Chroniques politiques

La mort de François Mitterrand

Huit mois après avoir quitté l'Élysée et trois ans après avoir annoncé qu'il était atteint d'un cancer de la prostate – maladie diagnostiquée depuis le début de son premier septennat, révélera son ancien médecin personnel, le docteur Gubler –, François Mitterrand s'éteint, le 8 janvier, dans l'appartement mis à sa disposition par la République, avenue Frédéric-Leplay, dans le VIIe arrondissement, à Paris. Il était âgé de soixante-dix-neuf ans.

À l'annonce de sa mort, une journée de deuil national est décrétée et tous les grands de ce monde se pressent à Notre-Dame pour un ultime requiem à l'homme d'État unanimement salué. Son successeur à l'Élysée, Jacques Chirac, dans une allocution télévisée, trouve une émotion inhabituelle et inattendue pour rendre hommage « à la richesse et à la complexité » de son vieil et redoutable adversaire. « De mon vivant, on dira du mal de moi », confiait l'ancien président, en ajoutant « l'histoire jugera ». Sa disparition fait taire ses détracteurs ou les transforme en thuriféraires. La France, de droite comme de gauche, est en état de choc. Lui qui eut tant d'ennemis se retrouve, dans la mort, sanctifié.

Après cinquante années de vie politique, dont quatorze passées au sommet de l'État, François Mitterrand entre dans l'histoire sans pour autant avoir livré son mystère. Il reste une énigme. Certes, à la fin de sa vie, comme s'il souhaitait se mettre en accord avec sa conscience, comme s'il voulait être son propre biographe, il distillera ses parts de vérité. Le livre de Pierre Péan – Une jeunesse française – dévoile ses hésitations de jeunesse, révèle l'ambiguïté de sa trop longue amitié avec René Bousquet, le secrétaire général de la police de Vichy. Par le biais de photos parues, avec son autorisation, dans Paris-Match, il officialisera ce qui se murmurait depuis longtemps dans le microcosme : sa double vie et l'existence de sa fille Mazarine. Mais ces mises au point, ces révélations, pourtant savamment orchestrées, ne font qu'épaissir le mystère autour de ce président qui aimait les arbres, les livres et les méditations solitaires dans les cimetières. À la recherche d'une impossible compréhension de la mort. La mort qui le fascinait, l'obsédait et qui, il le savait, était son seul et unique adversaire. Le seul à pouvoir le vaincre.

Esthète de la vie, des mots et de la politique – sa passion –, François Mitterrand était un personnage de roman. L'homme de plusieurs générations, la sienne, celle d'avant-guerre, et celle de la fameuse « génération Mitterrand ». En quatorze ans de « règne », il aura imprégné toute une classe politique, de droite comme de gauche. Si son second septennat a été entaché par les affaires, il restera l'homme qui a su imposer aux Français l'alternance, pacifier, avec les cohabitations, la vie politique et rendre à la gauche sa crédibilité.

L'impopularité d'Alain Juppé

On pouvait croire qu'Édith Cresson, l'ancien et éphémère Premier ministre de François Mitterrand, détiendrait pour longtemps le triste record d'impopularité d'un chef de gouvernement sous la Ve République. Raté ! L'automne aura été fatal à Alain Juppé. En novembre, dans le tableau de bord BVA-Paris-Match, avec 22 % seulement de « bonnes opinions », il décroche ce tire peu enviable. À la même époque, dans l'enquête de la Sofres, avec 75 % d'opinions négatives, là encore il bat tous les records d'impopularité. En dix-huit mois de présence à Matignon, sa chute est vertigineuse. Et tous les instituts de sondage l'enregistrent. Même aux heures les plus sombres des grandes grèves des mois de novembre et de décembre 1995, Alain Juppé n'était pas descendu aussi bas.

Depuis l'été, semaine après semaine, l'incompréhension grandit entre le pouvoir et les Français, qui ont un jugement très sombre sur l'avenir. Le fossé se creuse, le divorce paraît inéluctable, et rien ne semble pouvoir inverser cette tendance. Ni les propos musclés du chef de l'État pour soutenir son Premier ministre et la politique suivie, ni les efforts désespérés de ce dernier pour tenter d'expliquer son action, qui souffre d'un formidable déficit de communication. Toute initiative de la part des deux hommes paraît se retourner contre eux. Pire, désormais, l'homme de Matignon entraîne dans sa dégringolade Jacques Chirac. Alors que, dans la pratique institutionnelle de la Ve République, le Premier ministre sert de bouclier au chef de l'État. Et, pour la première fois depuis le mois de mai 1995, ce discrédit de l'exécutif profite à l'opposition, au PS notamment, qui, en présentant ses propositions économiques et sociales axées prioritairement sur l'emploi des jeunes, a su intéresser l'opinion.