Au procès de Pierre Botton, Michel Noir et Michel Mouillot, maire de Cannes, sont condamnés à 15 mois de prison avec sursis et 5 ans d'inéligibilité (avril). M. Noir fait appel de cette condamnation, ce qui suspend son exécution et lui permet d'être candidat sur une liste municipale. Mais il doit renoncer à briguer la mairie de Lyon, Raymond Barre ayant fait de son retrait un préalable à toute alliance entre les listes de la majorité.

Dans l'affaire Urba-Sagès, H. Emmanuelli est condamné, en tant qu'ancien trésorier du PS, à 1 an de prison avec sursis pour recel et trafic d'influence (mai).

Extradé d'Uruguay en novembre 1994, Jacques Médecin, ancien maire de Nice, est condamné à 2 ans de prison fermes et 5 ans de privation des droits civiques pour abus de confiance et détournement de fonds dans l'affaire de l'Association Nice-Opéra, puis à 3 ans et demi de prison fermes pour corruption passive dans le procès de la Serel (3 août). Ayant déjà effectué la plus grande partie de sa peine pendant sa détention préventive (en Uruguay et en France), il est libéré le 27 septembre.

Enfin, en novembre, Alain Carignon, ancien ministre et ancien maire de Grenoble, est condamné à cinq ans de prison, dont trois fermes, et à cinq ans d'inéligibilité. Cette lourde peine sanctionne, dans cette affaire touchant à la délicate question de la gestion de l'eau de la ville, un homme qui, selon les mots du juge, a « perdu ses repères, oublié la noble tâche qui aurait dû être la sienne ».

Le nouveau président de la République

Le 17 mai, J. Chirac prend ses fonctions et déclare qu'il se sent « dépositaire d'une espérance », de « la fidélité aux valeurs essentielles de la République » et désireux de « renouer le pacte républicain ». Selon les vœux de Philippe Séguin, qui a soutenu sa candidature à l'Élysée et souhaite voir renforcer les pouvoirs du Parlement, il annonce un projet de révision de la Constitution portant sur la création d'une session parlementaire unique de 9 mois et sur l'extension du champ du référendum. La réforme est adoptée par le Parlement réuni en congrès le 31 juillet, malgré les réticences des sénateurs. Le 16 juillet, lors de l'anniversaire de la rafle du Vél'd'Hiv, le chef de l'État rompt avec l'attitude de ses prédécesseurs en reconnaissant la responsabilité de l'État français dans la déportation des Juifs.

Dans un premier temps, le président intervient peu en politique intérieure. Il mène en revanche personnellement la politique de Défense et la politique internationale. Malgré de vives protestations, tant en France qu'à l'étranger, sa décision de reprendre les essais nucléaires, annoncée le 13 juin, est suivie d'effet dès le mois de septembre. Cependant, les difficultés du gouvernement et la vague d'attentats terroristes qui frappent le pays poussent J. Chirac à s'exprimer personnellement à la télévision. Le 26 octobre, il redéfinit ses orientations et recadre la politique du gouvernement dans l'optique de la rigueur et des contraintes européennes.

Alain Juppé face aux difficultés économiques

Après avoir joué un rôle éminent dans la campagne présidentielle, Alain Juppé est nommé à Matignon le 17 mai. Le gouvernement, formé dès le 18 mai, comporte 43 membres au total. Il voit se côtoyer 20 RPR et 18 UDF mais privilégie ceux qui ont soutenu J. Chirac, dont le RPR Alain Madelin, qui reçoit le ministère de l'Économie. Avec 12 postes, les femmes font une percée remarquée (8 d'entre elles seront écartées lors du remaniement ministériel de novembre). Les grands ministères sont éclatés, ce qui ne facilite pas la délimitation des compétences et entraîne certains dysfonctionnements.

