Le règne de Constantin Tchernenko commence sous le signe d'un net durcissement dans divers domaines. En Afghānistān, les méthodes plus souples pratiquées par Y. Andropov au cours des quinze mois précédents (trêve des combats dans certaines zones, tentatives de soudoiement et de division des chefs de la résistance) font place, dès avril, à une offensive généralisée dans la vallée du Panshir, menée avec 20 000 hommes de troupe (le contingent de l'Armée rouge dans ce pays passera de 95 000 à 115 000), plus de 500 chars et des bombardiers TU 16 déversant leurs bombes à haute altitude.

Dans le domaine du dialogue avec les États-Unis sur la limitation des armements, Constantin Tchernenko durcit les conditions mises à une reprise des négociations interrompues en novembre 1983 à la suite de l'arrivée des premiers missiles américains en Europe : le 2 mars, il précise que ce déploiement américain rend impossible le dialogue non seulement sur les forces nucléaires intermédiaires (FNI), mais aussi sur les armements intercontinentaux (START). Les « contre-mesures » annoncées quelques mois plus tôt contre les Pershing installés en Allemagne fédérale sont encore renforcées puisque Moscou annonce, le 15 mai, le prochain déploiement « d'un nombre supplémentaire de fusées tactico-opérationnelles à portée allongée » en RDA (il s'agit notamment de missiles SS 22, portant à 1 000 km).

Le mois de mai voit, en tout cas, un nouveau durcissement de la position soviétique, qui va introduire pour plusieurs mois une glaciation assez générale des rapports de Moscou tant avec l'Ouest qu'avec d'autres partenaires. Le 8 mai, l'URSS annonce son retrait des jeux Olympiques d'été de Los Angeles ; elle entraîne dans son sillage, au cours des semaines qui suivent, tous les alliés du bloc communiste à l'exception de la Roumanie, ainsi que plusieurs autres pays (Yémen du Sud, Éthiopie, Angola, etc.) qui lui sont proches.

Toujours en mai, un voyage que Ivan Arkhipov, Premier vice-président du gouvernement et responsable de la coopération économique extérieure devait faire en Chine est annulé au dernier moment. Cette visite aura finalement lieu en décembre.

La glaciation diplomatique

Cette attitude va de pair avec un nouveau durcissement contre l'opposition interne. Andrei Sakharov, l'académicien dissident exilé à Gorki depuis 1980 et qui a déclenché une grève de la faim, est l'objet de nouvelles attaques en mai. La relégation imposée à sa femme, Elena Bonner, a pour effet de le couper de tout contact avec l'extérieur. De nouveaux arrêtés renforcent les sanctions pour dérogations aux règles de séjour des étrangers (29 mai), au contrôle des armes à feu (14 juin), à la protection des bâtiments publics (19 juin), etc. Iouri Lioubimov, le directeur du théâtre Taganka à Moscou pendant vingt ans et qui séjournait en Grande-Bretagne depuis un an, est déchu, le 11 juillet, de sa nationalité soviétique et contraint à un exil définitif. La dissidence ayant été muselée par ces mesures et par une série de condamnations frappant des protestataires moins connus dans les provinces, l'appareil répressif va désormais s'attacher à récupérer certains « défecteurs » plus anciens : le retour en URSS, à partir de l'automne, de Svetlana Staline, fille de l'ancien dictateur, partie à l'Ouest en 1967, celui d'Oleg Bitov, ancien rédacteur en chef adjoint de la Literatournaia Gazeta et même de deux militaires soviétiques qui avaient déserté en Afghānistān illustrent les succès de cette politique.

Les rares visiteurs étrangers du Kremlin ne peuvent que constater une mentalité de forteresse et de blocage politique. C'est le cas de François Mitterrand, qui fait en juin son premier voyage à Moscou en tant que président français, mais aussi des ministres italien et ouest-allemand des Affaires étrangères, qui l'ont précédé au printemps. Ce dernier notamment, H. D. Genscher, est accueilli à son arrivée à Moscou par le début d'une campagne contre le « revanchisme » qui marquerait la vie politique à Bonn. La presse soviétique va poursuivre ses attaques à ce sujet durant tout l'été, dans le but évident de faire obstacle au rapprochement qui se développe à la même époque entre la République fédérale et la République démocratique allemande. Celle-ci obtient en juin un nouveau prêt de 950 millions de DM de Bonn, et son président, Erich Honecker, est attendu en RFA le 26 septembre.