. avant J.-C.), chargés d'arbitrer les conflits, rédigent des lois écrites, désormais applicables à tous (nomoi). L'insuffisance de ces réformes fait naître une formule politique nouvelle, toute transitoire : dans nombre de cités, un tyran se voit confier toute autorité dans la cité.
Ces régimes tyranniques permettent souvent, notamment à Athènes, où Pisistrate gouverne en « bon citoyen », de rendre au groupe social son équilibre. Mais ils ne résistent pas toujours aux problèmes des successions, ni aux efforts de l'aristocratie et surtout à la volonté des citoyens de prendre enfin leurs responsabilités politiques, comme à Athènes avec la révolution de Clisthène en 510.
Les institutions qui se sont bâties au cours de l'époque archaïque et la cohésion de la cité ont l'occasion de manifester leur valeur lors des guerres médiques contre les Perses (490-479). À Marathon (490 avant J.-C.), l'hoplite athénien montre que la cité est la force de l'esprit de corps. À Salamine (480), on la voit capable d'utiliser la totalité de ses ressources humaines pour vaincre : même les plus pauvres des citoyens libres mais non propriétaires (thêtes) servent sur les trières (vaisseaux de guerre) et accèdent ainsi à une dignité nouvelle.
5. La primauté spirituelle d'Athènes (479-431 avant J.-C.)
5.1. La ligue de Délos
L'Athénien Aristide conclut, avec la plupart des cités des îles de l'Ionie et de l'Hellespont (détroit des Dardanelles), une alliance, dite ligue de Délos (ou première Confédération athénienne), qui se propose d'arracher toute la Grèce d'Asie au joug perse (477). La ligue, dont le siège administratif est Délos, respecte l'autonomie des cités, mais elle confie la présidence du conseil fédéral et la direction des opérations à Athènes. Les alliés, sous le commandement de Cimon, achèvent, par la victoire de l'Eurymédon (468), la libération de l'Égée, que consacre la paix de Callias, conclue entre Athènes et les Perses, et qui met fin aux guerres médiques (449).
Entre-temps, la Confédération s'est transformée en un « empire » dominé par Athènes, qui perçoit à son profit le tribut (phoros) sur les alliés et qui multiplie sur leur sol les clérouquies, groupes d'Athéniens expatriés pour contrôler ces cités étrangères.
En outre, sous la pression populaire, Athènes cherche à étendre son hégémonie politique sur toute la Grèce, malgré Corinthe et la ligue Péloponnésienne de Sparte.
Après 454, l'« impérialisme armé » d'Athènes est mis en échec, et la paix de Trente Ans (446) reconnaît la coexistence des ligues athénienne et Péloponnésienne, partageant ainsi la Grèce en deux zones d'influence.
5.2. La splendeur d’Athènes sous Périclès
Cette paix ne sera qu'une trêve, mais elle permet l'épanouissement de la civilisation classique dans l'Athènes de Périclès. Pendant une brève période (446-431), l'hellénisme atteint à Athènes un développement qui constitue l'apogée de la civilisation grecque.
Athènes, en effet, par la splendeur de ses monuments, par sa fécondité intellectuelle, surpasse toutes les autres cités ; ouvrant les magistratures à tous les citoyens, indemnisant les serviteurs de l'État, elle s'identifie à la démocratie triomphante. Et, cependant, malgré ce rayonnement spirituel, malgré l'activité maritime, Périclès ne pourra réaliser l'unité spirituelle et économique de la Grèce dont il rêvait sans doute.
Pour en savoir plus, voir l'article Athènes.
6. Les luttes pour l'hégémonie (431-359 avant J.-C.)
6.1. La guerre du Péloponnèse
Les luttes se font alors plus confuses encore et quasi continuelles, les rêves d'hégémonie des grandes cités s'opposant au désir d'autonomie et de liberté des petites.
La ligue de Délos, groupant par la contrainte les îles et les côtes de la mer Égée, s'oppose à la ligue Péloponnésienne de Sparte, qui s'étend également à la Grèce centrale ; cette guerre du Péloponnèse (431-404) met aux prises un État démocratique et maritime et un État aristocratique et continental.
La stratégie de Périclès est mise en échec ; des milliers d'Athéniens réfugiés dans leur cité sont frappés par la peste. Les armées ennemies ravagent la campagne attique. Toute la classe sociale des petits propriétaires exploitants est ruinée.
