Législation

Sécurité et liberté

Un sondage effectué en 1981 révèle que plus de 70 % des Français interrogés ignorent tout des dispositions de la loi Sécurité et liberté. Pourtant, rarement texte de loi aura suscité autant de réactions et de remous. Risque d'atteinte à la liberté privée, limitation du pouvoir judiciaire, non-respect des droits de la défense, ou bien coup d'arrêt porté à la violence et meilleure garantie des libertés individuelles ?

Après neuf mois de controverses, d'invectives, de débats publics, de polémiques et de batailles parlementaires, le Conseil constitutionnel, juge suprême, a, le 20 janvier 1981, déclaré conformes à la Constitution française 96 des 100 articles qui avaient été votés le 19 décembre 1980 par le Parlement.

Alain Peyrefitte, garde des Sceaux et auteur du projet, a justifié son texte par la nécessité de lutter contre le sentiment grandissant d'insécurité des Français et d'adapter les lois à la répression de certaines formes modernes de violence, et par le souci de développer les garanties des libertés des citoyens. Une nouvelle philosophie pénale se dégage de la loi promulguée le 2 février 1981. Elle assure la certitude de la peine et garantit la promptitude de la répression (article 1er).

Sévère

Le citoyen est mieux protégé, donc plus libre, si les peines qui sont prononcées en son nom sont sûres, c'est-à-dire mieux définies, d'une part, et mieux appliquées, d'autre part. Les nouveaux textes procèdent donc à une nouvelle définition des infractions de violence et limitent les mesures de clémence accordées aux délinquants qui s'en sont rendus coupables.

Ainsi, lors de violence à magistrats, de sévices à enfants, de séquestration, de vol qualifié, de trafic de stupéfiants, par exemple, le pouvoir d'appréciation des juges se trouve-t-il restreint : la loi fixe des peines-planchers, limite les conditions de bénéfice du sursis et des circonstances atténuantes et renforce les règles d'application de la récidive. Pour s'adapter à l'évolution des temps, la loi identifie de nouvelles infractions et relève l'échelle des peines applicables. Le délit de menaces, le délit de séquestration de moins d'un jour ou l'entrave à la circulation des trains font ainsi leur apparition dans le Code pénal. Les peines applicables aux vols, aux coups et blessures volontaires et aux sévices infligés à enfants sont sévèrement relevées.

Mais la certitude de la répression ne nécessite pas seulement la restriction de l'individualisation des peines, elle implique leur application effective. La loi la prévoit expressément (chapitre 3) ; elle répond ainsi à une préoccupation souvent exprimée par le public.

Le régime de sûreté, en vertu duquel les condamnés ne peuvent en aucun cas bénéficier de permissions de sortie, s'applique désormais aux malfaiteurs condamnés à des peines supérieures à 5 ans (et non plus 10). La liste des infractions visées par ces dispositions est étendue. Les permissions de sortie, elles-mêmes, seront délivrées non plus sur la seule décision du juge d'application des peines, mais avec l'accord de la commission d'application des peines. Sévérité accrue aussi pour accorder la libération conditionnelle ou pour décider des remises de peine.

Contrôles

Une nouvelle définition des délits et des peines ne suffit pas à garantir la sécurité du citoyen. Celle-ci dépend également de la promptitude de la répression. Elle doit être assurée aussi bien dans la phase policière que dans la phase judiciaire de la procédure.

Une personne ne peut être retenue plus de 24 heures pour interrogatoire dans les locaux de la police. Ce délai de garde à vue peut toutefois être prolongé de 24 heures par le procureur de la République. La loi du 2 février 1981 modifie l'article 63 du Code de procédure pénale et autorise, dans certains cas (enlèvement, prise d'otages, vol avec port d'armes), une nouvelle prolongation exceptionnelle de 24 heures du délai de garde à vue, mais sur décision d'un magistrat du siège.

Toujours en matière d'activités policières, la loi Sécurité et liberté généralise la pratique des contrôles d'identité. Ainsi, toute personne doit désormais pouvoir justifier de son identité sur requête des officiers ou agents de police judiciaire. À défaut, elle sera conduite dans un local de police et pourra y être retenue 6 heures jusqu'à ce qu'elle ait pu apporter les éléments faisant preuve de son identité.

Rapidité

La promptitude de la répression doit également être assurée dans la phase judiciaire de la procédure. C'est ainsi que la loi prévoit, en matière correctionnelle et en matière criminelle, des allégements de procédure, afin d'éviter des lenteurs superflues et l'encombrement des circuits d'instruction. Si l'affaire ne nécessite pas d'enquête complémentaire, les auteurs de certains délits peuvent être soumis directement au tribunal correctionnel sans qu'il soit obligatoire de saisir un juge d'instruction. Cette saisine directe remplace la procédure ancienne des flagrants délits. Ce sont ces articles de la loi qui, les premiers, ont reçu leur application, dès février 1981.