Journal de l'année Édition 1978 1978Éd. 1978

Il faudra attendre décembre pour voir le premier indice favorable, alors que chacun est convaincu que le coût de la vie pèsera de façon quasi déterminante sur le scrutin, avec le problème de l'emploi qui reste la préoccupation essentielle des milieux économiques et politiques. Ce que rappellent les tensions sociales de décembre qui atteignent la Bourse elle-même, où tout arrêt de travail est pourtant bien néfaste.

Priorités

L'année est noire en effet pour les charges d'agents de change dont la situation, dramatique au premier semestre, ne s'est pas sensiblement redressée les mois suivants. Ce qui conduit la profession à s'interroger sur son avenir et d'une façon plus générale sur celui des valeurs mobilières. Le forum organisé en décembre par la Compagnie des agents de change, avec la participation des partis politiques, apporte toutefois des éléments de réflexion encourageants. Passons sur le problème des nationalisations proprement dites, qui ne peut que voir s'opposer partis de la majorité et partis de gauche, alors même que ces derniers n'ont pas réussi ou voulu réussir à s'entendre pour prendre clairement position sur les modalités d'indemnisation qui sont envisagées.

Le point le plus important est ailleurs, dans le consensus qui se dessine entre les différents partis de la majorité pour admettre une révision fondamentale des axes jusqu'ici respectés et rejoindre les conclusions récentes du syndic de la Compagnie des agents de change, Yves Flornoy : on a trop longtemps privilégié l'épargne liquide et les investissements immobiliers en détournant les disponibilités de l'investissement productif, privilégié l'endettement au détriment des fonds propres.

Il faut donc changer de voie, réviser en l'accentuant la fiscalité immobilière, abroger ou du moins revoir la loi sur la taxation des plus-values mobilières, loi inapplicable et dont le second gouvernement Barre avait reporté l'entrée en vigueur à janvier 1979. Cette évolution explique les orientations nouvelles qui seront définies au lendemain des élections, et qui iront de pair avec le retour progressif à la liberté des prix, évoqué dès janvier dans le Programme de Blois.

Sondages

Mais on n'en est pas encore là, et les sondages qui vont se succéder rappellent que, même divisée, la gauche conserve des chances réelles d'arriver au pouvoir. Aussi la baisse de la Bourse se précipite-t-elle en janvier, au point que l'indice général se retrouve début février au niveau de 54,1. Un niveau certes supérieur à celui de mai 1977, mais inférieur de plus de 16 % à celui auquel avait conduit la reprise de l'été.

Il est vrai que l'environnement n'est pas des plus stimulants puisque l'indice Dow Jones des valeurs industrielles américaines a lui-même passé début janvier le seuil de 800 et que la faiblesse du franc, d'origine politique, pèse sur le marché. Il faut d'ailleurs relever, le 10 février, les taux de l'argent à 10,5 % sur le marché monétaire pour contribuer à défendre notre monnaie.

Cette inquiétude de la Bourse s'inscrit dans un climat général qui pousse à l'attentisme. Incertaines du lendemain, les sociétés se refusent à investir, du moins en France, où leur rentabilité n'est plus assurée. Certains secteurs sont dans une situation particulièrement dramatique, notamment la sidérurgie.

Mais il y a d'autres points noirs, les uns sectoriels, de la construction navale au papier, les autres plus ponctuels avec Boussac ou Manufrance. Les plus belles affaires elles-mêmes ne peuvent plus obtenir en France les profits auxquels elles pourraient prétendre. Témoins Michelin, qui développe son implantation à l'étranger, Carrefour, qui ouvre à l'extérieur les surfaces de vente qui lui sont refusées en France, Saint-Gobain-Pont-à-Mousson, qui réalise à l'intérieur 49 % de ses ventes globales mais n'en tire que 25 % de sa marge brute d'autofinancement et 6 % seulement de son résultat net.

Février permet cependant de retrouver un certain équilibre et même d'assister à une légère reprise de la cote. La Bourse avait joué le pire, mais tout n'est peut-être pas perdu. L'étranger, notamment, croit à une victoire possible de la majorité et se montre prêt à prendre quelques risques sur le marché français qui offre des cours anormalement bas et un taux de change intéressant. La dépréciation des cours est d'ailleurs mise en lumière par les premiers résultats publiés et les intentions avouées en matière de dividende. On trouve couramment des rendements de 12 à 15 %. Aussi l'indice s'établit-il à 57 le jeudi 9 mars. Il n'y a plus qu'une séance avant le premier tour des élections.