Après le désastre de l'expédition de Sicile voulue par le stratège athénien Alcibiade (415-413), la ligue de Délos se disloque. La victoire du Spartiate Lysandre, allié à la Perse, sur le fleuve Aigos-Potamos (405) contraint Athènes à accepter la paix de 404, qui la dépouille de ses fortifications, de sa flotte et de ses possessions, et la lie à Sparte par une alliance.
6.2. La domination spartiate
Sparte (également appelée Lacédémone), qui prétend « libérer » la Grèce de la tyrannie athénienne, ne fait que lui substituer sa propre hégémonie. Tiraillée entre l'alliance perse, qui lui fournit les indispensables dariques (monnaie d'or des Achéménides), et la protection des Grecs d'Asie, Sparte livre à la Perse d'Artaxerxès II les cités d'Asie Mineure par la paix d'Antalcidas (dite « Paix du roi »), qui assure par ailleurs sa primauté en Grèce proprement dite (386) ; ainsi, le Grand Roi – le souverain de la Perse –, cent ans après sa défaite (→ guerres médiques), dicte sa politique à la Grèce.
Mais Athènes et Thèbes se rapprochent (379), et la victoire thébaine du général Épaminondas à Leuctres (371) met fin à l'hégémonie spartiate.
6.3. Alliances et luttes intestines
Thèbes s'efforce à son tour d'établir son emprise sur la Grèce continentale. Athènes reconstitue sa confédération (→ seconde Confédération athénienne). Thèbes multiplie ses interventions dans toute la Grèce et s'allie à son tour à la Perse, provoquant ainsi le rapprochement de Sparte et d'Athènes (369). Victorieuse à Mantinée (362), Thèbes doit cependant renoncer à ses prétentions dans le Péloponnèse.
Thèbes, Athènes, Sparte : trois alliances sont alors en présence en Grèce ; mais cet « équilibre » fragile reflète l'épuisement d'une Grèce ravagée par des guerres continuelles, incapable de s'unir et à la merci d'un conquérant étranger.
6.4. La crise de la cité au ive siècle avant J.-C.
La plupart des cités grecques connaissent, au ive s., des crises. Sont affectées les cités aristocratiques, comme Sparte, qui évoluent vers une ploutocratie de plus en plus insolente, où les détenteurs des richesses accaparent le pouvoir. Mais aussi les cités démocratiques, comme Athènes, qui, après de brefs épisodes où l'autorité est entre les mains de quelques puissants (→ conseil des Quatre-Cents [411], tyrannie des Trente [404-403]), tombe dans une démagogie sans cesse plus impuissante.
Les cités sont agitées par des conflits sociaux, conséquences des guerres. À une minorité de riches commerçants, de manufacturiers et de gros propriétaires s'oppose le peuple misérable (dêmos), entretenu par l'État en régime démocratique mais concurrencé dans son travail par les esclaves. La pauvreté et les désordres politiques alimentent les bandes de mercenaires à la recherche d'un engagement.
Tous les philosophes – Isocrate, Xénophon, Platon – sentent la nécessité de réformer la cité. Les expériences des tyrans de Sicile éveillent des sympathies en Grèce.
Autre phénomène « dangereux » pour la cité, le développement de l'individualisme : l'individu réclame ses droits et sa liberté contre la loi civique. Le procès de Socrate traduit le trouble ainsi engendré, la pensée socratique affirmant l'indépendance de l'individu à l'égard de la cité.
La même insatisfaction s'exprime dans la religion. Les cultes traditionnels paraissent insuffisants ou inopérants ; on a recours aux pratiques magiques et superstitieuses, et le culte consolateur d'Asclépios trouve de nouveaux fidèles. L'individu, en lutte contre le cadre traditionnel de la cité, recherche d'autres communautés ; ainsi prospèrent les anciennes confréries, de caractère plus ou moins secret (→ hétairies aristocratiques ou thiases dionysiaques, de recrutement populaire).
Menacée de l'intérieur, la cité l'est également de l'extérieur. Le monde grec sent sa faillite politique et supporte mal l'humiliation de la paix d'Antalcidas négociée avec les Perses. Les orateurs, Isocrate notamment, prêchent la nécessité de l'union, et l'échec des anciennes alliances fait penser que seul un roi peut regrouper les forces vives de l'hellénisme.
