Journal de l'année Édition 1996 1996Éd. 1996

Sous-continent indien

La région est toujours secouée par les tensions intercommunautaires, ethniques et religieuses. En maintenant une violence permanente dans les provinces du Cachemire et du Pendjab en Inde, et du Sind au Pakistan, elles compromettent le redressement économique de cette partie du monde. En outre, elles contribuent à l'affaiblissement du parti du Congrès en Inde. Après un ultime affrontement armé, il semble en revanche que le problème tamoul soit en voie de règlement au Sri Lanka.

Inde

Sur la scène intérieure, l'année est marquée par le déclin du parti du Congrès, victime d'une succession de revers électoraux et déchiré par des querelles intestines. Les élections régionales de février et de mars confirment la tendance, amorcée lors des élections partielles de décembre 1994, à une réémergence des partis régionaux et portent un coup fatal à l'hégémonie du parti du Congrès, alors que le pays est à la veille d'élections générales prévues pour avril 1996.

Dans l'État du Maharashtra, bastion traditionnel du parti du Congrès, l'alliance du parti régional du Maharashtra Shiv Sena et du parti nationaliste hindou BJP (Bharatiya Janata Party, ou Parti socialiste) remporte une victoire écrasante. Tandis que l'État côtier du Gujerat passe également sous le contrôle du BJP, dans l'État du Bihar, le Janata Dal (parti du Peuple) revient au pouvoir. Seule exception à cette débâcle, le Congrès-I remporte une victoire sur le Janata Dal dans l'État d'Orissa. Après cette déroute électorale, deux figures de proue de la vieille garde du Congrès-I, Narain Dutt Tiwari et Arjun Singh, provoquent une scission, mettant ainsi fin au consensus qui assurait la stabilité du gouvernement du Premier ministre indien Narasimha Rao. La loi antiterroriste TADA (Terrorist and Disruptive Activities [Prévention] Act), fort controversée et, d'après ses adversaires, source de fréquentes violations des droits de l'homme, est abrogée en mai. Cette décision est applaudie dans tout le pays, et tout particulièrement dans les États du Pendjab et du Cachemire où, depuis 1985, elle donnait lieu à de nombreux abus.

Pourtant, dans ces deux États, la situation est loin de se normaliser. Au Cachemire, la guerre civile atteint son paroxysme dans la nuit du 10 au 11 mai, avec la destruction du sanctuaire soufi de la ville de Charar-e Sharif (près de Srinagar) par des mercenaires étrangers, ce qui relance le cycle de la violence entre les militants indépendantistes musulmans et les forces armées indiennes. La situation s'enlise encore plus avec l'enlèvement en juillet, par des militants du groupe al Faran, de cinq otages occidentaux et l'exécution sommaire par décapitation de l'un d'entre eux (un Norvégien) en août. Dans ce contexte de crise exacerbée, le gouvernement indien décide de reporter les élections régionales locales et de prolonger, en juillet, le régime d'administration directe par le centre (President's Rule) sous lequel est placé l'État du Cachemire.

Alors qu'il semblait endigué, le terrorisme refait surface au Pendjab, trois ans après la mise en place d'un gouvernement élu. En août, l'assassinat de Beant Singh (chef du gouvernement du Pendjab depuis 1992), revendiqué par le groupe militant du Babbar Khalsa, remet en cause la normalisation politique dont se targue le gouvernement indien de Narasimha Rao.

Malgré ce regain des tensions régionales, l'économie indienne affiche encore un bilan positif, avec un taux de croissance de 5,3 % pour l'exercice 1994-1995 et une réduction progressive et constante du taux d'inflation, évalué à 7,5 % fin juillet 1995. L'augmentation des investissements directs étrangers, estimés à 90 milliards de roupies pour 1994, risque cependant d'être affectée par la transition politique en cours. Ainsi, en annulant un contrat signé entre la firme américaine Enron Development Corporation et le précédent gouvernement congressiste (août), le nouveau gouvernement du Maharashtra fait prendre conscience aux étrangers des risques que fait courir aujourd'hui l'investissement en Inde.