La conjoncture financière n'est toutefois guère favorable. Le service de la dette africaine a été estimé à 12-14 milliards de dollars lors de la Conférence économique d'Abuja (Nigeria) et les politiques « d'ajustement » sont mal supportées : la Zambie a abandonné son programme d'austérité, alors que la Côte-d'Ivoire, pays « modèle », n'est plus en mesure de faire face aux échéances. Le rôle de l'État est au centre des débats économiques, mais deux faits demeurent : la baisse des recettes provenant des exportations n'a pas été enrayée et les aléas climatiques ont encore affecté durement la Namibie, le Mozambique ainsi que le Mali, le Niger et l'Éthiopie. Vivement alarmé par la progression du Sida en Afrique centrale et orientale, où 10 p. 100 de la population des grandes villes sont séro-positifs, le premier Congrès des hommes de science africains, réuni sous l'égide de l'Unesco à Brazzaville, est peut-être porteur d'espoir.

Alain Dubresson

Amérique du Nord

Canada

Avec la disparition de René Lévesque, le 1er novembre, une page de l'histoire du Canada et du Québec est-elle définitivement tournée ? On peut le croire ; surtout depuis l'été, quand le principe de l'adhésion de la « Belle Province » à la Constitution canadienne a été définitivement acquis. Fort d'une bonne santé économique, le pays semble se tourner encore un peu plus vers sa vocation nord-américaine. Le 6 octobre, après seize mois de négociations acharnées, le Canada et les États-Unis ont décidé de libéraliser définitivement leurs échanges en éliminant avant dix ans tous les droits de douane existant entre eux.

Pourtant, le Premier ministre, Brian Mulroney, ne souhaite pas oublier la vocation mondiale du Canada. N'a-t-il pas décidé unilatéralement, au sommet francophone de septembre, d'effacer les dettes de sept pays africains ? Geste généreux... mais plutôt mal reçu par les Français soucieux de garder l'initiative sur le continent noir.

États-Unis

« En 1945, les États-Unis contrôlaient 40 p. 100 de l'économie mondiale ; aujourd'hui, cette part a diminué de moitié et, parallèlement, les engagements militaires se sont accrus. Ce déséquilibre menace notre sécurité sur le plan à la fois militaire et économique », écrivait cette année l'Atlantic Monthly. Si l'on se réfère aux énormes déficits de la balance commerciale et de la dette internationale américaine (254 milliards de dollars au mois de septembre), ce bilan n'est pas dépourvu d'objectivité. Des pans entiers de l'économie nationale sont absorbés par l'étranger : la prestigieuse maison d'édition Doubleday a été rachetée par le géant allemand Bertelsmann, les fameuses armes Smith and Wesson reprises par les Britanniques et les disques CBS vendus à Sony. Cette vague de rachats est accélérée par la baisse du dollar en dessous des 6 francs et surtout à 140 yens, contre 240 deux ans auparavant. La montée irrésistible du yen aboutit à une véritable colonisation de l'Oncle Sam par l'Empire du Levant : 10 milliards de dollars d'investissements nippons en un an. L'opinion a beau se raidir, condamner Toshiba, interdire à Fijitsu le rachat de Fairchild, rien n'y fait, et surtout pas les déclarations des responsables américains décidés à laisser flotter le dollar à la baisse comme moyen de réponse à l'affolement boursier du mois d'octobre.

Les hommes politiques en sont-ils réduits à subir le déclin ? La question se pose à propos de la fin de la présidence de Ronald Reagan : le champion du libéralisme est acculé à accepter une hausse des impôts et une réduction d'un déficit budgétaire qu'on a laissé filer jusqu'alors, contraint également de voir deux de ses candidats à la direction de la Cour suprême, les juges Bork et Ginsburg, récusés par l'opinion et par l'establishment.

Ces reculs de Ronald Reagan s'accompagnent d'une extraordinaire série d'échecs pour les candidats à sa succession : Gary Hart compromis dans une histoire d'alcôve, Joseph Biden accusé d'imposture, le « télévangéliste » Pat Robertson coupable d'immoralité... La liste est si longue qu'un autre postulant a pu dire avec humour : « nous sommes candidats à la présidence, pas à la sainteté ».