7. L'intervention de Philippe de Macédoine (359-336 avant J.-C.)
Philippe II de Macédoine a fait de son royaume au nord de la Grèce une monarchie centralisée, le dotant de solides moyens d'action : formations armées (phalange), corps du génie, exploitation des mines d'or du mont Pangée. Il sait utiliser les discordes des cités pour intervenir en Grèce, sous le couvert de la guerre sacrée qui troublait la Phocide (autour de Delphes) [356-353]. Partout où il s'avance – en Thrace, en Chersonèse et en Chalcidique –, il se heurte à des établissements athéniens ; mais la cité, éprise de paix, néglige le danger qui menace son ravitaillement et son indépendance.
7.1. Démosthène et la défense d'Athènes
Après la paix de Philocratès (346), Philippe tient, outre le nord de la Grèce, des positions en Grèce centrale et il dispose des deux voix jadis possédées par les Phocidiens au conseil de Delphes. Dès lors, le conflit prend l'aspect d'une sorte de lutte entre le roi et l'un des ambassadeurs athéniens, Démosthène, qui doit, en outre, combattre l'inertie et l'égoïsme de ses concitoyens.
Malgré les ambassadeurs athéniens Eschine et Philocratès, acquis au Macédonien, malgré la pacifisme d'Eubule et de ses amis, Démosthène organise la défense d'Athènes. Des fonds sont consacrés à l'armement, et l'on cherche des alliés. Dépassant les vieilles rancunes, Démosthène songe à une alliance avec Thèbes. Mais l'effort de guerre est tardif, et l'alliance n'intervient que lorsque la partie est jouée.
7.2. Fin de l'indépendance des cités grecques
La deuxième guerre sacrée, menée en principe contre les Locriens, permet à Philippe d'envahir la Béotie, que les contingents grecs ne peuvent sauver à Chéronée (338). C'en est fait de l'indépendance des cités grecques. La paix de 338, si elle frappe durement Thèbes, épargne Athènes, qu'elle dépouille cependant de la Chersonèse et de sa confédération.
Philippe convoque à Corinthe – dont la position stratégique et la puissance de la citadelle en font une place clé – un congrès des cités grecques qui fait de lui le maître de la Grèce.
La création de la ligue de Corinthe donne à la Grèce une organisation d'ensemble ; les cités dites « libres » doivent vivre en paix et adhérer à la ligue, dont Philippe est le généralissime (hêgemôn). Pour donner un but à cette union, Philippe se prépare à envahir la Perse, mais il est assassiné avant le départ de l'expédition (336).
Pour en savoir plus, voir l'article Corinthe.
8. Alexandre et l'époque hellénistique (ive-iiie s. avant J.-C.)
Arrivé au pouvoir en 336, Alexandre, le fils de Philippe, reprend la lutte contre la Perse et se lance à la conquête d'un immense Empire ; mais Grèce participe peu à ses campagnes. En 335, il détruit Thèbes qui s'était révoltée et réassure la prépondérance macédonienne. Parti pour l'Asie, Alexandre laisse quelques garnisons en Grèce mais n'occupe pas militairement Athènes.
Pour en savoir plus, voir l'article Alexandre le Grand.
8.1. L’affaiblissement de la tutelle macédonienne
À la mort d'Alexandre (323), la Grèce tente de recouvrer son indépendance ancienne et des cités grecques groupées autour d'Athènes se soulèvent contre les Macédoniens. Cette révolte – la guerre lamiaque – ne peut réaliser l'union des cités et s'achève par la victoire d'Antipatros et une soumission sans condition (322).
La Grèce est ensuite entraînée dans les luttes de succession qui suivent la disparition du Conquérant. Disputée tour à tour (par Antipatros, Cassandre, Démétrios Ier Poliorcète), elle échoit finalement, en 277, avec la Macédoine, à Antigonos Ier Gonatas.
Morcelée, ruinée, la Grèce subit les effets de multiples crises sociales ainsi que ceux d'une grave dépopulation. La domination des rois de Macédoine se manifeste selon divers modes ; parfois ils installent dans les cités un épistate (fonctionnaire) et une garnison, ou ils se contentent de désigner les deux magistrats principaux des cités, ou bien encore ils s'appuient sur un tyran ou sur tel parti politique.
