Journal de l'année Édition 1976 1976Éd. 1976

Marché commun

L'Europe politique se cherche

La Communauté européenne voudrait bien se consoler sur le terrain politique de ses déboires sur le terrain économique. Mais elle n'y parvient pas. Tel est pour l'essentiel le bilan des actions communautaires entre l'été 1975 et l'été 1976.

La période n'avait pourtant pas mal commencé. Au printemps 1975, les Anglais ratifient solennellement, par voie de référendum, leur adhésion au Marché commun. Au même moment, le chef de l'État français décide de réintégrer le franc dans le bloc monétaire européen constitué autour du mark sous le nom de serpent monétaire.

Crise

Mais le premier de ces deux événements ne devait pas avoir de prolongement immédiat dans la vie de la Communauté, tant les difficultés économiques de la Grande-Bretagne ont été grandes. Quant au retour du franc dans la zone de flottement concerté des monnaies en Europe, il devait être de courte durée. En mars 1976, V. Giscard d'Estaing est contraint de faire machine arrière.

La crise économique mondiale aurait pu avoir deux effets de sens contraire sur la vie de la Communauté. Ou bien elle pouvait être un défi que les Européens auraient décidé de relever en serrant les rangs ; c'est ce qu'ils avaient fait en 1950, en créant le pool charbon-acier sous la menace de la guerre froide, et en 1956, en créant le Marché commun, après le double bang de l'intervention de l'URSS en Hongrie et de la nationalisation du canal de Suez. Ou bien, deuxième hypothèse, la Communauté se lézardait sous le choc.

C'est la seconde hypothèse qui se vérifie. Le 20 février 1976, François-Xavier Ortoli, président de la Commission des Communautés, déclare devant le Parlement européen : « La crise économique a frappé différemment chaque État membre et, malgré un sérieux effort de coordination des politiques, vigoureusement encouragé par la Communauté, nous sortons de la crise plus éloignés les uns des autres que nous n'y étions rentrés. » Un mois plus tard, les faits lui donnent raison puisque la France renonce à maintenir sa monnaie au sein du serpent monétaire européen. Cette zone de flottement concerté des monnaies européennes par rapport au dollar redevient ce qu'elle était, c'est-à-dire purement et simplement une zone mark : puisqu'à partir de mars 1976 ni le franc français, ni la livre anglaise, ni la lire italienne n'y participent.

En avril 1976, les chefs d'État et de gouvernement de la Communauté sont réunis au sein du Conseil européen à Luxembourg pour constater cet échec. À l'appel de François-Xavier Ortoli demandant de resserrer la solidarité au sein de la Communauté, le chancelier allemand Helmut Schmidt répond sans détour : que chacun fasse d'abord la preuve, chez lui, de sa rigueur et de sa discipline dans la lutte contre l'inflation, avant de demander une aide à l'extérieur. Les Allemands ne veulent manifestement pas réparer les erreurs des autres. Toutefois, cela n'empêchera pas la Communauté, quelques semaines plus tard, d'accorder une aide financière à l'Italie au bord de la catastrophe.

Les Allemands reviennent à la charge en demandant le plafonnement des dépenses de la Communauté, notamment dans le domaine agricole. Mais la grande révision de la politique agricole commune, prévue pour la fin 75, est remise à plus tard. La bataille annuelle sur les prix agricoles, au printemps 1976, s'achève dans l'habituel compromis, malgré le différend entre la France et l'Italie sur le vin, et entre la France et la plupart de ses partenaires sur le prix du lait.

Sommets occidentaux

Si la Communauté économique se lézarde, elle n'éclate pas. V. Giscard d'Estaing peut déclarer, après le sommet de Luxembourg, que les difficultés rencontrées ne sont pas à proprement parler des difficultés entre Européens. C'est d'ailleurs une constante dans l'attitude du chef de l'État, qui, depuis le début de la crise économique mondiale, a prêché la concertation entre l'Europe, les États-Unis et le Japon. V. Giscard d'Estaing a obtenu certains succès en ce sens avec la réunion du sommet occidental à Rambouillet fin 1975 et la mise en route effective de la grande conférence Nord-Sud pour l'instauration d'un nouvel ordre économique international, avec la participation des pays industrialisés, des pays du tiers monde et des pays producteurs de pétrole.