Comme pour exorciser le problème, on chiffre, on découpe les groupes de demandeurs d'emploi. Il n'y a pas de bonne mesure du chômage, conclut l'INSEE dans une enquête publiée début 1992. Depuis 1986, l'écart entre les chiffres publiés par le BIT (Bureau international du travail) et ceux livrés par la France ne cesse en effet de s'agrandir. Ce qui est certain, c'est que le taux de demandeurs d'emploi augmente. L'enquête emploi que l'INSEE publie comme chaque année début juillet fait état d'un taux de 10,1 % en mars – au lieu des 9,9 % un an auparavant –, soit 2 500 000 chômeurs au sens BIT du terme. Le taux des femmes est toujours plus élevé : 12,8 % contre 7,9 % pour les hommes. L'enquête révèle néanmoins un phénomène encourageant : la proportion des chômeurs de longue durée a diminué entre 1991 et 1992.

Le plan lancé au printemps par Martine Aubry va permettre d'effectuer un discret nettoyage des fichiers de l'ANPE : les convocations aux entretiens personnalisés augmentent le nombre de radiations administratives : de 3 000 en début d'année, on passe à plus de 16 000 à l'automne. Cela dit, les statistiques n'en sont pas fondamentalement modifiées : les 350 000 personnes qui sortent chaque mois des listes de l'ANPE, soit parce qu'elles ont trouvé un travail, qu'elles effectuent un stage ou entrent en préretraite pèsent plus lourd que les radiations administratives.

Chômage, seuil historique

En données brutes, le nombre de chômeurs dépasse désormais les trois millions, ce qui traduit une augmentation annuelle de 4,9 % en données corrigées. Il est probable que ce record sera aussi dépassé en données corrigées d'ici la fin 1992. Cette aggravation s'explique notamment par l'augmentation des licenciements économiques (+ 11,7 %) et des non-renouvellements de contrats à durée déterminée (+ 7,7 %).

La loi du 31 décembre 1991 précise le statut du chômeur : conditions d'inscription à l'ANPE, droits et devoirs du demandeur d'emploi et, notamment, possibilités d'exercer des « activités réduites ». L'ANPE peut désormais radier ceux qui « refusent sans motif légitime » un emploi, une formation, un contrat d'apprentissage, une visite médicale, ou ceux qui ne répondent pas à une convocation.

Spirale

Accalmie en juillet, puis en août : le nombre de demandeurs d'emploi décroît. Peut-on dire pour autant que l'emploi va mieux ? Les entreprises ne se bousculent pas pour embaucher. Elles préfèrent réaliser des investissements matériels plutôt que de créer des postes. Et puis, souligne Martine Aubry, « elles licencient beaucoup trop » : la France, estime-t-elle à la mi-octobre, se situe en 1992 sur un rythme de 530 000 licenciements, alors qu'elle n'a pas créé d'emplois, tout au contraire, en 1991. Malgré une croissance légèrement supérieure à celle de ses partenaires, la France continue d'avoir un taux de chômage supérieur à la moyenne des pays de l'OCDE (7,5 %).

Martine Aubry va alors prendre deux mesures pour inciter les entreprises à pratiquer une politique de gestion des ressources humaines plus « sociale » : elle renchérit le coût du licenciement des salariés de plus de 55 ans et rend à la fois plus précis et plus exigeant le contenu des plans sociaux négociés avec l'État. Les exigences ne seront pas les mêmes, par exemple, selon que la société se trouve dans une région où l'emploi est rare ou abondant. Au cœur de cette décision, il y a le sort des salariés âgés. Selon une étude de l'OCDE sur les travailleurs âgés de 55 à 64 ans, la France est le pays, après les Pays-Bas, où leur taux d'activité est le plus bas : à cet âge, moins d'un Français sur deux exerce une activité (45,8 % contre 83,3 % au Japon et 68,1 % en Grande-Bretagne, par exemple). L'indemnisation des salariés âgés coûterait 25 milliards à l'Unedic, soit 28 % des dépenses, alors que les plus de 55 ans ne représentent que 15 % des chômeurs indemnisés.

Chômage partiel

Un million et demi de salariés, soit plus de trois fois plus qu'en 1990, ont été en chômage partiel en 1991, en moyenne pendant cinq jours par mois. Dans neuf cas sur dix, ces arrêts s'expliquent par le manque de commandes dû au mauvais climat conjoncturel. Ils permettent de ne pas licencier un personnel très qualifié qu'il serait difficile de réembaucher sur le marché du travail.

RMI

Le RMI est un droit qui fait désormais partie des acquis intouchables. En mars 92, un sondage IFOP indique que 82 % des Français sont favorables au maintien du revenu minimum d'insertion, et 86 % sont d'accord pour en faire bénéficier les moins de 25 ans en difficulté. Pour une personne seule, l'allocation maximale est d'environ 2 150 francs par mois. Mais il faut donner un second souffle au dispositif. La loi instituant le RMI, votée le 1er décembre 1988, est en effet à durée limitée, et un bilan est fait avant de présenter de nouveau la loi au Parlement. Le premier bilan de la Commission nationale d'évaluation sur trois ans d'existence du RMI indique que 950 000 personnes en ont bénéficié (soit près de 2 millions si l'on compte les ayants droit). 110 000 d'entre elles ont trouvé un emploi.