Aucun de ces événements n'a mis fin au drame de l'Amérique centrale. Pourtant, après une longue période d'incertitude et d'affrontements, des espoirs apparaissent à l'horizon.

Washington et la solution politique

Dès le début de l'année, le rapport de 132 pages remis par l'ancien secrétaire d'État américain Henry Kissinger au président Ronald Reagan a un effet, peut-être déterminant, sur l'évolution de la situation. En soulignant la priorité des solutions économiques et sociales sur toute forme d'intervention militaire, les auteurs du rapport ont l'intelligence de reconnaître que la crise actuelle de l'Amérique centrale plonge ses racines dans l'histoire et non pas dans la seule lutte d'influence entre Moscou et Washington.

Les éléments modérés de l'administration américaine, soutenus par l'opinion publique que le syndrome du Viêt-nam a traumatisée, y trouvent dès lors une raison supplémentaire pour mener une action diplomatique de grande envergure. Elle était urgente. Les problèmes inhérents à chaque pays de la région sont en effet aujourd'hui imbriqués de telle sorte qu'il est difficile de les résoudre séparément.

Malgré leur intervention militaire plus ou moins déguisée dans plusieurs pays d'Amérique centrale, les États-Unis veulent, dans un premier temps, établir les assises d'une solution politique. C'est dans cet esprit qu'ils favorisent à El Salvador et au Guatemala, deux pays meurtris par la guerre civile, des élections directes au suffrage universel. Ils espèrent ainsi voir constitutionnellement écartées du pouvoir les forces d'extrême droite, hostiles à toute forme de dialogue avec la gauche, et l'extrême gauche. L'opération est couronnée de succès au Guatemala, puisque l'Union du centre national, favorable au retour des libertés démocratiques, remporte les élections du 1er juillet avec 26 % des voix contre 14 % à son adversaire d'extrême droite, le MLN-CAN, qui, depuis une trentaine d'années, dirige le pays avec le soutien des militaires.

Des élections à El Salvador

Elles seront en revanche d'une certaine manière décisives. Malgré la désorganisation du scrutin et l'abstention de nombreux électeurs, notamment dans les zones insurrectionnelles, la plupart des observateurs sont d'accord pour admettre qu'elles ont un caractère représentatif, dans les circonstances particulières que vit le pays. Il faut attendre le second tour du scrutin, le 6 mai, pour que le candidat démocrate-chrétien José Napoléon Duarte, de tendance modérée, l'emporte avec 53,6 % des voix sur son principal adversaire, le major Roberto d'Aubuisson, d'extrême droite, soupçonné d'être un des principaux responsables des Escadrons de la mort. Dès son entrée en fonctions, le nouveau chef de l'État s'engage à ouvrir des négociations avec la guérilla, « aussitôt que les conditions de pacification seront réunies ». Elles paraissent loin de l'être. Malgré la présence de 55 conseillers militaires américains et une aide importante de Washington, l'armée salvadorienne n'a pas réussi, après cinq années de guerre civile, à anéantir ni même à neutraliser la guérilla. Regroupés dans le Front Farabundo Marti de Libération nationale (FMLN), 10 000 révolutionnaires continuent à contrôler ou à occuper une partie du territoire, notamment à l'est et au nord du pays. Plusieurs centaines d'entre eux réussissent même, en juin, à endommager la centrale hydroélectrique de Cerron Grande, qui fournit le quart de l'énergie électrique du pays. Il faut l'intervention massive de l'armée pour éviter une catastrophe.

Convaincus que les révolutionnaires salvadoriens ne peuvent mener des opérations d'une telle envergure sans l'aide de l'extérieur, les États-Unis accusent nommément le Nicaragua, dont les dirigeants n'ont jamais caché leurs sympathies naturelles pour le FMLN. Dans ce climat d'exaspération croissante, il n'est pas difficile au président Reagan d'obtenir du Congrès un accroissement de l'aide économique et militaire à El Salvador.

Le Nicaragua dans la tourmente

Mais les crédits accordés aux contras, qui mènent à partir du Honduras et du Costa Rica des opérations armées à l'intérieur du territoire nicaraguayen, s'amenuisent au fil des mois. Le minage des ports du Nicaragua sur la côte pacifique, contraire à toutes les lois internationales, secoue d'autant plus l'opinion américaine qu'il a été effectué par des agents de la CIA ou du moins avec leur coopération active.