L'Union européenne

La France et l'Espagne assurent successivement la présidence de l'Union européenne, désormais composée de 15 États membres. Avec les nouveaux venus, Autrichiens, Finlandais et Suédois, le Parlement européen compte désormais 626 membres ; la Commission, présidée par l'ancien Premier ministre du Luxembourg Jacques Santer, 20 membres ; la Cour de justice, 15 juges assistés de 9 avocats généraux ; la Cour des comptes, 15 membres ; le Comité économique et social et le Comité des Régions, 222 chacun. Quant au Conseil européen et au Conseil de l'Union européenne, ils comprennent un représentant par État. L'année 1995 est marquée par des débats difficiles consacrés à la troisième phase de l'Union économique et monétaire, celle de la monnaie unique, ainsi qu'aux préparatifs de la Conférence intergouvernementale (CIG) de 1996.

Un premier semestre difficile

La première réunion de la Commission de l'après-Delors se tient le 25 janvier, après avoir été investie par le Parlement européen le 18 janvier. Les eurodéputés, qui auraient dû logiquement soit accepter soit refuser le programme présenté par Jacques Santer le 15 mars, préfèrent voter une résolution de 14 pages où ils indiquent leurs revendications, estimant insuffisants les projets de la nouvelle Commission sur le chômage, la protection des consommateurs, l'environnement, l'égalité des chances et la lutte anti-fraude. C'est dire que la Commission Santer ne bénéficie pas au départ de l'appui accordé par le précédent Parlement européen à la Commission Delors, durant les six dernières années de son existence. La Commission Santer doit, d'une part, démontrer sa capacité à bien préparer la CIG (qui va revoir l'ensemble de l'architecture communautaire dans la perspective d'un élargissement à 25 ou même 30 pays partenaires) et, d'autre part, assumer pleinement les responsabilités qui sont les siennes, en vue du passage, en 1999 au plus tard, à la monnaie unique.

Sur le plan diplomatique

Il faut mentionner l'adoption, le 20 mars 1995, par une cinquantaine de pays, du Pacte de stabilité en Europe, fruit d'une « action commune » de l'Union européenne au titre de la politique étrangère et de sécurité commune (PESC). À l'appel de l'UE, une centaine d'accords ou d'arrangements bilatéraux sont entérinés lors de la conférence de Paris, le 21 mars, par l'OTAN, le Conseil de l'Europe, l'ONU, l'UEO, toutes les composantes de l'ex-URSS, les États-Unis et le Canada, et tous les pays du continent européen à l'exception de la Yougoslavie (Serbie et Monténégro) et de la Macédoine. Ainsi en est-il du traité de coopération entre la Hongrie et la Slovaquie du 19 mars qui vise à régler la situation des 600 000 Hongrois de Slovaquie et à confirmer l'intangibilité des frontières des deux pays. L'Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE) est chargée d'assurer le suivi de cette conférence.

Les accords de Schengen entrent en vigueur le 26 mars entre l'Allemagne, la France, la Belgique, les Pays-Bas, le Luxembourg, l'Espagne et le Portugal. À cette date, les 7 pays concernés sont censés supprimer les contrôles aux frontières intérieures aériennes, l'élimination des contrôles aux frontières intérieures terrestres ne devant devenir obligatoire que le 1er juillet, au terme d'une période probatoire. La convention prévoit, outre la création d'un fichier informatique commun – le système d'information Schengen (SIS), alimenté par les pays signataires en données sur les étrangers indésirables –, des dispositions sur les contrôles d'identité au-delà de la frontière terrestre ainsi que dans les ports, aérogares et gares ouverts au trafic international, sur la reconduite à la frontière de tout étranger en situation irrégulière et sur le droit d'asile.

Dix ans auront donc été nécessaires pour que ces accords, signés en juin 1985 entre les 6 pays fondateurs de la Communauté, connaissent un début d'application. Qui plus est, immédiatement après le Conseil européen de Cannes, la France demande un délai supplémentaire de 6 mois avant la mise en application effective de la convention, en raison des failles constatées dans le système de contrôle. La France, qui n'est pas suivie par ses partenaires, doit faire jouer en sa faveur une clause de sauvegarde prévoyant que « lorsque l'ordre public ou la sécurité nationale l'exige, une partie contractante peut décider que, pour une période limitée, des contrôles frontaliers nationaux adaptés à ces situations seront effectués aux frontières intérieures ». La vague d'attentats qui se déroule sur le territoire français aidant, Jacques Chirac, président nouvellement élu de la République française, annonce lors d'une visite éclair au poste de Rekkem, à la frontière franco-belge, le 19 septembre, que « la France devra très probablement demander [...] le maintien du contrôle aux frontières après le 1er janvier 1996 ». Mais, cette fois, les défaillances du SIS et le danger terroriste ne sont pas les seules raisons invoquées. Sauf modifications substantielles des habitudes ou des comportements de nos partenaires en ce qui concerne la drogue (ce sont essentiellement les Pays-Bas qui sont visés), dit en substance Jacques Chirac, les contrôles aux frontières seront maintenus. La Belgique, qui préside le groupe des pays signataires de Schengen, réagit vivement aux propos du président français.