La contestation, qu'on pourrait appeler de gauche, a notamment trouvé comme porte-parole Joël Sternheimer, chargé de cours de physique à l'université de Vincennes, connu aussi comme chansonnier sous le nom d'Évariste. Ses thèses devaient faire l'objet d'une émission télévisée dont la suppression (à la suite d'un avis défavorable de la commission des sciences de l'ORTF) fut l'occasion d'une polémique.

La part de la recherche fondamentale dans le progrès technologique et l'innovation a donné lieu à des évaluations fortement divergentes : de 0,3 à 70 % ! Un tel écart met en lumière le caractère subjectif de rapports dans lesquels les chiffres servent surtout à étayer des positions déjà prises au départ.

Problèmes concrets

Plus constructifs semblent les travaux qui tendent à définir les finalités du progrès scientifique et technologique, et à orienter la recherche en fonction de ces finalités. Dans cette ligne s'inscrit le rapport Mansholt, qui oppose au primat de la croissance pour la croissance celui de la qualité de la vie.

Les problèmes posés ici ressortissent à la politique de la science, sinon à la politique tout court. Aussi bien les rapports de la science et du pouvoir, le rôle des scientifiques dans la société sont-ils maintenant au centre d'une discussion permanente. Août 1971 : l'OCDE (Organisation de coopération et de développement économiques), dans un rapport Science, croissance et société, insiste sur la nécessité d'approfondir l'étude « des interactions entre ce qu'on a traditionnellement qualifié de facteurs économiques et les changements de structure dus aux progrès extraordinaires de la science et de la technologie ». Octobre 1971 : la quatrième conférence des ministres de la Science des pays de l'OCDE est entièrement consacrée au même problème. Avril 1972 : la conférence du Conseil de l'Europe réunie à Lausanne inscrit à son ordre du jour Science et parlement. Juin 1972 : colloque de trois jours à Vence (Science et société) sous l'égide de l'OCDE et d'un organisme français, la DGRST (Délégation générale à la recherche scientifique et technique).

À Paris, face aux attaques contre la science venant de divers horizons intellectuels, l'Union rationaliste, organisation philosophique comprenant surtout des universitaires, ouvre une série de débats publics. La conclusion qui s'en dégage est que la crise de la recherche n'est que celle de la société actuelle. Non seulement la science n'est pas en cause, mais encore l'esprit qui est le sien doit contribuer à résoudre les grands problèmes du temps présent. Ce qui doit conduire les scientifiques à s'opposer au pouvoir qui les utilise pour ses fins propres.

Mais c'est précisément ce pouvoir qui dispense les crédits sans lesquels la recherche ne peut vivre. Ici l'on quitte le domaine des considérations générales et des vœux pieux pour celui, plus concret, des prévisions budgétaires. Au cours de l'élaboration du VIe Plan, on avait d'abord fixé à la recherche, comme objectif à atteindre pour 1975, les 3 % du PIB (produit intérieur brut) ; le gouvernement ramena ce chiffre à 2,5 %. Mais les autorisations de programmes, en 1971, sont restées très en deçà des minimums impliqués par un tel objectif. Le budget de 1972 marque un léger progrès, dont bénéficient notamment le CNRS (de 180 millions de F à 252 millions), le CNEXO (de 60 à 75 millions) et l'INSERM (de 26 à 40 millions). Ces augmentations — dont la valeur réelle se ressent de l'usure monétaire — portent sur les budgets de fonctionnement ; elles sont absorbées par le renouvellement du matériel et la revalorisation des salaires.

Sur la base d'enquêtes réalisées en France, en Grande-Bretagne et en Allemagne de l'Ouest, un rapport de l'OCDE constate : « Dès lors que la croissance des ressources allouées à la recherche fondamentale paraît destinée à connaître un rythme plus régulier et sans doute plus modéré, il est paradoxal de voir le système d'enseignement supérieur continuer à produire à la même cadence des futurs candidats aux postes de recherche et aux subventions gouvernementales. »