La tension le long de la frontière avec la Libye et les ingérences de Tripoli au Tchad n'inquiètent pas vraiment le raïs, qui en profite pour resserrer ses liens avec le Soudan et la France, qu'effraient les ambitions du colonel Kadhafi Khartoum rétablit avec Le Caire, en mars 1981, des relations diplomatiques complètes.

Les contacts politiques avec Paris, jusqu'alors très limités, se développent : voyage de l'épouse du chef de l'État français au Caire, le 9 janvier 1981 ; accueil chaleureux réservé à Paris au président Sadate par Valéry Giscard d'Estaing le 11 février.

La France est le deuxième partenaire économique de l'Égypte. Les projets de construction du métro, de modernisation de l'aéroport et du réseau de télécommunications du Caire sont confiés à des firmes françaises. Paris, qui a consenti le 7 novembre 1980 une aide financière de 625 millions de F, vend le 9 janvier 1981 30 avions Alpha Jet et s'engage à construire des centrales nucléaires sur les bords du Nil.

Seule ombre à ce tableau : le peu d'intérêt manifesté par la France pour les échanges culturels.

Pactole

La situation économique est un autre sujet de satisfaction pour le président Sadate.

Le tourisme, les émigrés, le canal de Suez et le pétrole sont plus que jamais d'importantes sources de devises. Les 1 600 000 Égyptiens qui travaillent à l'étranger — surtout dans les riches pays du Golfe — rapatrient, en 1980, 3 milliards de dollars.

Le trafic dans le canal de Suez, élargi grâce à d'importants travaux, retrouve son niveau d'avant juin 1967 (date de sa fermeture) et assure 800 millions de dollars de rentrées en 1980. La construction d'un tunnel sous le canal permettra, en 1982, de relier par voie terrestre l'Afrique à l'Asie, pour la première fois depuis 111 ans.

L'Égypte, dont les réserves prouvées de pétrole ont augmenté d'un milliard de barils en 1980, produira, en 1981, 50 millions de t de brut (autant que l'Algérie !). Les exportations assurent déjà 2,9 milliards de dollars de revenus par an.

Les retombées de ce pactole ne se font pas attendre. La croissance du revenu national s'établit à près de 9 % par an. Le pouvoir d'achat des plus démunis augmente annuellement de 2 %. La balance des paiements est excédentaire de un milliard de dollars en 1980.

Cette remontée spectaculaire d'un pays dont le taux de natalité est l'un des plus élevés du monde est fragile. Elle demeure liée à l'aide occidentale, qui augmente de près d'in tiers en 1981. La dette extérieure est estimée à 12,5 milliards de dollars, soit 60 % du PNB

Pro-américain

Ce sont surtout les liens étroits avec les États-Unis qui conditionnent le développement économique et le renforcement militaire de l'Égypte. Washington a déjà transformé en dons les crédits de un milliard de dollars consentis au Caire pour 1981.

L'accession à la tête du ministère de la Défense d'un pro-américain notoire, le général Abou Ghazala (à la suite du décès accidentel du général A. Badaoui, le 2 mars), ne peut que renforcer cette coopération.

Le président Sadate redoute pourtant, après le remplacement de son « ami Jimmy » par Ronald Reagan à la présidence des États-Unis, que les relations égypto-américaines perdent leur caractère privilégié. Sans renier les accords de Camp David, l'administration Reagan estime qu'elle doit aussi développer des rapports avec d'autres pays arabes (Arabie Saoudite, Jordanie, Iraq, voire Syrie), pour promouvoir un règlement global du conflit israélo-arabe et neutraliser l'influence de Moscou.

À défaut d'être complètement rassuré sur les intentions US, Anouar el-Sadate s'attache à ne pas compromettre la restitution du Sinaï occupé par Israël, prévue pour 1982. C'est pourquoi le raïs multiplie les témoignages de bonne volonté à l'égard de Tel-Aviv (notamment à l'occasion de la crise syro-israélienne d'avril 1981), malgré le gel des négociations sur l'autonomie de la Cisjordanie, dès le mois d'août 1980.

Un accord entre Le Caire et Tel-Aviv sur la composition de la force de paix multinationale au Sinaï est conclu le 28 mai 1981, et Anouar el-Sadate rencontre une semaine plus tard Menahem Begin à Charm el-Cheikh.