Amnesty International : 25 ans de combats

Amnesty International est née en 1961, sur l'initiative de l'avocat britannique Peter Benenson, scandalisé par la condamnation à sept ans de prison de deux étudiants portugais qui avaient levé leur verre à la liberté. Amnesty compte aujourd'hui 500 000 membres dans le monde (25 000 en France).
Ses buts : obtenir la libération des prisonniers d'opinion, abolir la torture et la peine de mort.

Le 15 octobre 1986, un livre au titre très sobre est mis en vente : Amnesty International. Rapport 1986. Un volume de 437 pages, qui fait le tour du monde en 128 pays, dénonçant les atteintes aux droits de l'homme quel que soit le régime politique.

Les premières phrases de ce rapport sont relativement optimistes : « La pression exercée sur les gouvernements pour les inciter au respect des droits de l'homme s'intensifie. Dans le monde entier, la force et l'influence des organisations de défense des droits de l'homme ne cessent de croître. La législation internationale sur les droits de l'homme se renforce. »

Mais, au dos du livre, sur la couverture, un paragraphe plus pessimiste : « Ce rapport va irriter un certain nombre de gouvernements. Pourquoi ? Parce qu'il fait apparaître le gouffre qui sépare les engagements qu'ils ont pris en matière de droits de l'homme et les abus qu'ils commettent. »

Tout en se gardant de juger les gouvernements, le rapport d'Amnesty dresse de cruels constats pour l'année 1985 : des milliers de personnes ont été détenues sans jugement en Afrique... Des décès en prison, à la suite de mauvais traitements, ont été signalés en Afrique du Sud, en Ouganda, au Burkina Faso, en Namibie, au Togo.

Au Nigeria, 140 personnes ont été condamnées à mort, 58 au Ghana ; en Afrique du Sud, il y a eu 137 pendaisons et, en Somalie, 100 exécutions.

Mais les mêmes fléaux sévissent sous presque toutes les latitudes : recrudescence d'abus en Équateur, multiplication des enlèvements au Chili, aucune estimation fiable sur le nombre de prisonniers à Cuba. De 5 000 à 7 000 personnes placées en « rééducation » au Laos et au Viêt-nam. Des membres de communautés religieuses arrêtés : bouddhistes au Viêt-nam, chrétiens au Népal, communauté Ahmadiyya au Pakistan... Condamnations à mort par des tribunaux militaires spéciaux en Afghanistan et au Bangladesh, exécutions immédiates en Chine dès la sentence de mort...

200 prisonniers d'opinion en Pologne malgré des mesures de grâce. Et en U.R.S.S. ? Amnesty International a eu connaissance de plus de 600 prisonniers d'opinion, mais pense que le nombre réel est nettement supérieur...

En France, Amnesty s'est inquiétée des objecteurs de conscience et de la mort d'Éloi Machoro et de Marcel Nonnaro en Nouvelle-Calédonie... Seuls sont épargnés les pays sur lesquels Amnesty International estime ne pas avoir d'informations suffisantes : le Belize, le Mali, le Canada, le Qatar.

Minutieusement retransmis, ce panorama des atteintes à la liberté dans le monde est le résultat d'un véritable travail de fourmi accompli par Amnesty International. Un travail qui se poursuit depuis tout juste un quart de siècle.

L'appel de Peter Benenson

« Ouvrez votre journal n'importe quel jour de la semaine et vous apprendrez que, quelque part dans le monde, quelqu'un a été emprisonné, torturé et exécuté parce que son gouvernement jugeait intolérable ses opinions ou sa religion. Le lecteur ressent alors un pénible sentiment d'impuissance. Pourtant si tous ceux qui, de par le monde, ressentent ce même sentiment pouvaient s'unir, alors une action commune serait possible... L'important est de mobiliser l'opinion publique. »

Ce texte, publié dans l'Observer, le 28 mai 1961, et reproduit le même jour dans le Monde, marque la naissance d'Amnesty international. Quelques mois plus tôt, Peter Benenson, en ouvrant son journal, le Times, a appris la condamnation de deux étudiants portugais à sept ans de prison. Leur crime ? Ils ont levé leur verre à la liberté dans un restaurant de Lisbonne. Avocat, Peter Benenson est préoccupé depuis longtemps par la répression gouvernementale contre toutes opinions discordantes. Dès 1950, il assiste à des procès politiques en Hongrie, à Chypre, en Afrique du Sud et en Espagne, soit en tant qu'observateur, soit en tant que défenseur des victimes des gouvernements. L'avocat britannique réagit vivement au verdict scandaleux relaté par le Times. Il se rend aussitôt à l'ambassade du Portugal à Londres pour protester. Il est fort bien reçu, mais il constate qu'un tel geste individuel sera sans effet sur le sort de ces deux étudiants. En revanche, il se demande comment réagiraient les régimes oppressifs si, au lieu de réactions individuelles, les gouvernements avaient à affronter des protestations concertées, venant de tous les coins du monde ? Benenson pense alors à une campagne internationale, d'une durée limitée à un an, pour attirer l'attention sur le sort de prisonniers détenus dans des pays aux régimes politiques différents, pour l'expression non violente de leurs opinions politiques ou religieuses. Ses amis, Eric Baker, quaker lui aussi, et Sean Mac Bride, sont enthousiastes et l'incitent à rédiger un article pour diffuser ses idées et obtenir immédiatement une très large audience. Ce texte, publié en français sous le titre les Prisonniers oubliés, annonce le lancement d'une opération concertée sur le plan mondial, l'« Appel pour l'amnistie, 1961 ».