Le gouvernement Nooman avait été soumis aux pressions convergentes de l'URSS et de l'Arabie Saoudite. Cette dernière avait freiné laide financière et les livraisons d'armement en raison des hésitations de Sanaa à croiser le fer avec le régime marxisant de la République démocratique du Yémen (Aden). L'Union soviétique, pour sa part, manifestait de diverses manières sa mauvaise humeur face à la politique de plus en plus pro-occidentale du gouvernement Nooman, qui avait rejeté une demande de reconnaissance de la République démocratique allemande, préférant recevoir l'aide financière et technique de la République fédérale. Le gouvernement Nooman dut s'effacer devant l'URSS, qui équipe entièrement l'armée yéménite et qui fournit à la RAY une assistance multiforme.

Le 14 août 1971, un complot est éventé dans l'armée. Sept officiers, formés dans les académies militaires soviétiques, sont arrêtés. L'épuration qui s'ensuit permet l'accession à la présidence du Conseil du général Hassan El Amri, candidat des forces tribales et conservatrices, qui bénéficie également des faveurs de l'Arabie Saoudite.

Son règne est cependant de courte durée. À la suite d'un incident, le Premier ministre tue, le 20 août, un photographe qui avait manqué de courtoisie à son égard.

Politique de balance

L'homme qui lui succède le 18 septembre à la tête du gouvernement, Mohsen el Aini, ne suscite pas non plus de grandes sympathies à Moscou, mais sa volonté d'équilibrer les influences occidentales et communistes facilite partiellement sa tâche. El Aini invite toutes les puissances, sans distinction de régime, à fournir une assistance au Yémen. Il renoue le dialogue avec l'URSS, où se rend, le 7 décembre, en visite officielle le chef de l'État, Abdel Rahman el Iriani. Il s'abstient de promulguer de nouvelles lois socialistes et tente d'élargir le champ d'action du secteur privé.

Son ministère est fondé sur un savant dosage de tendances, destiné à lui assurer quelque stabilité. Cependant, l'entrée au gouvernement de plusieurs officiers supérieurs paraît confirmer la crainte ressentie dans les milieux dirigeants de voir l'armée se substituer à l'autorité civile.

Yémen du Sud

1 470 000. 5. 2,2 %.
Économie. PNB (63) 167. Énerg. (*69) : 484.
Transports. (*69) : 9 600 + 2 100.
Information. (60) : *60 000. (67) : *30 000. (63) : 14 400 fauteuils ; fréquentation : 0,2 M. (69) : 9 410.
Santé. (66) : *117. Mté inf. (66) : 79,9.
Éducation. (67). Prim. : 56 267. Sec. et techn. : 18 185.
Institutions. (République démocratique et populaire.) État indépendant le 30 novembre 1967. Constitution de 1970. Président du Conseil présidentiel : Salem Ali Robaya ; succède à Qahtan el-Chaabi, démissionnaire. Premier ministre : Ali Nasser Hassania.

Effondrement

La crise économique, engendrée tout à la fois par la fermeture du canal de Suez à la navigation internationale (juin 1967), la suppression de la base militaire britannique (novembre 1967), la méfiance des bailleurs de fonds étrangers, la prudence de la bourgeoisie et les transformations structurelles de l'économie réalisées par le régime marxisant d'Aden, persiste et même s'aggrave.

Les jacqueries paysannes, déclenchées en octobre 1970 (Journal de l'année 1970-71), encouragées et parfois organisées par les militants du parti au pouvoir (le Front national), se poursuivaient encore en juin 1972. Cette application originale de la réforme agraire suscite une régression dans la production agricole, déjà particulièrement modeste sous le régime colonial. Effrayée par le radicalisme des dirigeants, la petite bourgeoisie hésite à investir. L'industrie de transformation, le commerce périclitent en raison du marasme général. Les entreprises nationalisées vivotent, faute de fonds et de cadres expérimentés en nombre suffisant. Le chômage total, partiel ou déguisé — hérité de l'ère coloniale — frappe désormais la moitié de la population potentiellement active. Le revenu national est en baisse. Le budget de l'État, la balance commerciale et des paiements sont déficitaires. L'épargne nationale est presque nulle.

Menaces

Ainsi minée de l'intérieur, la République est ipso facto menacée de l'extérieur. Entourée d'ennemis ou d'adversaires, ses frontières sont soumises à de fortes pressions militaires. À l'ouest, les Éthiopiens fortifient les îles proches du détroit de Bal el-Mandeb qui donne accès à la mer Rouge. À l'est, l'armée du sultan d'Oman, encadrée par des officiers britanniques, engage le combat pour empêcher le ravitaillement de parvenir aux maquisards du Dhofar ; les avions du sultanat, pilotés également par des Anglais, bombardent les positions sud-yéménites. Au nord, des forces saoudites, d'une part, des tribus nord-yéménites de l'autre, suscitent des incidents et des accrochages sanglants. Le gouvernement de la République démocratique accuse, à plusieurs reprises, l'impérialisme anglo-américain et la réaction arabe de chercher à renverser le régime révolutionnaire d'Aden.

Réformes

Le double péril, intérieur et extérieur, favorise la radicalisation du système mis en place par l'aile gauche du Front national, au pouvoir depuis le 22 juin 1969. Le 2 août 1971, le Premier ministre modéré Mohamed Ali Haytham est remplacé par Ali Nasser Hassania, proche du chef de l'État, dont les thèses sur la violence révolutionnaire rappellent celles des maoïstes. Le cinquième congrès du Front national, qui se tient du 2 au 6 mars 1972, avalise l'essentiel des vues du président Salem Robaya, notamment en confiant aux partisans de ce dernier la plupart des postes dirigeants du parti. L'assemblée la plus puissante de la République décide de poursuivre la révolution agraire, de consolider le secteur public dans l'économie, de jeter les bases d'un parti unique d'avant-garde (dans lequel seraient venus se fondre les communistes et les baasistes), d'accorder un rôle accru aux milices paysannes et ouvrières dans la défense du régime et du territoire, de fournir un plus grand soutien à tous les mouvements révolutionnaires de la péninsule arabe, notamment aux maquis du Dhofar. Plusieurs mesures sont prises, réduisant l'écart des salaires, instituant la sécurité sociale, favorisant l'émancipation de la femme, renforçant le caractère laïc de l'État.

Aide de Moscou

Le régime multiplie les initiatives pour briser son isolement de la scène internationale. S'il demeure fidèle à ses options anti-impérialistes en refusant de renouer avec les États-Unis et la Grande-Bretagne, de reconnaître l'accession à l'indépendance des émirats du golfe Persique, de Bahrein, de Qatar, du sultanat d'Oman, il envoie plusieurs délégations dans les pays arabes pour exposer son point de vue. Il tente de se réconcilier avec la République arabe du Yémen en offrant une rencontre avec les dirigeants de Sanaa en vue de la réouverture des frontières.