Europe

L'année européenne s'amorce sous le signe de la morosité, après l'échec du sommet d'Athènes des 3 et 4 décembre 1983. Pourtant, au fil des mois et après bien des péripéties, les Dix parviennent à s'entendre sur les trois dossiers qui empoisonnaient leurs relations : la contribution britannique au budget communautaire, la maîtrise des dépenses communes et l'élargissement de la CEE à l'Espagne et au Portugal. Grâce à un accord in extremis à Dublin, le 3 décembre 1984, la Communauté parvenait, selon l'expression de François Mitterrand, à se débarrasser « des scories du passé » et à régler ses contentieux. En revanche, ses divisions demeurent tout aussi fortes en ce qui concerne l'avenir, et elle ne parvient toujours pas à se mettre d'accord sur une relance de l'union politique, qui devrait constituer le grand ouvrage de 1985.

Dépasser l'intendance

La querelle de la contribution britannique tient en haleine la Communauté pendant une grande partie de l'année. À dire vrai, depuis 1979, les marchandages incessants entre Margaret Thatcher et ses neuf partenaires occupent le plus clair du temps des conseils communautaires. En prétextant qu'elle verse davantage au budget de la CEE que ses partenaires, alors que ses concitoyens sont moins riches, la Dame de fer avait réussi à obtenir des remboursements de 3,735 milliards d'ECU entre 1980 et 1982. Pour 1983, les Dix avaient promis 750 millions d'ECU, alors que la Grande-Bretagne en réclamait le double.

Devant l'attitude d'obstruction du Royaume-Uni au Conseil du 22 mars, la France et l'Italie s'opposent au remboursement. Un compromis est trouvé en juin à Fontainebleau, mais c'est seulement le 2 octobre, en raison de nouveaux rebondissements, que les ministres des Affaires étrangères arrivent à un accord d'ensemble sur le dossier financier. Le 10 octobre, l'Assemblée de Strasbourg donne le feu vert, et, le 18 octobre, la Commission annonce qu'elle va signer le chèque.

Discipline budgétaire

Les décisions les plus importantes adoptées en 1984 concernent le budget. La Communauté connaît en effet un déficit croissant, lié au fait que la plus grande partie des ressources (75 %) est consacrée au financement de la politique agricole commune. Les ressources propres de la CEE proviennent des droits de douane, des prélèvements agricoles (taxes sur les importations) et, pour 60 %, du versement de 1 % sur les recettes de TVA. La Commission avait proposé de doubler cette dernière source de financement. Mais les États membres s'y sont refusé, prévoyant seulement de transférer 1,4 % du produit de la TVA, à partir de 1986, puisqu'il faudra obtenir une décision de chaque Parlement national.

C'est dire qu'il faudra trouver d'autres moyens pour équilibrer le budget européen, qui n'est déjà bouclé que par des artifices. En 1983, on a procédé à un report de certaines dépenses pour arriver à l'équilibre. Cette méthode ne peut se renouveler pour 1984, où le déficit est estimé à 2,3 milliards d'ECU, tandis qu'en 1985 on risque de connaître une situation du même ordre. Pour apurer les comptes, il faudra procéder à des avances remboursables faites par les États membres, ce qui n'est pas conforme aux traités.

Politique agricole

L'illustration de ce danger peut apparaître rapidement avec la politique agricole commune. Un plafonnement rigoureux est mis au point, prévoyant que, à l'avenir, les dépenses agricoles devront progresser moins vite que le produit intérieur brut.

Pour le lait, le Conseil des ministres du 31 mars avait établi des limitations sévères : la production de lait doit diminuer pour l'année 1984-1985 de 4 %, par rapport à l'exercice précédent : elle ne doit pas dépasser 99,5 millions de t au lieu de 103,7 millions. En France, la réduction est de 3 %, la production garantie revenant de 26,1 à 25,6 millions de t. Parallèlement, la taxe de coresponsabilité des producteurs est portée de 2 à 3 %. Enfin les prix, exprimés en ECU, baissent de 1 % en moyenne. En France, ils sont relevés de 5 %, c'est-à-dire moins que l'inflation, grâce à une réduction des montants compensatoires monétaires, ce qui provoque de vives doléances des agriculteurs devant la diminution de leur pouvoir d'achat.