La coalition gouvernementale néerlandaise est fragile : entre les libéraux, qui plaident pour une diminution des impôts, et les socialistes, qui doivent satisfaire un électorat populaire volatil, les négociations sont toujours rudes. Les élections provinciales du 8 mars 1995 profitent aux libéraux (27 % des suffrages), qui ne sont pas pénalisés par leur participation au gouvernement. En revanche, le centre-gauche et les socialistes voient leurs positions s'éroder ; les chrétiens-démocrates, dans l'opposition depuis 1994, restent stables, alors que les listes de défense des personnes âgées poursuivent leur progression, dépassant 5 % des voix.

Des positions économiques à défendre

Pour ces petits États, la compétition est sévère sur les marchés internationaux. Leurs entreprises doivent souvent nouer des alliances, tout en cherchant à préserver l'indépendance économique nationale. L'exemple du constructeur aéronautique néerlandais Fokker illustre les risques de ce processus ; plusieurs fois renflouée par l'État, la firme était tombée en 1993 dans le giron de la société allemande DASA, non sans une nouvelle participation publique néerlandaise. L'entreprise allemande néglige-t-elle les intérêts de sa filiale, comme l'a avancé la presse néerlandaise ? En tout cas, la situation de Fokker ne se redresse pas et l'État est invité à accorder de nouvelles aides pour éviter une quasi-faillite.

Quand le poids de la firme est plus important, la marge de manœuvre s'élargit. Ainsi Philips, présentée comme en perte de vitesse il y a quelques années, réussit à renouer avec les bénéfices ; la multinationale peut poursuivre un subtil jeu d'alliances avec ses partenaires/concurrents dans la mise au point et la commercialisation de nouveaux produits audiovisuels.

Le problème de l'étroitesse du marché national concerne aussi les services. Certes la concentration bancaire qui s'opère aux Pays-Bas depuis quelques années commence à porter ses fruits, comme en témoigne le rachat de la banque britannique Barings par le groupe ING. Mais la situation est moins favorable dans le transport aérien. La compagnie belge Sabena avait dû se lier à Air France en 1992. La compagnie française, en pleine restructuration, ne lui était que d'un faible secours. En mai 1995, Swissair se substitue à Air France et annonce une prise de participation de 49,5 % dans le capital de Sabena (en partie détenu par l'État belge, qui augmente sa participation à cette occasion). Pour la compagnie suisse, l'accès au ciel communautaire et à l'aéroport de Bruxelles vaut bien quelques sacrifices financiers. Le groupe ainsi constitué « pèse » 12 millions de passagers par an, ce qui représente un minimum dans la conjoncture actuelle de déréglementation progressive du transport aérien.

La Commission européenne a en revanche bloqué un projet de concentration dans l'audiovisuel néerlandais. Holland Media Group, constitué de la Compagnie luxembourgeoise de télévision (CLT) et de deux sociétés néerlandaises, aurait accaparé 60 % du marché publicitaire de la télévision aux Pays-Bas. En Allemagne, la CLT se bat contre le puissant groupe Bertelsmann pour garder le contrôle de RTL (filiales allemandes).

Les aléas de la libre circulation des personnes

La mise en application des accords de Schengen entraîne quelques turbulences dans les relations entre la France d'une part, la Belgique et les Pays-Bas d'autre part. Élu président de la République française en mai, Jacques Chirac annonce, en septembre 1995, que la France pourrait ne pas appliquer ces accords en 1996. Déjà les délais demandés par le gouvernement français ont irrité les pays du Benelux. Ils considèrent que les attentats terroristes durant l'été en France ont plus été un prétexte qu'un réel motif à l'ajournement de la liberté de circulation. La Belgique s'est sentie particulièrement visée, les médias français parlant d'une « filière belge » chez les islamistes. Des contrôles ont été réintroduits en plusieurs points de passage, notamment sur l'autoroute Paris-Bruxelles. Considérant les efforts réalisés pour aplanir les difficultés d'application des accords de Schengen, le ministre belge de l'Intérieur parle d'une attitude « hypocrite » du gouvernement français.