Tandis que le Français adoptait un comportement d'attente tout à fait compréhensible, un vent de folie soufflait au niveau des distributeurs et des confectionneurs, qui avaient surstocké au cours du premier semestre de 1974 et qui, d'un seul coup, différaient brutalement leurs commandes et déstockaient massivement. Après avoir atteint le niveau de 121 à la mi-74, l'indice de la production textile tombait à 96 en décembre et ne réussissait guère à dépasser 105 tout au long de l'année 1975.

Résultat : en 1975, la production a baissé de 14 % (dont 16 % dans le coton) alors qu'elle avait déjà subi une baisse de 4,2 % en 1974. Bref, elle a retrouvé son niveau de 1970.

Coton

La chute de la production a été d'une plus grande ampleur que la réduction des commandes, car les importations à bas prix ont continué à progresser. En effet, si les importations ont globalement baissé de 12 % en 1975 (contre une baisse de 13 % des exportations), certains produits étrangers ont continué à envahir le marché : les tissus de coton (+ 15,6 %), les vêtements masculins (+ 22,5 %), la bonneterie de coton (+ 15,5 %). Dans le secteur cotonnier, celui qui est le plus touché par les achats en provenance de pays à main-d'œuvre bon marché, le taux de pénétration des importations a représenté 76 % de la production de filés et 79 % de celle de tissus, contre 57 % en 1974.

Pour l'industrie textile, il n'y a donc à l'heure actuelle que trois issues : l'arrêt de la production, l'exportation, la réglementation des échanges internationaux. La première de ces solutions est fatale pour un certain nombre d'entreprises, petites ou moyennes, qui ont hésité à débaucher en 1975 et qui ne tiendront plus longtemps sous le poids de leurs frais financiers. En revanche, le courant exportateur, seul moyen de compenser l'invasion de produits en provenance des pays de l'Est et du Sud-Est asiatique, a très nettement repris dès la fin de 1975, sous l'effet de la relance économique, notamment en Allemagne. Il a d'ailleurs touché davantage l'industrie lainière que le coton, dont la situation restait encore précaire à la fin du premier trimestre 1976.

En février 1976, les horaires moyens hebdomadaires de travail étaient d'ailleurs respectivement de 44 et de 39,5 heures dans les deux secteurs. On observe donc un certain retour à une situation plus normale.

Il n'empêche que le problème fondamental du marché mondial des articles textiles reste posé. Des initiatives ont, certes, été prises pour restreindre les importations en provenance notamment du Pakistan, de la Corée du Sud, de l'Inde, de Malaisie, de Singapour, etc. Mais il y a toujours moyen de passer à travers les mailles du filet, que les professionnels considèrent d'ailleurs comme trop larges, surtout au cours d'une période de récession.

La Turquie et la Grèce, pays associés aux Communautés européennes, échappent à toute réglementation. On est très coulant pour l'Espagne. Certains de nos voisins (les Hollandais en particulier) sont passés maîtres dans le détournement de trafic, et collent allègrement du made in Holland sur des marchandises variées. Mais peut-on faire une police efficace alors que le textile est le symbole du décollage industriel, et la nippe celui de l'affranchissement de la jeunesse ?

Ce n'est qu'à l'occasion du renouvellement, en 1977, de l'accord international multifibres de 1973 que l'on pourra se prononcer. Il y a fort à parier qu'un nouvel accord ne résoudra rien. Des mesures de reconversion devront alors s'imposer, car il est difficile d'admettre qu'on puisse laisser purement et simplement mourir à petit feu une industrie qui emploie encore plus de 400 000 personnes.

Distribution

Face à la crise, le commerce a résisté

Année de consolidation pour l'univers commercial, qui semble en train de digérer la révolution causée par les grandes surfaces. Après plus de deux ans d'application de la loi Royer, les petits patrons ne semblent plus disposés comme naguère à descendre dans la rue, et les menaces de Gérard Nicoud ne trouvent plus qu'un écho très limité.

Croissance

Le commerce a mieux résisté à la crise que la plupart des secteurs industriels : en volume, la progression de son activité a atteint 1,9 %, avec 402 milliards de F de chiffre d'affaires en 1975, soit, en valeur, une croissance de 13 % par rapport à 1974, en raison de la hausse des prix.