Athènes reste un centre intellectuel ; les philosophes stoïciens et épicuriens en font le siège de leur école.
La résistance la plus efficace à la Macédoine est le fait d'États qui parviennent à placer de grandes régions sous leur autorité :
– la ligue Étolienne (290 ?-189 avant J.-C.), regroupant les cités d'Étolie, en Grèce centrale,
– la ligue Achéenne (280-146 avant J.-C.), rassemblant plusieurs cités du Péloponnèse,
– et Sparte (227-221 avant J.-C.).
Mais aussi d'États qui en arrivent à se faire la guerre entre eux ou à agresser les cités récalcitrantes au combat, soucieuses de préserver avant tout leur autonomie.
8.2. L'affaiblissement des cités grecques
L'équilibre du pouvoir entre les monarchies hellénistiques issues du partage de l'empire d'Alexandre donne à la Grèce un sentiment illusoire d'autonomie vis-à-vis du pouvoir macédonien, mais le pays devient en réalité l'enjeu de leurs rivalités. Ainsi, le mouvement anti-macédonien est particulièrement exploité par l'Égypte.
Ces guerres de libération épuisent les cités grecques qui, tout en conservant leurs structures politiques traditionnelles, se révèlent incapables de mettre en place une cohésion nationale : la tradition républicaine ne survit que sous la forme des fédérations autonomes, telles que les ligues Étolienne et Achéenne.
Tandis qu'elles perdent leur place dans les affaires internationales, les cités grecques sont confrontées à des problèmes sociaux de plus en plus graves. Les conditions qui avaient déclenché la crise du ive s. ressurgissent, aggravées par les guerres incessantes. La richesse se concentre aux mains de quelques-uns, et le marché des exportations se rétrécit du fait de la concurrence des nouvelles communautés gréco-orientales. La seule nouveauté porte sur l'émancipation des esclaves, car leur appui est indispensable pour s'imposer face aux armées mercenaires.
Favorisée par sa position géographique, sa richesse commerciale et son alliance avec l'Égypte, Rhodes est la seule cité grecque de la fin du iiie s. avant J.-C., qui joue encore un rôle actif et indépendant dans le monde égéen.
Pour en savoir plus, voir l'article hellénistique.
9. L'alliance avec Rome et la domination romaine (iiie-ier s. avant J.-C.)
9.1. La fin de l'indépendance grecque
N'arrivant pas à se délivrer seule du joug macédonien, la Grèce s'allie finalement aux Romains.
Le conflit entre Rome et la Macédoine éclate lorsque Rome établit une tête de pont sur l'Adriatique orientale après deux expéditions contre les pirates illyriens (229-228, 219 avant J.-C.) ; il se transforme en véritable guerre (première guerre de Macédoine, 215-205 avant J.-C.) lorsque le roi de Macédoine, Philippe V (qui régne de 221 à 179 avant J.-C.), conclut une alliance avec Carthage.
La deuxième guerre de Macédoine (200-197 avant J.-C.) fait de Rome – massivement soutenue par les États de la ligue Étolienne, Athènes, Sparte et Rhodes, tous ennemis de la Macédoine – la principale puissance en Grèce.
La proclamation, en 196 avant J.-C., de la liberté de toutes les cités grecques, par le général romain Titus Quinctius Flamininus est reçue avec enthousiasme. Les conquérants prennent en effet, dans un premier temps, la décision de ne pas organiser la Grèce en province romaine. Cela signifie pour les populations libérées qu'elles ne sont pas obligées de payer un tribut aux Romains ni d'accueillir une garnison, et que les tribunaux locaux conservent leur indépendance.
Néanmoins, les Romains imposent des modifications territoriales aux cités grecques qu'ils ont délivrées de la tutelle macédonienne. Ils dictent à certaines des dispositions constitutionnelles et attendent de toutes qu'elles mènent une politique étrangère pro-romaine.
9.2. Du protectorat à la domination romaine
La prise d'Athènes (86 avant J.-C.)
Flamininus affecte de rendre à toutes les cités grecques leur autonomie, mais en fait, il établit sur la Grèce un protectorat tatillon. Les légats (représentants de Rome), soucieux de s'attirer l'appui des oligarchies locales, exaspèrent les tensions sociales. La ligue Achéenne, mal récompensée de son appui à la cause romaine, se révolte ; c'est la fin de l'indépendance de la Grèce (146), soumise désormais à la surveillance du gouverneur romain de la province de Macédoine.
