L'année 1985 marque une stabilisation de ce rapport : on retrouve en effet exactement la même cotation de 1,26 DM pour 100 yens à la fin de novembre. Le rapport est resté relativement stable au cours de l'année. Il faut seulement noter que le dollar a baissé plus vite contre le DM que contre le yen avant le 22 septembre, et qu'on a eu ensuite l'évolution opposée. La conséquence a été évidemment que le yen/DM a eu tendance à se déprécier avant le 22 septembre, pour retrouver ensuite son niveau de fin 1984.

Il faut garder à l'esprit que la parité de 1,26 pour le rapport 100 yens/1 DM (ou 0,79 pour le rapport inverse 1 DM/100 yens) est un ordre de grandeur qui paraît accepté par Tokyo et qui est avantageux pour la CEE. Dans les négociations serrées sur les trois taux clés qui ne manqueront pas de s'engager si le retour à la stabilité s'avère durable, c'est un point important pour les Européens. On trouvera dans le tableau 2, en annexe, l'évolution des trois rapports de change essentiels aux dates importantes de 1985.

III – Comment apprécier la décision du 22 septembre 1985 ?

Malgré les interventions certaines de fin février et début mars, puis celles – probables – de début mai, personne dans les milieux de cambistes ne croyait en septembre que les États-Unis, la République fédérale d'Allemagne, le Royaume-Uni et le Japon puissent tomber formellement d'accord sur des interventions concertées. On affirmait depuis si longtemps qu'il était impossible aux banques centrales d'endiguer les mouvements de capitaux énormes transitant chaque jour par les marchés de change. L'Administration Reagan, en particulier, était connue pour son attachement aux marchés de change libres, abandonnés à eux-mêmes. Et le président Reagan connu pour son obstination. C'est pourquoi, le communiqué publié le 22 septembre au soir, rendant publics et la réunion des Cinq et leur accord, fut un véritable coup de théâtre. Les États-Unis reconnaissaient pour la première fois que le dollar était surévalué : « Les taux de change devraient refléter plus correctement les conditions économiques fondamentales que cela n'a été le cas », disait pudiquement le communiqué ; mais tout le monde comprenait qu'il s'agissait du dollar. La suite était plus explicite encore : « une certaine appréciation nouvelle, s'effectuant en bon ordre, des principales monnaies autres que le dollar, est désirable. » Enfin, l'engagement d'intervenir si nécessaire : « Les participants se tiennent prêts à coopérer plus étroitement pour l'encourager (cette appréciation) chaque fois que cette action apparaîtra utile. »

Le lendemain, le président Reagan, dans une déclaration télévisée, annonçait un programme de mesures destinées à lutter contre les pratiques déloyales (unfair) en matière de commerce et soulignait l'importance de l'accord des Cinq pour faire baisser le dollar. On comprenait alors que l'accord faisait partie de la stratégie présidentielle pour éviter les mesures protectionnistes préparées par le Congrès. Ce qui ne veut pas dire que l'accord soit seulement une pièce d'une vaste mise en scène. Au contraire, ce que souhaite l'Administration, c'est la baisse effective du dollar. Tout autant que le programme de lutte contre les pratiques déloyales des partenaires commerciaux des États-Unis, elle est nécessaire pour redresser la balance extérieure et dissuader sénateurs et représentants d'adopter des mesures sauvagement protectionnistes.

Le changement d'attitude des États-Unis est donc indéniable. C'est un événement considérable. Pour le mesurer, il suffit de rappeler une réunion internationale dont nous n'avons pas parlé, en raison de son échec, celle du Groupe des Dix (Le groupe des dix pays les plus riches du monde comprend les Cinq, plus la Belgique, les Pays-Bas, l'Italie, le Canada et la Suède.) à Tokyo, le 21 juin 1985. Cette réunion avait pour objet d'examiner le rapport d'un groupe de travail des Dix sur la réforme du système monétaire international (décision prise à la demande pressante de la France au sommet de Williamsburg en juin 1983). Le communiqué avait alors rejeté sans appel toute recherche d'un système de changes plus stables. La France s'était heurtée au scepticisme et à l'hostilité des neuf autres délégations ; malgré un long combat, elle n'avait même pas pu faire insérer le mot « intervention » dans le communiqué final.