Dans son discours de politique générale du 23 mai, A. Juppé fixe 6 priorités : remettre en marche l'intégration sociale, libérer les forces vives du pays, renforcer le système d'éducation, moderniser l'État, s'impliquer dans la construction européenne, construire un France forte. L'objectif essentiel reste la relance de l'emploi. Le Premier ministre doit affirmer les promesses de la campagne avec une croissance à nouveau ralentie, un déficit budgétaire et des dépenses sociales record. Pour lui, « la France est en péril national ». Cela justifie la rigueur et l'austérité. La TVA est majorée et certains avantages fiscaux sont supprimés.

La vague d'attentats

Le 11 juillet, l'imam Sahraoui, cofondateur du FIS, est assassiné à Paris. Le 25 juillet, une bombe explose à la station de RER Saint-Michel. Elle fait 8 morts et 84 blessés. Les soupçons se portent immédiatement sur les intégristes algériens et du GIA. Un nouvel attentat avenue de Wagram, le 17 août, confirme que la France est la cible des terroristes. D'autres attentats (3 septembre et 6 octobre à Paris, 7 septembre à Villeurbanne devant une école juive) ou tentatives d'attentats (en août, découverte d'une bombe le long du TGV près de Lyon ; en septembre, dans le 15e arrondissement de Paris) orientent les recherches vers les réseaux islamistes des banlieues. À la fin du mois de septembre, un suspect, Khaled Kelkal, recherché pour sa participation à l'attentat manqué du TGV, est abattu par la police devant les caméras de télévision. Déjà réticent à l'ouverture des frontières et considérant que cette vague d'attentats rend inapplicables dans l'immédiat les accords de Schengen, le gouvernement en suspend l'application.

Turbulences

Le Premier ministre est au centre d'une affaire politico-immobilière. Début juin, le Canard enchaîné révèle qu'A. Juppé, anciennement chargé des Finances de la Ville de Paris, est locataire d'un appartement du domaine privé de la Ville et qu'il a fait bénéficier son fils et d'autres membres de sa famille de conditions de logement avantageuses. Le Premier ministre, obligé de venir s'expliquer à la télévision, nie tout traitement de faveur à son égard. Après plusieurs rebondissements (dont de fortes pressions du garde des Sceaux, Jacques Toubon), le procureur de Paris, Bruno Cotte, reconnaît le délit d'ingérence, mais classe l'affaire à la condition que le Premier ministre déménage avant la fin de l'année (octobre). Le 25 août, A. Madelin critique le régime de retraite des fonctionnaires, certaines prestations sociales (RMI) et appelle à des réformes plus hardies. Ces déclarations provoquent un tollé, en particulier chez les syndicats, et A. Juppé l'oblige à démissionner. Il le remplace par le CDS Jean Arthuis. Quand le gouvernement annonce le gel des salaires des fonctionnaires, les déclarations d'Alain Madelin sont encore dans les esprits et, le 10 octobre, une grève générale de la fonction publique montre l'importance du mécontentement.

Les partis politiques

L'élection présidentielle laisse des séquelles dans la majorité. Les listes dissidentes aux municipales et aux sénatoriales le montrent bien. Malgré une unité de façade, les débats parlementaires (notamment après le retour des balladuriens à l'Assemblée en septembre) manifestent les divisions persistantes du RPR. A. Juppé, élu président du RPR en septembre (92,61 % des mandats), tente de rassembler son parti et d'en relancer la dynamique. L'UDF est secouée en 1995 : une alliance entre F. Léotard (PR) et F. Bayrou (CDS) tente de marginaliser le courant giscardien. Le CDS se trouve très impliqué dans les gouvernements Juppé, son nouveau président, F. Bayrou, ayant conservé le ministère de l'Enseignement et même élargi ses attributions après le remaniement de novembre. Lors de son Congrès de fin d'année, le CDS change de nom et devient la Force démocrate (FD). Si la loyauté envers le Premier ministre est réaffirmée, des critiques percent contre les « insuffisances » (R. Barre) de sa politique.