Progressivement, au-delà de la Grèce, c'est tout le monde hellénistique qui passe sous la domination romaine (royaume de Pergame légué à Rome [133], organisation de la province de Syrie [64-63], conquête de l'Égypte [30]). La tentative de Mithridate pour libérer l'Asie Mineure et la Grèce propre (88-84 avant J.-C.) se solde par un échec : Athènes est prise après un très dur siège par le général romain Sulla.
L'écrasement de la résistance grecque et ses conséquences
La domination romaine a des effets catastrophiques. Plus encore que les Macédoniens, les Romains brisent impitoyablement toute velléité d'opposition. De plus, les dévastations se poursuivent après l'écrasement de la résistance grecque, car la région devient l'un des principaux théâtres des guerres civiles romaines (batailles de Pharsale en 48, de Philippes en 42 et d'Actium en 31 avant J.-C.).
Si, malgré le soutien qu'elle a donné à Pompée, la Grèce est bien traitée par César, qui fonde une colonie à Corinthe (détruite en 146), le pays est exsangue quand Auguste réorganise l'Empire.
Cette domination est également désastreuse du point de vue économique. La stratégie de Rome consiste à isoler les monarchies hellénistiques d'Orient les unes des autres et à les couper de la Grèce, brisant ainsi les liens commerciaux qui avaient été à l'origine de la prospérité de ces régions. L'effondrement de l'économie est tel qu'au ier s. avant J.-C, la Grèce est obligée d'importer d'Italie l'huile et le vin qui, jusque là, constituaient la quasi-totalité de ses exportations.
Sous le règne d'Auguste (27 avant J.-C.-14 après J.-C.), les seules villes florissantes sont les nouvelles colonies créées par l'empereur.
9.3. La pacification (ier-ive s. après J.-C.)
À partir du ier s. après J.-C, Rome renonce à son hostilité vis-à-vis de la Grèce et se lance dans une politique plus conciliante.
Bien qu'organisée en province romaine depuis 27 avant J.-C., la Grèce conserve quelques cités « libres » : Néron, qui vient chercher en Grèce (67 après J.-C.) le couronnement de ses talents poétiques et athlétiques, proclame la liberté des Grecs et exempte les cités du tribut, mais cela n'a aucun effet pratique.
D'autres cités deviennent libres sur l'initiative des empereurs du iie s. de notre ère qui s'intéressent aux cultes anciens, au prestige des vieilles cités, la Grèce étant devenue comme un conservatoire de la culture. Ainsi Hadrien subventionne des festivals religieux tandis qu'Antonin le Pieux (qui régne de 138 à 161 après J.-C.) et son successeur Marc Aurèle créent des chaires de rhétorique et de philosophie à Athènes.
La solidarité grecque s'exprime au sein de ligues (par exemple l'amphictyonie de Delphes) et par la création – à l'initiative d'Hadrien – d'une ligue panhellénique basée à Athènes, ouverte aux communautés grecques de tout le monde romain.
Pour en savoir plus, voir l'article Rome.
9.4. Le déclin des cités
Malgré l'évolution de la politique romaine, la Grèce ne parvient pas à redresser sa situation économique.
Le pays est dépeuplé. Toutes les richesses du pays sont aux mains de quelques privilégiés. Les exploitations d'agriculture intensive du ier siècle avant J.-C. sont transformées en pâturages. Si la Grèce s'enorgueillit cependant de son influence spirituelle, déjà lui portent ombrage les grandes villes d'Asie Mineure (→ Éphèse notamment) ou de Syrie (→ Antioche).
Les Barbares se font de nouveau menaçants (en 267 après J.-C., Athènes est prise par les Goths et par les Hérules), mais la réorganisation de l'Empire par Constantin éloigne le danger pour un temps.
Le christianisme devient alors un concurrent pour l'hellénisme ; en 381, l'empereur Théodose interdit l'exercice du paganisme ; en 395, les jeux Olympiques sont célébrés pour la dernière fois. La Grèce antique cède la place au monde byzantin.
Pour en savoir plus, voir l'article Grèce.