Le millénaire capétien

De janvier à décembre 1987, en chacune de ses régions, la France commémore avec éclat le millénaire de l'avènement d'Hugues Capet. La quête du passé n'est pourtant qu'un aspect de ces festivités qui traduisent une nouvelle attitude face à l'institution monarchique.

En France, la rupture fut longtemps complète entre le pouvoir républicain et la tradition monarchique. À la fin du xixe siècle, nulle autorité du régime en place n'aurait accepté de célébrer le souvenir d'une dynastie dont les représentants étaient bannis en vertu de la loi d'exil. En 1987, c'est par décret du président de la République et sous son haut patronage qu'est constitué le « comité pour la célébration du millénaire de l'avènement d'Hugues Capet ». Et sa présidence est assurée par le directeur général des Archives de France, Jean Favier. Le changement d'attitude est considérable.

Mieux : les lointains descendants du fondateur de la dynastie ont acquis droit de cité en France. Nul ne s'étonne de la présence d'Alphonse de Bourbon, duc d'Anjou et de Cadix, chef de la maison de Bourbon, au colloque d'ouverture de l'année du millénaire, qui se tient dès le 20 janvier au palais du Luxembourg sous la présidence d'Alain Poher, président du Sénat, sur le thème significatif « d'Hugues Capet à Louis Capet ». Nul non plus ne s'offusque de la participation aux cérémonies du millénaire d'Henri d'Orléans, comte de Paris, qui confère le 26 septembre au château d'Amboise le titre de duc de Vendôme à son deuxième petit-fils, Jean, avec tous « les droits et devoirs historiques et politiques de la famille capétienne ».

En fait, cette participation active des héritiers des deux branches de la maison de Bourbon à la commémoration du millénaire souligne l'intégration de l'héritage capétien au patrimoine national. C'est poser là le problème de l'« identité de la France », auquel Fernand Braudel a donné en 1986 une première réponse dans l'ouvrage qu'il a publié chez Arthaud-Flammarion. Nombreux sont aujourd'hui les historiens qui s'activent à en préciser les traits. Dans la lignée de l'Histoire de la France de Georges Duby éditée par la librairie Larousse, Pierre Chaunu chez Laffont, dès 1982, Jean Favier chez Fayard, en 1984, Georges Duby, de nouveau, Emmanuel Le Roy Ladurie, François Furet et Maurice Agulhon, chez Hachette, Jean Carpentier et François Lebrun, au Seuil, enfin Jean Tulard, chez Laffont, en 1987, lancent tour à tour leur Histoire de France en un ou plusieurs volumes, preuve, s'il en était besoin, que les Français sont bien en quête de leur passé.

La commémoration du millénaire

À l'aube d'une longue dynastie, fertile en règnes sur lesquels l'imagerie populaire a brossé de puissants clichés, le roi Hugues, entouré des incertitudes et des légendes propres au siècle où il vécut, n'avait guère jusqu'à présent retenu l'attention qu'en tant que fondateur. Ce xe siècle reste sans doute le plus énigmatique de l'histoire de France. Aussi est-on surpris par l'abondance des manifestations du souvenir : quatre-vingts dans la seule Picardie, où elles débutent dès le 3 avril par une messe solennelle dans la cathédrale d'Amiens en présence du président de la République, qui marque ainsi d'un sceau national le souvenir millénariste. Dans les départements, préfets ou sous-préfets président les cérémonies, comme à Condom ou à Senlis le 14 et le 21 juin. Quant aux élus, les maires notamment, en bien des villes, grandes ou petites, ils mettent leur autorité et leurs moyens au service de fêtes souvent somptueuses, comme à Narbonne, Toulouse, Bayonne, Amiens, Noyon, Compiègne. Des expositions importantes sont organisées sur le thème du sacre royal par les Archives nationales du 13 mars au 15 octobre (le Sacre : à propos d'un millénaire, 987-1987) et par le Musée du Louvre du 16 octobre 1987 au 3 janvier 1988 (Regalia, les instruments du sacre des rois de France). Elles soulignent que le sacre demeure l'élément caractéristique indissociable de toute évocation capétienne. La cérémonie, en ce qu'elle a de visible, de beau, de concret, et plus encore en ce qu'elle a de mystérieux, de religieux, ne cesse d'intriguer. Le rêve du sacré, l'assise reconnue au pouvoir d'un homme situé « entre ciel et terre » et ses rites sont la raison de ces expositions.