Voici quelques échantillons d'accusations de provenances très diverses.

Pour avoir affirmé que 1 600 personnes, au moins, avaient été exécutées en Iran pendant les 28 mois qui ont suivi le changement de pouvoir, Amnesty International se voyait accusée de suivre « les ordres impérialistes et sionistes ». Au même moment, le ministre iraqien chargé des Affaires religieuses affirmait à un journaliste canadien qu'Amnesty International avait des « tendances pro-sionistes », tandis qu'au ministère de la Justice israélien on jugeait « offensantes » les requêtes d'Amnesty.

En septembre 1980, l'ambassade du Zaïre à Londres, répondant à une lettre ouverte d'Amnesty International sur les tortures et exécutions, reprochait à ce mouvement de « s'ériger en agence de propagande idéologique aux fins de dénigrer et de déstabiliser systématiquement le Zaïre ».

Enfin, voici un extrait de Memphis Press Scimitar (Tennessee) de février 1982 : « Si Amnesty International a perdu de vue sa vraie mission, il vaudrait mieux qu'elle garde entièrement le silence plutôt que d'alimenter en textes de propagande la Pravda et ses congénères ».

Et un autre extrait, de Radio-Moscou, capté par la B.B.C. et reproduit dans le Summary of World Broadcasts, en août 1980 : « Dans l'attaque de propagande massive contre l'U.R.S.S., c'est à Amnesty International qu'est dévolu le rôle de coordonnateur. Les fils qui partent de cette organisation basée à Londres aboutissent aux services secrets américains, britanniques et israéliens, aux centres antisoviétiques de la République fédérale d'Allemagne et aux syndicats réactionnaires des États-Unis. »

À ces critiques de caractère politique qui sont depuis longtemps adressées à Amnesty International et qui tendent à s'annuler par leur diversité et leurs contradictions, se sont ajoutées, au cours de l'année 1986, des critiques venues de l'intérieur et qui ont pris finalement l'aspect de « dissidences ». Un courant appelé Lumière s'est organisé à l'intérieur d'Amnesty avant d'entraîner effectivement des départs. Dénonçant, notamment la « faillite de programme d'éducation aux droits de l'homme d'Amnesty International » face au climat de racisme en France et aux bavures policières, les mécontents proclamaient la nécessité de rejoindre des « organismes engagés politiquement ». Une autre critique a été exprimée par d'anciens responsables, Jean-François Lambert, qui fut président de la section française d'Amnesty de 1979 à 1982, date à laquelle il démissionna tout en restant au sein de l'organisation, et Teddy Follenfant, ancien membre du bureau exécutif, qui a été exclu en 1986.

Les déçus d'Amnesty reprennent une critique souvent faite de l'extérieur : le souci d'équilibre poussé jusqu'à la symétrie. Follenfant explique : « Avoir l'air de mettre sur le même plan le sort des objecteurs de conscience suisses et le génocide au Cambodge ou l'existence du Goulag, en renvoyant dos à dos les démocraties occidentales – où des abus peuvent effectivement se produire – et des régimes auxquels l'horreur et la répression féroce sont consubstantielles, n'est ni sérieux ni utile aux droits de l'homme, bien au contraire. »

Mais c'est l'affaire des deux prisonniers iraqiens expulsés de France en février 1986 (finalement libérés et revenus à Paris en septembre 1986) qui a mis le feu aux poudres : Amnesty International a été accusée d'avoir indirectement provoqué l'assassinat de l'un des otages du Liban, Michel Seurat, par ses ravisseurs, en annonçant par erreur l'exécution de l'un des deux Iraqiens. Dans une interview au Quotidien de Paris (14 mars 1986), Teddy Follenfant exprimait cette thèse, reprochant à Amnesty sa « légèreté meurtrière » : « Connaissant la situation au Liban, les responsables d'Amnesty auraient dû savoir qu'une telle information allait provoquer une réaction immédiate... Elle aurait donc dû la garder sous le coude, comme cela se fait souvent. Au lieu de cela, elle l'a lâchée. Cela a enclenché un processus qui a abouti à la mort de Seurat. »