Mario Soares engage, le 26 juillet, l'épreuve de force en exigeant la démission du chef d'état-major de l'armée, le général Garcia Dos Santos, ami personnel du président Eanes. Un mauvais présage pour ce que certains ont qualifié, dès sa naissance, de « gouvernement de la dernière chance ».
Georges Dupoy
Suède
Une neutralité à dure épreuve
Les incursions de mystérieux sous-marins non identifiés dans les eaux territoriales suédoises et les archipels de la Baltique deviennent un vrai roman-feuilleton en 1983. À tel point que les Scandinaves commencent à se demander si leur défense nationale n'exagère pas sciemment l'ampleur de ces violations, afin d'obtenir des crédits supplémentaires.
Le 26 avril, la bombe éclate : une commission parlementaire, présidée par Sven Andersson, ancien ministre des Affaires étrangères, présente un rapport explosif. Elle établit que six submersibles soviétiques, dont trois sous-marins de poche, ont opéré pendant plus de deux semaines, en septembre et octobre 1982, dans le bras de mer de Haarsfjaerden, à proximité de Muskoe, une base navale ultrasecrète, à une trentaine de kilomètres seulement de Stockholm. Elle n'exclut pas que l'un de ces mini-engins, de quinze à vingt mètres de long, se soit même aventuré en plein centre de la capitale, à quelques brasses du château royal. Les experts ont réussi à identifier les intrus au moyen d'instruments de détection, en écoutant le bruit des moteurs et le trafic radio. De plus, les plongeurs de la marine ont photographié sur le fond sablonneux du fjord des traces de chenilles laissées par les sous-marins de poche.
Le rapport de la commission Andersson provoque un gel des relations suédo-soviétiques. Le gouvernement social-démocrate d'Olof Palme, indigné, adresse une note de protestation officielle à Moscou et rappelle son ambassadeur pour consultation. L'URSS, de son côté, plaide non coupable, accuse les responsables militaires suédois de vouloir flirter avec l'OTAN et réclame même que les auteurs du rapport soient traduits devant des tribunaux impartiaux, puisqu'ils sont incapables d'apporter des preuves irréfragables que les sous-marins, qui n'ont jamais fait surface, étaient soviétiques.
Incursions répétées
Les Suédois se sont fourvoyés en pensant que la fermeté de leur réaction diplomatique allait mettre un terme une bonne fois pour toutes aux activités de sous-marins étrangers le long des côtes de la Baltique. Au mois de septembre, le général Lennart Ljung, commandant en chef des forces armées, révèle que les eaux territoriales suédoises ont de nouveau été violées, à trente reprises au moins, au cours de l'été — notamment par des mini-sous-marins. Mais, cette fois, le gouvernement, n'ayant pas suffisamment d'informations techniques en sa possession, ne désigne pas le coupable du doigt. Il est clair qu'on ne veut pas envenimer les relations déjà tendues avec Moscou à la veille de l'ouverture, au mois de janvier 1984, de la conférence de Stockholm sur le désarmement en Europe, qui fera suite à la réunion de Madrid. Il est clair aussi que ces submersibles, qui opéraient à proximité des bases militaires et souvent à l'occasion de manœuvres, appartenaient probablement à la marine soviétique...
Pour ce qui est des motifs exacts de ces incursions répétées, les militaires suédois sont toujours aussi perplexes. Missions d'espionnage ? Entraînement des équipages dans les archipels difficilement navigables ? Repérage de caches où des sous-marins pourraient se dissimuler en cas de conflit international, dans les eaux d'un pays neutre ? Les hypothèses sont nombreuses, et la Suède, qui prêche continuellement le désarmement et le dialogue, qui propose la création d'une zone dénucléarisée en Europe du Nord, se demande ce qu'elle a bien pu faire pour mériter un tel traitement. Il semble, en tout cas, que l'URSS considère la Baltique comme une mer faisant partie de sa zone d'influence. Elle entend le montrer à ses voisins et s'en assurer le contrôle.
Tragicomédie
La neutralité est donc mise à dure épreuve. Les uns — c'est le cas de l'opposition conservatrice — pensent qu'une attitude ferme s'impose pour que cette neutralité demeure crédible. D'autres, comme Olof Palme sans doute, souhaitent un retour rapide à des rapports normaux avec l'URSS. Mais, sur un point, tous les partis sont d'accord : il faut absolument renforcer la défense anti-sous-marine, qui a été trop longtemps négligée, et la marine reçoit 600 millions de couronnes supplémentaires pour l'acquisition de nouvelles armes et d'hélicoptères modernes.