Les élections 1986

L'alternance attendue s'est réalisée. Pourquoi était-elle prévisible ? Est-elle durable ?

Les élections législatives du 16 mars et sénatoriales du 28 septembre 1986 ne furent pas de divines surprises pour l'union de l'opposition RPR-UDF qui les remporta. Depuis les partielles du 17 janvier 1982, la gauche au pouvoir avait subi des échecs électoraux qui laissaient prévoir sa défaite. Le rétablissement du scrutin de liste proportionnel lui permit d'en limiter l'ampleur au prix du retour au Palais-Bourbon de l'extrême droite. Mais il ne put empêcher la constitution d'une majorité parlementaire qui, pour la première fois dans l'histoire de la Ve République, ne coïncidait plus avec la majorité présidentielle. Dès lors se trouvaient posés de nombreux problèmes politiques d'ordre constitutionnel et en premier lieu celui de la cohabitation.

Les paradoxes du reflux

Les électeurs de François Mitterrand avaient cru que son arrivée au pouvoir porterait des fruits quasi immédiats. Certes, le nouveau chef de l'État était un fin politique, mais il n'était pas un magicien, et ne pouvait l'être. La crise se prolongeait, la reprise de l'expansion économique ne se produisait pas, le niveau et la qualité de la vie se dégradaient au lieu de s'améliorer. Et les « déçus du socialisme » se multipliaient : jeunes appelés du contingent qui attendaient en vain l'abaissement de douze à six mois de la durée du service militaire, qui leur avait été pourtant solennellement promis ; contribuables assujettis à une fiscalité toujours trop lourde pour les bénéficiaires de bas salaires, démobilisatrice pour les cadres, décourageante pour les détenteurs de capitaux ; assurés sociaux mécontents de l'alourdissement de leurs cotisations et de la diminution des prestations qui leur étaient versées ; travailleurs atteints dans leur niveau de vie par une stabilisation des salaires plus rigoureuse que celle des prix ou, pis encore, marginalisés par le chômage qui frappait 2 500 000 d'entre eux dès octobre 1984 ; nationalistes xénophobes d'autant plus hostiles à la présence des immigrés que ceux-ci concurrençaient certains d'entre eux sur le marché de l'emploi ; résidents des grands ensembles, où différences socioculturelles et délinquance juvénile étrangère créaient de lourdes tensions entre communautés ; victimes de crimes et de délits qui réclamaient un alourdissement des peines de prison, voire le rétablissement de la peine de mort, en un temps où les vagues d'attentats terroristes accroissaient le sentiment d'insécurité des citoyens ; enfin et surtout partisans de l'école privée dont un million défilèrent dans les rues de Paris, le 24 juin 1984, pour combattre l'instauration d'un « grand service public, unifié et laïque d'éducation nationale sans spoliation ni monopole ». Ce jour-là, le destin électoral des partis au pouvoir avait été scellé.

Ils le comprirent, les socialistes, en changeant de Premier ministre et donc de politique, les communistes, en refusant de participer au gouvernement constitué par Laurent Fabius le 17 juillet 1984. Affaiblie par cette rupture de l'Union de la gauche, par l'affaire de la Nouvelle-Calédonie et par celle du Rainbow Warrior, la majorité en place ne pouvait que limiter un échec électoral prévisible en modifiant le système de désignation des députés. C'est ce qu'elle fit par la loi du 10 juillet 1985 qui substitua au scrutin majoritaire de circonscription à deux tours, le scrutin de liste départemental à la proportionnelle avec attribution des sièges au quotient, puis à la plus forte moyenne.

Les programmes électoraux

L'opposition était déjà en campagne. Ou plutôt les oppositions, car l'adoption d'un nouveau mode de consultation électorale avait eu pour premier effet de ressusciter une extrême droite que le système précédent avait impitoyablement éliminée du Parlement depuis 1958.

Le scrutin de liste lui donnait ses chances. Jean-Marie Le Pen les saisit. Fondateur du Front national en 1972, il proposait aux Français un programme très simple, qui lui avait déjà permis de remporter d'importants succès lors des élections précédentes. Il répondait en effet aux trois préoccupations essentielles des Français telles que les sondages les révélèrent jusqu'à la veille du 16 mars 1986 : le chômage, l'insécurité et l'immigration. Une seule mesure, pour l'essentiel, devait y pourvoir : le retour des étrangers dans leur pays d'origine, en commençant par les travailleurs clandestins.